Thomas

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               Je le croise souvent, le long de la cathédrale. Il est habillé bizarrement, un sarouel bouffant en guise de pantalon et une grosse doudoune multicolore sur le dos. Ses joues rougies par le froid, lui ont toujours donné un air charmant. Il a des cheveux d'un noir intense, couleur ébène cachés sous une grossière capuche qui ne qui jamais sa tignasse bouclée. Son teint bronzé malgré le climat de France, ses taches de rousseur au-dessus de ses pommettes. Et ses yeux, il a les yeux d'un félin. Jaune tirant vers le vert. Il m'a toujours intrigué, mais je n'ai jamais eu la force d'aller lui parler et pourtant, j'ai peur. J'ai peur qu'un jour je marche sur cette place et qu'il est disparu. Pour l'instant je le vois, tantôt assis sur le sol puis allongé sur un banc. Tantôt donnant des bouts de pain aux pigeons ou encore shootant dans des canettes vides.

                Il est toujours là, et à chaque fois que mon regard le croise, des centaines de questions se bousculent dans ma tête : quel est son nom? Quel est son âge? Restera-t-il là indéfiniment?

                Si seulement j'avais eu le courage de m'approcher, d'allé lui parler. Il m'aurait peut-être répondu qu'il a vingt ans ou vingt-deux. Il se serait présenté entant que Benji, Kevin ou même Théo. Il m'aurait raconté son histoire. Il m'aurait confié que sa famille l'a rejeté et qu'il a dû partir. Ou alors qu'il s'est enfui par choix et qu'il est bien mieux comme ça. Puis pendant un instant, je n'aurais plus eu peur, je serais venu lui parler, un jour puis un autre. Au final, je serais revenu chaque matin.

                Je m'exclamerais du bout de la rue Saint- Émilion : Salut toi? Ça se passe? Je lui parlerai de tout et en même temps de rien. Lui m'écouterait en souriant et en s'amusant de ma joie de vivre. Puis lorsque j'aurais finis, il me raconterait sa vie à lui, la dureté de la rue, le rejet de la société. Ou bien il me regarderait sans rien dire juste en plongeant son regard si intense dans le mien, il fixerait mes yeux bleus océan lumineux, s'éclaircissant par l'innocence et l'insouciance que dégageait un ado de 17 ans qui ne connait rien à la vraie vie. Je lui apporterais un peu de réconfort et lui me ferait découvrir le monde dans lequel on vit. Les bonnes et les mauvaises facettes.

                Et j'adorais ça.

                Mais pour l'instant je garde mes questions et mes rêves pour moi, car hier lorsque je suis passé par la place Saint-Etienne, passant devant la boulangerie Parnasse, devant moi, s'étendait une place desserte. Le banc, son banc était vide.

               Il n'était plus là. Mais peut être qu'un jour, il reviendra. Ce qui est sûre c'est que je l'attendrais et j'aurais toujours espoir de le revoir emmitoufler dans son énorme manteau de toute des couleurs allongé sur le banc en bois.

               J'en ai même oublié de me présenter, je m'appelle Thomas, je suis en première L, j'aime beaucoup la littérature. Lire et réfléchir c'est mon truc. Mais ce que j'aime par-dessus tout, c'est la musique. J'écoute de tous, de la musique classique au métal. Dès que j'entends ces délicieux sons m'envahirent, je me ferme automatiquement dans ma bulle. Je joue de la guitare depuis six ans. Et actuellement je suis dans un groupe de rock depuis un an à peu près, je m'occupe du chant et je suis à la guitare électrique.

             J'ai beaucoup d'amis, mais j'essaie de ne pas trop m'attacher, j'ai un trouble du comportement. Cela s'appelle un trouble explosif intermittent. Et c'est dur au quotidien. Je n'ai pas choisi de vivre ainsi, mais tout ce qui concerne ma colère, je ne contrôle pas. Je n'y peut rien. Je confronterai cette rage toute ma vie, à chaque instant. Pour le moment, personne n'a jamais réussi à me calmer pendant mes crises.

je le croiseWhere stories live. Discover now