Chapitre 6 ~ Révélations

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L'auberge était plongée dans le noir. Triv nous proposa à manger, mais comme nous avions déjà mangé, nous déclinâmes l'invitation. Il nous conduisit donc à notre chambre :

– Euh... On va dormir dans la même chambre ? questionnais-je, commençant à être gênée.

– Je suis désolé, il ne m'en reste qu'une, me répondit Triv. Mais sinon je peux vous laisser la mienne, si ça vous dérange, s'exclama-t-il précipitamment.

– Non, non, ne vous inquiétez pas, dis-je. Ce... C'est pas grave.

Elle est arrivée ? demanda Dagnir.

De qui parlait-il ? L'aubergiste acquiesça d'un simple signe de tête, avant de nous souhaiter une bonne nuit, en se retirant. Je poussais la porte et une tornade de cheveux d'or sentant le printemps m'entoura. Surprise, je me figeais, et Dagnir me bouscula légèrement afin de pouvoir à son tour rentrer dans la chambre. Je pus donc voir qui était cette personne à l'odeur printanière.

C'était une jeune fille aux longs cheveux blonds parsemés de fleurs. Elle avait des yeux bleus transparents telle une rivière d'été. Sa longue robe blanche agrémentée d'une ceinture mettait en valeur son teint pâle et ses lèvres roses, elle aussi pâles. Elle était naturelle et très jolie ainsi. Je me demandais qui était-ce. Peut-être la copine de Dagnir ?

– Hum... bonjour, fis-je, hésitante. Vous êtes...?

– C'est ta servante personnelle, m'interrompit Dagnir, son ton redevenu froid.

Mais qu'est- ce qu'il avait, à changer d'humeur comme ça ? En tout cas, j'étais bien loin du compte, en pensant que c'était sa petite amie ! En même temps, pourquoi me l'aurait-il présenté ? J'étais sa femme, et si il avait une petite amie, elle ne devait pas m'aimer. La jeune fille, qui devait avoir mon âge, s'inclina, intimidée, et me dit d'une petite voix :

– Je m'appelle Klervia...

Je la relevais gentiment :

– N'aie pas peur ! On ne va pas te manger !

Elle se redressa donc, un sourire reconnaissant aux lèvres, et m'entraîna dans une pièce attenante à la chambre. A l'intérieur, il y avait un grand baquet d'eau fumante, colorée en violet et sentant très fort la lavande. Je m'y glissais avec délectation et fermais les yeux.

Je sortis de mon bain un peu plus tard, et m'habillais d'une chemise de nuit. Je retournais dans la chambre, où je trouvais Klervia... en train de donner des ordres à Dagnir !

– Tu dormiras dans le fauteuil et Gwendolyn dans le lit un point c'est tout ! Et range-moi cette malle dans un coin au lieu de la laisser traîner en plein milieu de la chambre !

Dagnir leva les yeux au ciel mais, étonnamment, il s'exécuta. Je ne pus m'empêcher de rire devant l'absurdité de la situation. Il se tourna vers moi, et fit semblant d'être vexé. Mais ses lèvres formaient un joli sourire qui le trahissait...



***


L'ambiance de l'auberge de bon matin était paisible, tout le monde étant encore un peu endormi. Dagnir m'avait levée avant l'aube et j'avais encore du mal à émerger. Il faut dire que je n'avais pas l'habitude de me faire réveiller ! Il faisait encore nuit ! Et même si nous étions au début de l'hiver, c'était trop tôt pour moi !

Dehors, il faisait nuit noire, avec pour seul éclairage les lumières tremblotantes des véhicules qui partaient. A l'intérieur, les lumières étaient tamisées, et les quelques rares voyageurs lève-tôt déjeunant avec nous parlaient très peu, en murmurant.

