Chapitre 1 : La Tombe des Revenants part.3

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                Plongé dans ses réflexions, et fixant le reflet flou de son visage sur son armure, Euric le chevalier n'écoutait pas son noble voisin de table, Mycroft le parieur, qui l'appelait depuis quelques minutes.


"Chevalier ? Chevaliiiier ? Messire Euric ? Eh beh, sourd à votre âge, c'est bien dommage. Ah, voilà, vous vous réveillez. Dites, je me demandais, où est notre quatrième compagnon d'infortune ?"


                 Quatrième ? Euric releva la tête, surpris de cette question. Depuis qu'il était là, il n'avait vu que Gundar le mercenaire, et personne d'autre. Le joueur semblait avoir une idée derrière la tête, mais le chevalier était bien incapable d'en percer le secret. Décidément, ce personnage le laissait perplexe, trop intelligent pour être simplement distrait, et trop peu imposant pour tenter autre chose que de parler. Pourquoi était-il dans la même salle que lui et Gundar, deux guerriers puissants et assez imposants ? D'ailleurs, ces questions donnaient à Euric un regard méfiant, ce que son interlocuteur ne manqua pas de remarquer.


"Depuis tout à l'heure, vous êtes dans vos pensées, inattentif à ce qui se passe autour, et je devine que notre bon Gundar me regarde pendant que j'ai le dos tourné avec un air menaçant, son boulet à la main. Aussi j'apprécierai de savoir l'ensemble des forces en présence dans les environs, au cas où ... L'union fait la force, ne pensez-vous pas ?"


                    L'union fait la force ? Curieux de songer à cela maintenant, se disait l'épéiste. À moins que Mycroft n'envisage de livrer combat, ou de se faire attaquer, il ne tiendrait pas un discours aussi ... préoccupé. Enfin, c'était moins par esprit de groupe que pour assurer sa sécurité, car c'était bien là le but de la manœuvre : inciter le chevalier à se tenir prêt à le défendre, au cas où Gundar ne l'attaque, pour une raison ou une autre. Il semblerait que le joueur soit particulièrement méfiant envers lui, rien d'étonnant vu la dégaine du mercenaire, mais tout de même ... Et puis, cette histoire de quatrième personne rendait Euric perplexe.


"Mais ne faites pas cette tête, il y a quatre godets, quatre plats, quatre chaises, vous voyez où je veux en venir. Cela me semble un peu gros, comme coïncidence. Et cela fait un certain temps que nous sommes ici tous les trois, et rien ne se passe plus depuis mon arrivée. De Plus, j'ai comme l'impression d'être épié, ce qui serait aisé étant donné la configuration des lieux. M'est avis qu'on nous observe, et qu'on ne souhaite pas se montrer"


                     La remarque du parieur était assez pertinente. Euric acquiesça, et se leva de sa chaise pour entamer une nouvelle fouille de l'endroit, à la recherche d'un élément qui lui aurait échappé. Gundar lui-même, qui les écoutait sans en donner l'air, commença à zieuter dans les coins sombres, à la recherche de quelqu'un de caché dans la pénombre. Il cessa même de songer à se débarrasser de cet homme qu'il voyait comme une menace potentiel, trop malin à son goût. Quant à Mycroft, il déplia une arbalète finement ouvragée, qu'il avait dissimulé dans sa besace, et tous entamèrent une énième fouille de la salle. Euric et Gundar pensaient tous deux avoir déjà tout vu, pourtant à chaque observation, des éléments nouveaux leurs apparaissaient, de petites choses qu'ils n'avaient pas captés, tapies dans l'ombre, des objets ou des meubles qui tiennent du détail. Ils commençaient à se sentir à l'étroit, dans cette salle sombre et poussiéreuse.


                         Il leur fallu un certain temps pour découvrir la source de la sensation du parieur, ils étaient effectivement surveillés. Euric, soulevant un coffre, tomba nez à nez avec un animal, un chat noir aux yeux perçants, qui adressait au chevalier un air dédaigneux. Il appela vite ses comparses, amusé de voir la cause de cette agitation, après quoi il retourna à table, avec le félin sur les bras, au cas où il ne s'enfuit dans le dédale. S'en suivit plusieurs regards amusés face à Euric qui peinait à garder le chat en place, puis une observation de l'animal dans l'espoir d'en apprendre plus sur leur situation, mais aussi pour tromper un ennui de plus en plus difficile à supporter. Pendant qu'ils s'occupaient de cette affaire, aucun ne songeait à attaquer les autres, en tous cas. Hélas pour eux, ils ne virent rien de bien passionnant, c'était là un chat ordinaire, cependant Mycroft évita de l'approcher, apparemment il était superstitieux, rien d'étonnant pour un joueur de carte. Bien vite, le félin se lassa d'être observé, et quémanda quelques grattouilles, comme le font ses congénères. Euric, qui le tenait, n'avait jamais vraiment apprécié les chats, leur préférant leurs homologues canins, plus fidèles, droits et obéissants. Mais il prit le fauve sur ses genoux, et retira son gantelet pour répondre à ses sollicitations. Le chevalier replongea dans ses pensées, et le silence revint pour un temps.



                         Soudain, une légère lumière, différente de celle de la lanterne, émana d'un coin de la pièce. Un miroir, de grande taille et très finement ouvragé, voyait sa surface se troubler, laissant filtrer des rayons lumineux dignes d'un braséro ou d'une cheminée. Les trois hommes se levèrent, sortirent leurs armes, et se préparèrent à un potentiel assaut ennemi, après-tout s'ils étaient équipés, il devait y avoir une raison. Euric brandit son bouclier, puis commença à approcher lentement de l'objet. Gundar faisait décrire à son boulet un mouvement circulaire pour lui faire prendre de la vitesse, quant à Mycroft, il s'était mis genoux à terre, en position de tir, prêt à aligner quiconque sortirait de là. La surface de la glace se fit de plus en plus trouble, jusqu'à suivre des mouvements presque aqueux, puis les trois hommes virent une personne en sortir.


                      Une femme était entrée dans la pièce, portant une tenue d'étoffe large, et arborant une expression neutre, qui fit quelques pas dans leur direction. À chacun de ses mouvements, qui dévoilaient le bas de ses jambes, on n'entendait presque aucun sons, l'étrangère marchant pieds nus, et ne portant que très peu de bijoux, et pas des plus riches. Une certaine beauté se dégageait même de sa démarche légère, de son visage pâle et de son air détaché. Devant cela, les trois hommes n'attaquèrent pas immédiatement, laissant l'étrangère approcher, pour lui donner une chance de s'expliquer. Quand elle fut à plusieurs mètres du miroir, celui-ci retrouva une apparence normale, cessa de briller, et la pièce retrouva son éclairage sombre habituel. Une fois face à eux, la femme joignit ses mains, avant de s'incliner devant ses trois interlocuteurs.

"Bonjour, Revenants, et bienvenu dans l'Entre-Monde. Je suis La Suivante, à votre disposition tant que vous serez parmi-nous. Je répondrai à n'importe laquelle de vos sollicitations, dans la limite des ordres de mon seigneur, mais avant cela je dois vous expliquer ce que vous faites ici. "


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Asgard - Chroniques de l'Entre-MondeWhere stories live. Discover now