6 - Le grand chêne dans la nuit

190 31 78
                                    

À l'entente de ces trois mots, j'eus un rire nerveux.

— Comment ça, « tu sais tout » ? Réussis-je à énoncer calmement.

— Ce que tu es, pourquoi tu es ici et pourquoi tu as peur d'être suivi, dit-elle en énumérant sur ces différents doigts.

— J'ai le droit de savoir ? Dis-je en passant la main dans mes cheveux, submergé par le stress croissant.

— Bien sûr. L'inconvénient, c'est que je ne sais pas qui est l'auteur de ce message, avec des airs de « fleur bleue ».

— Moi, si.

Comprenant que chacune d'entre nous détenait des informations que l'autre désirait, je me suis dit que j'allais jouer de cela. Cependant, Phoebe envisagea une tout autre tournure pour la conversation.

— Bien. À voir ton visage, cette personne n'a pas encore essayé de te tuer, donc j'imagine que c'est une bonne chose. Pour l'instant. Il est tard, je vais me coucher.

Elle plia bagage vers sa chambre universitaire, comme si nous avions débattu d'un sujet sans grande importance. Restant sans voix, je m'empresserai de relancer la conversation.

— C'est tout ? Pas de grande révélation à faire, pas d'ascenseur émotionnel.

Rien !

Sur le seuil, elle déclara « Spoiler. Ce n'est pas l'heure » avant de refermer la porte avec un clin d'œil dans ma direction. Le lendemain, l'accès à sa chambre resta verrouillé de l'intérieur. Pensant aussitôt qu'elle avait tout inventé pour me faire peur, j'ai pris quelques affaires avec moi et séché les cours. Apparemment, je n'étais pas la seule à avoir eu cette idée. Melissa traînait dans les environs, cigarette à la main. Étrangement, elle et moi échangeâmes un hochement de tête avant de prendre chacune des routes séparées.

Je ne rentrais pas à la maison ce jour-là. Non. Mon humeur pencha plutôt pour Victoria Island. Je voulais visiter ces lieux où Ezekiel m'avait murmuré ces mots. Tâcher de comprendre à qui je pouvais me fier ou non. En arrivant sur place, je découvris la fameuse plaine où le feu d'artifice avait été tiré, y compris l'arbre où mon estomac avait fait sa propre signature.

Étrangement, le bois en arrière-plan, pour sa part, m'était complètement inconnu. Décidant de m'y aventurer afin de me changer les idées, le sac de cours sur l'épaule, plus je m'enfonçais, plus les lieux devenaient sombres. Parcourant le chemin de traverses inscrit dans les feuillages recouvrant le sol sous mes pieds, je me mis aussitôt à penser à l'histoire d'Alice.

Cela serait amusant de trouver le terrier du lapin, pensais-je amusée.

C'est alors qu'à ma grande surprise, au coin d'un grand chêne, non loin de là, je vis une grande crevasse à ses racines. Il était très imposant et ses feuilles couvraient un grand nombre de feuillages d'un vert foncé.

— « [...] elle y pénétrait à son tour, sans se demander une seule fois comment diable elle pourrait bien en sortir », criai-je à voix haute, citant le conte de Lewis Carroll.

Mais tandis que je m'approchais doucement de ce trou, j'entendis précipitamment une personne arriver à grands pas dans mon dos.

— Te voilà toi !

Me retournant d'un coup, j'y vis Phoebe. Les cheveux ramassés en chignon, laissant tout juste quelques mèches tomber sur les côtés de son visage fin. Elle était vêtue d'une étrange tenue : un pantalon à pattes d'éléphant de couleur fluo digne de l'époque hippie, avec un débardeur marron en « v » à franges.

— Je t'ai cherché partout, figure-toi ! Poursuivit la demoiselle, mains sur les hanches.

La dévisageant de la tête aux pieds, je ne savais pas vraiment quoi répondre. S'approchant de ma position, elle s'écria tout sourire :

Perle grise - nuages d'automne |EXTRAIT|Où les histoires vivent. Découvrez maintenant