Je serrais ma tasse de chocolat entre mes mains pour tenter de me réchauffer. A côté de moi, Dagnir mordait d'un air absent dans son croissant tandis que Klervia mangeait une orange. Cette dernière ne voyagerait pas avec nous, nous rejoignant directement au manoir. Pour ma part, je décidais de me confectionner un muesli : des flocons d'avoine, quelques morceaux de pomme, de poire et de banane ainsi que du lait. Sans oublier, bien sûr, la cuillère miel pour rehausser le goût !

Je commençais à manger, et vit Dagnir lorgner mon bol.

– Quoi ? marmonnais-je.

Le matin, l'éloquence n'était pas forcément mon point fort !

– Rien, me répondit-il, surpris. Ton truc a juste l'air bon.

– Ch'est du muchli, corrigeais-je, la bouche pleine.

Pour le glamour, on repassera !

Nous finîmes de manger en silence, tout en tentant de nous réveiller, ce qui ne fut pas une réussite. Puis, nous embarquâmes dans notre diligence. Je posais ma veste contre la vitre froide, dans l'intention de finir ma nuit, quand je me souvins d'une chose :

– Au fait, tu ne m'as pas expliqué de quoi vous parliez avec Triv, hier soir. Qu'est-ce que vous vouliez dire ?

Dagnir, qui avait déjà fermé les yeux, les rouvrit lentement.

– C'est... long et compliqué à expliquer. Tu veux vraiment savoir tout de suite ?

– Oui, répondis-je abruptement. Je veux tout savoir : c'était quoi l'histoire avec ta mère ? Et quel était le rapport avec mon père ? Et le mariage ?

Il leva les mains en signe d'apaisement :

– D'accord, d'accord... je vais essayer de t'expliquer du mieux que je peux.

Je hochais la tête en croisant les bras, tandis que Dagnir se calait confortablement sur son banc.

– Comme tu le sais sûrement, il y a encore quelque jours, nous étions en guerre froide. En ce moment, la guerre débute, mais n'est pas encore au summum de son atrocité. Cette guerre se déroule entre les partisans d'une certaine Nequitia, et ceux de Scio. Ces deux noms sont latin. Celui de Nequitia signifie "méchanceté", tandis que l'autre veut dire "je sais". Le nom de Scio a un rapport direct avec son objectif : éliminer les gens considérés comme "pas assez intelligents" et ne garder que les plus érudits. Faire avancer la technologie et le savoir au détriment du reste. Les partisans de Nequitia, eux, ont des objectifs inconnus. Quant à ma mère, elle fait partie d'un groupe nommé les Ducis, ce qui signifie les dirigeants. Il n'y a pas de chef de groupe à proprement parlé, mais les membres les plus influents sont ma mère et son compagnon. Ton père est le bras droit de ma mère, c'est pourquoi nous avons été mariés. Les Ducis voudraient "améliorer" le système pour le rendre meilleur. Répartir les gens dans des cases, pour mettre les gens au caractère compatible entre eux. Ainsi, il n'y aurait plus de conflits... Le problème, c'est que cela reviendrait à juger les gens dès leur naissance, sans possibilité de changement, alors que les gens changent au fur et à mesure de leur vie, et leur façon de penser aussi. Le problème, c'est que je ne suis probablement pas au courant de tout. Ma mère, voulant à tout prix m'allier à sa cause, ne m'a certainement pas tout dit.

Je hochais la tête. Ça faisait beaucoup de choses à assimiler en même temps. Dagnir enchaîna :

– Depuis le début du voyage, nous étions dans l'une des rares parties du monde encore préservée de la guerre. Mais dès que nous entrerons dans la ville,...

Il laissa sa phrase en suspend, ce qui n'augurait rien de bon. Il se tut et je cogitais un bon moment sur ce qu'il m'avait dit. Mais à force de tourner en boucles les mêmes mots dans ma tête, l'angoisse finit par m'étreindre. Je m'efforçais donc de penser à autre chose.

Je commençais à m'endormir lorsque la caravane s'arrêta brusquement. Dagnir se redressa d'un coup, verouilla portes et fenêtres et m'annonça que nous rentrions dans la partie en guerre du territoire...

Loin...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant