La porte s'ouvrit brusquement. La neige s'engouffra avec la même précipitation que l'homme à bout de souffle.
— Ils sont là ! Il faut partir !
Face à lui, son épouse se balançait en somnolant, sa petite fille accrochée goulument à son sein.
Les mots eurent l'effet d'un coup de fouet. La femme s'était redressée en sursaut, le visage blême, effaré. Elle arracha la fillette de son sein, se rua à la chambre préparer un sac de vêtements, pendant que son mari fourrait quelques vivres à la hâte dans sa besace. En quelques minutes, ils furent prêts à partir. La mère attacha solidement son enfant dans le dos, tandis que lui attrapait son épée et le sac de voyage. Emmitouflés dans d'épaisses fourrures, tous trois quittèrent la chaleur de leur foyer pour la nuit glaciale de l'hiver.
La neige tombait dru. La citadelle était à feu et à sang. Le couple fuyait de toutes ses jambes vers les portes de la ville, fuyant le chaos, les hurlements d'agonie plus glaçants que le vent. Ils filaient sans bruit à travers les ruelles, les maisons détruites, les pierres éclatées, les débris jonchant la chaussée. Le blizzard avait encore forci, ils avançaient presque à l'aveugle, jusqu'à ce qu'un grondement sourd les arrête à l'angle d'une rue. L'homme fit un bond en arrière.
— Pas un bruit... s'ils nous repèrent, nous sommes morts.
À l'ombre de la ruelle, il prit une grande inspiration et jeta un bref coup d'œil. L'éclat d'un souffle de glace l'éblouit, puis l'obscurité protectrice de la nuit revint. À pas lent, ils traversèrent la rue, les épaules crispées, les respirations retenues. Le duo reprit sa course. Les portes de la citadelle n'étaient plus très loin.
Le poids de sa fille dans le dos, la fatigue, la peur, la mère ralentit la cadence. L'air gelé lui brulait les poumons, un coup de poignard transperçant ses côtes. Une seule seconde d'inattention, son pied heurta un débris. La chute fut douloureuse. Surpris, le bébé se mit à pleurer. L'homme se précipita vers sa femme pour l'aider à se relever, tenta de consoler l'enfant. La fillette se tut. Soupire, brume de soulagement. La mère réajusta l'écharpe, lança un regard inquiet à son mari, ils repartirent. Des pas rapides, la neige qui crépitait sous les bottes, les souffles haletants. Nouvel arrêt brutal. Deux yeux jaunes brillaient devant eux. L'homme dégaina une épée tremblante.
— Fuyez ! Je vous rattraperai ! cria-t-il.
Non, pensa-t-elle. Il lui était inconcevable de fuir sans lui, de le laisser derrière. Elle attrapa son bras, voulut le forcer à la suivre. Ensemble, coute que coute. Ils pouvaient trouver un moyen de les contourner. Il le fallait. Leur fille aurait besoin de son père.
Sourire fugace. Triste, tendre.
L'homme se dégagea gentiment, ses yeux la suppliaient de sauver leur enfant. Anéantie, la femme serra les dents et s'élança sans se retourner, le sourire mensonger de son mari gravé au fond du cœur. Il ne les rejoindrait pas.
Elle courait, le vent arrachait ses larmes. Se faufiler, ruelle après ruelle, le blizzard lacérait le visage, la neige brulait la peau, qu'importe, il fallait fuir. Rester en vie. Pour lui. Pour sa fille.
Un nouveau cri retentit dans la nuit. Le combat était terminé. Son mari était mort. La tristesse faillit l'envahir, ses jambes devant cotonneuses et faibles, mais elle se raccrocha à la chaleur du petit corps dans son dos. Le combat n'était pas terminé.
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Symbiose I : Terres de neiges [TERMINÉ]
FantasíaUn genou au sol, Teoline cherchait difficilement son souffle. L'air glacial lui brulait les poumons, l'épuisement lui déchirait les muscles. Cela faisait trois aubes qu'elle portait le harnois sans l'avoir ôté une seule fois. Elle ne s'habituait pas...