Le petit pêcheur, T2 [MxM]

19 - Le nouveau bras

     La jambe d'Alexandre tressautait nerveusement. Son avant bras était posé sur la table et il regardait Oscar mettre des gants en plastique. Son regard naviguait entre la prothèse et son avant-bras. Mais surtout sur la tige en métal. Même si elle n'était pas très grande, on parlait quand même de l'introduire dans son bras, puis dans son os. Il sursauta lorsqu'il sentit une main se poser sur son épaule.

« Tu ne devrais pas avoir aussi peur, murmura Azathoth. Quelque chose me dit que la douleur que tu vas ressentir n'est rien par rapport à ce que tu as déjà pu éprouver.

— C'est vrai que depuis que j'ai rencontré Fleur... Ma vie n'a pas été de tout repos.

     Il se tourna un bref instant vers Oscar, qui fouillait parmi les solutions d'anesthésiants local.

— Mais des fois, je me dis que ce n'est pas plus mal. C'est juste que la Capitale, la Milice et tout... C'est compliqué, des fois.

     Azathoth caressa sa joue avec affection.

— Pourquoi est-ce que j'ai l'impression de vous connaitre ? Je suis persuadé qu'on ne s'est jamais rencontré.

— On ne s'est jamais rencontré... Dans cette vie. Peut-être que tu n'étais qu'un jeune garçon à l'époque, mais il y a quelques années, mon jeune frère a trouvé la mort sur ces terres.

     Alexandre le regarda quelques secondes.

— Est-ce que... Je peux savoir de quelle façon ?

     Azathoth soupira.

— Mon jeune frère était curieux, innocent et il aimait beaucoup trop retourner à la surface. Un jour, il s'est fait attrapé, il s'est fait tué... Les surfaciens l'ont étudié comme une bête de foire, un monstre, une abomination. Je croyais qu'en retournant chez nous, j'emportais tout avec moi, mais j'ai le sentiment qu'une part de mon frère est resté chez les surfaciens. Est-ce que... Par le moindre des hasards, tu aurais entendu parler d'un évènement qui se serait produit en 2014 ?

     Alexandre fouilla dans sa mémoire avant de répondre par la négative.

— J'avais cinq ans en 2014, je n'ai pas beaucoup de souvenirs de cette époque.

     Oscar se rapprocha d'eux. Ses mains tremblantes tenaient trois seringues, toutes remplies d'anesthésiant.

— Je... J'en ai prit trois mais je sais pas si c'est la bonne dose... Je sais qu'on n'a pas beaucoup de temps, mais je n'ai pas envie de te faire du mal...

     Alexandre lui sourit.

— Fait-moi les trois injections, on devrait être bons.

     Oscar soupira. avant de désinfecter la peau d'Alexandre.

— Désolé, je sais que tu n'aimes pas les piqûres...

— Vas-y, insista Alexandre.

     Oscar prit une grande inspiration et il introduit la première aiguille dans le bras d'Alexandre. Il réitéra l'opération.

— Tu sens encore ton avant-bras ? demanda-t-il.

— Non, il est tout engourdi.

— Ok...

     Il attrapa le bras mécanique d'une main tremblante et il déposa la tige en métal sur son moignon. Oscar planta son regard dans le sien.

— Prêt ? demanda-t-il d'une voix peu rassurée.

— Oui.

     Oscar ignorait s'il devait planter l'aiguille d'un coup où s'il devait manipuler le bras doucement. Le fait qu'il avait un os à pénétrer l'aiguilla un peu sur sa décision.

     Il attrapa fermement le bras mécanique et l'avant-bras d'Alexandre et planta d'un coup la tige en métal dedans.

     Malgré les anesthésiants, Alexandre eut un sursaut, écarquilla les yeux et ouvrit sa bouche en grand. La douleur l'électrifia et il commença à hurler. Oscar plaça son bras sur ses lèvres.

— Mon Renard, je suis désolé, mais il ne faut surtout pas que tu fasses du bruit. S'il faut que tu me broies le bras et que tu me détestes, n'hésite pas, mais s'il te plait ne fait pas de bruit... »

     Alexandre referma ses dents sur sa peau et mordit dans sa chair, la transperçant et le sang d'Oscar ne tarda pas à goutter sur le sol. Le roux lui lança un regard haineux tout en étouffant son hurlement de douleur dans le bras de son compagnon.

     À l'intérieur de son bras, la tige en métal se déploya, creusant un peu plus dans son os pour s'y agripper. Pour terminer, d'autres petits embouts se dispersèrent de façon à s'ancrer dans son bras.

     Oscar fit preuve d'un grand self-contrôle pour ne pas hurler de douleur. Il se contenta de la supporter le temps qu'Alexandre se calme. Ce qui ne tarda pas à arriver. Lorsqu'Oscar vit les yeux d'Alexandre se révulser, il sentit la pression sur son bras s'arrêter et il rattrapa le roux juste avant qu'il ne tombe par terre.

     Il l'allongea prudemment sur la table, utilisant une blouse pour le couvrir et sa veste pour lui faire un appui-tête de fortune.

« Alexandre ? murmura-t-il en tapotant doucement sa joue.

     Il y avait du sang partout, sur la blouse, la table, le sol et sur le visage d'Alexandre.

— Alexande, s'il te plait... Ale...

     Le bras mécanique d'Alexandre attrapa Oscar, le serrant d'une force surhumaine. Oscar laissa échapper un gémissement de douleur. Et enfin, Alexandre ouvrit les yeux d'un coup, ôtant un poids de la poitrine d'Oscar.

— Hey, Alexandre, tout va bien ? Je suis là, je suis là...

     Le roux se releva avec difficulté, s'asseyant sur la table. Oscar écarta les mèches de son visage, essuyant le sang qui s'y trouvait dessus en même temps.

— Comment tu te sens ? demanda-t-il.

     Alexandre regarda Oscar, Azathoth et son bras.

— Essaye de le faire bouger ? suggéra Oscar.

     Le roux regarda à nouveau son bras et fronça les sourcils.

— J'y arrive pas, marmonna-t-il

— Tu as réussi à m'attraper il y a quelques secondes, tu es capable de le refaire, j'en suis sûr.

     Oscar attrapa son nouveau bras et le toucha sur toute la longueur. Alexandre eut un sursaut et il écarquilla les yeux.

— Qu'est-ce qu'il y a ? demanda Oscar.

— Je... J'ai sentit quand tu me... Recommence !

     Oscar s'exécuta. Il attrapa délicatement le bras nacré, le sous-pesa avec ses mains et le porta à hauteur de son visage. Il posa la main artificielle contre sa joue et il ferma ses yeux. Un sourire se dessina sur son visage lorsqu'il sentit Alexandre réussir à lui caresser la joue.

— Je peux... Je peux sentir la chaleur de ta peau... murmura-t-il.

     Il porta sa nouvelle main à la hauteur de son visage. Lentement, il referma tous ses doigts, avant de les rouvrir uns à uns. Il eut une exclamation de joie. Oscar l'enlaça.

— Maintenant, on doit retrouver Artan et Archange, d'accord mon Renard ?

     Alexandre l'enlaça et enfouit son visage dans son cou.

— Désolé de t'avoir mordu...

— Je guérirai.

     Il aida Alexandre à descendre de la table et ils portèrent leur attention vers Azathoth.

— J'ignore ce qu'il se passe au dessus, mais les battements de cœur se sont accélérés, déclara-t-il.

     Les humains hochèrent la tête.

— Allons-y. »