Recommencement

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J'observe les traits dessinés maladroitement dans le mur de pierre grise. Cinq.

Cinq jours que je suis ici, dans un endroit que je ne connais pas et dont je ne sortirai probablement jamais.

Cinq jours que Kai doit survivre, seul. Je n'ose même pas imaginer son inquiétude, lui qui n'a jamais eu à chasser. C'est avec peine que je me refuse à penser qu'il soit mort.

Je n'ai vu personne depuis mon réveil, dans cette pièce sombre meublée seulement d'un lit encore moins confortable que notre vieux canapé. Mes sens sont toujours atrophiés, et je suis incapable d'utiliser mon kagune. Si je ne sais pas où je me trouve, je peux le supposer.

La Cochlée. Le seul lieu où on aurait pu m'injecter ce fichu sérum qui m'affaiblit. Si c'est bien dans une de ses cellules que je me trouve, j'ai peu de chances d'en sortir vivant. Non, aucune. Mon exécution est probablement déjà programmée.
Je frissonne malgré moi en pensant que c'est probablement ici qu'est morte ma mère, elle que je n'ai presque jamais connue. A-t-elle vécu comme je vis à présent, affamée, diminuée, en attendant la mort ?

J'ai peur. Je ne veux pas l'admettre, et je combats cette frayeur qui m'enserre depuis que je suis coincé ici, mais je suis terrifié à l'idée de ce qui pourrait se passer à présent. J'ignore tout de ma situation, et même comment je suis arrivé ici. J'aurais dû mourir, j'en suis sûr. J'ai senti le quinque me transpercer, j'ai senti le sang couler sur mes mains et mon torse.

Alors pourquoi suis-je en vie ?

Un grincement interrompt mes doutes. Suivi d'un autre, et d'une série de cliquetis de serrures.
Je suis aveuglé par une lumière trop intense pour mes yeux maintenant habitués à l'obscurité. En face de moi se tient quelqu'un dont je ne peux pas distinguer le visage, aveuglé par les lampes qui se sont subitement allumées.

- Qui êtes-vous ?

Je murmure d'une voix rauque et basse. L'inconnu m'ignore pourtant et reste silencieux, planté devant moi sans aucune crainte. Si je n'étais pas aussi faible, il serait déjà mort.
Puis, il se retourne simplement et commence à refermer la lourde porte.

- Qui êtes vous ?!

Cette fois-ci, je peux distinguer son visage, encadré par des cheveux grisonnants et bouclés. Il me fixe, songeur, comme un scientifique observerait son rat de laboratoire.

- Tu n'as pas besoin de connaître mon nom pour remplir ton rôle, finit-il par lâcher avant de sortir de mon champ de vision.

Je reste abasourdi pendant quelques minutes après que son pas lourd se soit éloigné. De quel rôle parle-t-il ? Une impression morbide me dit que c'est probablement de mourir. Mais je suis incapable de comprendre pourquoi cet homme est-il venu me voir après m'avoir laissé dépérir si longtemps.

Un rôle. Ais-je encore une mission ? Le CCG n'a jamais fait autre chose que des quinques avec les goules capturées, n'est-ce pas ? Mais je commence même à douter que c'est les colombes qui me gardent prisonnier ici.

Une odeur que je connais bien arrive soudain à mes narines, et je remarque un petit paquet posé sur le pas de la porte. Mais qui est donc cet homme qui possède de la viande humaine ?
Je ne comprends plus rien à ma situation. Je ne suis pas mort ; mieux, le bras que j'avais perdu au combat est bien raccroché à mon épaule et mes blessures ont disparu. Et à présent, cet étranger m'apporte de la nourriture et me parle d'un rôle à jouer.

Cependant, l'odeur tiraille mon estomac, et la faim coupe toute autre réflexion. Je compte bien profiter aussi longtemps que possible du répit qui m'est accordé.

***

Pour la millième fois, j'observe silencieusement la fenêtre par laquelle mon frère avait l'habitude de rentrer. Est-il seulement vivant ?

Lorsque je me suis réveillé, quelques jours plus tôt, il n'était pas là. J'ai pensé qu'il était parti chercher de quoi manger, comme il le fait d'habitude. Mais il n'est toujours pas revenu.

J'ai peur que les colombes l'aient tué. Il est ma seule famille, mon seul ami aussi. Je ne pourrais même pas survivre sans lui. Je ne mange pas grand-chose et j'ai assez de viande pour attendre son retour encore quelques temps, mais je devrais bien sortir pour m'approvisionner à un moment ou à un autre, et je ne sais pas me défendre.

Mon frère m'a toujours défendu de sortir seul, mais je préfère encore le chercher que d'attendre alors qu'il est peut-être blessé quelque part. Alors, silencieusement, j'enjambe le rebord de la fenêtre.

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⏰ Dernière mise à jour : Jan 29, 2020 ⏰

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