CHAPITRE 1

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« Paris est une solitude peuplée »
— François Mauriac

Une feuille, un crayon. Et le déferlement d'émotions, l'encre qui tache la blanche page, tous ces mots sales et usés, réécris encore et encore chaque soir. Parce que c'est tout ce qu'il me reste pour m'échapper. J'ai tant de choses à dire et tant d'occasions que je ne saisis pas. Tant à dire, et pourtant je ne sais pas parler. Alors laissez-moi vous écrire, venez à la rencontre de mes pensées, laissez-moi vous guider à travers le labyrinthe de mon cœur, visiter ses moindres recoins et connaître mes plus doux instants, et mes pires démons. Venez et ressentez un peu de ce que je ressens. Laissez-moi vous écrire.
Je vais vous conter mon histoire.

Ma vie était une succession de ratures avant toi. Des brouillons chiffonnés, des boules de papiers à jeter, rien qui ne me satisfaisait vraiment. Et puis te voilà, toi, sur ton cheval blanc, prêt à sauver la princesse de son donjon, tu es arrivé tel le prince charmant que j'attendais depuis toujours. Tu m'as appris l'amour, le vrai, et notre histoire restera sans doute à jamais ma plus belle histoire.
Ça ne s'est pas passé comme ça. Pas du tout.
Parce que t'es un prince complètement bousillé, et que j'ai malheureusement trop tendance à m'attacher aux âmes effritées. Je m'obstine toujours à vouloir les recoller. Et avec toi j'ai échoué. C'est mon âme que je dois réparer maintenant.

CHAPITRE 1

Paris.
Des rues infinies et grisâtres, des bâtiments à perte de vue et le bruit infernal de la ville. Du haut de mon petit balcon, j'observais cette population massive se presser en contrebas. De cette hauteur, ils me faisaient penser à des centaines de fourmis, se bousculant les unes contre les autres, affairées à leur travail. Une gigantesque fourmilière voilà ce qu'est la capitale. Je ne comprenais pas l'obsession des touristes pour cette ville. Paris était grise, Paris était terne, Paris m'agaçait.
Après presque un an à habiter ici, je m'étais tout de même habituée à ces parisiens aux visages peu avenants, à leurs regards vides et leurs démarches empressées dans les tunnels du métro. Encore quelques mois et je retournerai dans ma petite ville plus au nord, avec des arbres à perte de vue et des habitants à l'air jovial qui lançaient volontiers quelque sourire dans la rue.

Assise à mon petit balcon, je vous observais passants qui passent et repassent. De l'autre côté de mes barreaux je jouais à deviner vos vies, je prenais mon temps pour vous inventer des histoires, puisque vous êtes trop pressés pour les vivre. De l'autre côté de mes barreaux, je me sentais comme un oiseau en cage, qui détaillait le monde de son perchoir, solitaire. Le ciel au-dessus de ma tête était vaste, infini, tentateur. Symbole de liberté. Ce que j'aimerais être un oiseau afin de déployer mes ailes et m'envoler, libre enfin, à la découverte de terres qui me ressemblaient. M'échapper loin de tout ce gris. Je soupirai doucement. Je rêvais d'autres horizons, mais je rêvais beaucoup pour quelqu'un qui n'avait vu de la France que ma campagne et la capitale. Un jour je partirai, c'était certain, c'était obligé, un jour je plierai bagage loin d'ici. Le monde était trop beau pour que je ne me contente que de ses tristes aspects.

Une goutte de pluie vint s'écraser sur mon front, suivie de ses semblables, une à une.
À contrecœur je finis par me relever, et refermai la porte sur le boucan de la rue. Le calme de mon petit appartement était toutefois le bienvenue après ces longues minutes en compagnie du vacarme des voitures. Je m'avachis sur le canapé-lit, aux côtés de Shadow qui dormait tranquillement. Ce dernier ouvrit un œil paresseux pour voir d'où venait ce dérangement, me jeta un regard désapprobateur avant de mieux se rouler en boule. Mon chat avait son petit caractère bien à lui. J'esquissai un sourire attendrit en le regardant, puis me saisis de mon portable que j'avais quelque peu délaissé depuis mon réveil. J'avais déjà une dizaine de notifications, la plupart venaient de Ela, qui avait l'air de s'impatienter devant mon silence.

T'es réveillée ?

On se voit tout à l'heure ?

Me dis pas que tu dors encore ?!

Léo répond !

T'es vraiment emmerdante !

Je souris, amusée devant ses messages agacés, avant de me décider à lui répondre.

Bonjour à toi aussi !

La réponse ne se fit pas attendre longtemps.

T'abuses ça fait une heure que
j'essaie de te joindre.

J'ai pas regardé mon portable
en me levant.

J'avais bien compris ! Du coup
on se voit cet aprem' ?

Vers quelle heure ?

Je sais pas, comme tu veux.
On peut manger en ville peut-être.

Partante pour un tacos !

Jamais tu mangeras équilibré toi !

Je ris doucement. Ela nous faisait toujours remarquer notre fâcheuse tendance à manger gras dès qu'on en avait l'occasion. On a qu'une vie après tout...

On se retrouve là-bas à midi.

Je viens te chercher. Sois à l'heure.

Il était presque dix heures, ce qui me laissait largement le temps de me préparer. Je décidai de sauter le petit-déjeuner, gardant mon appétit pour ce midi. Je m'étirai en baillant, adressai une caresse au chat avant d'aller fouiller ma penderie à la recherche d'une tenue. Après tout un jean et un pull léger suffiraient, je n'aimais pas en faire des tonnes.
L'eau chaude de la douche était la bienvenue après une nuit qui s'était révélée mouvementée, encore. J'accumulais les cauchemars ces derniers temps, les rêves insensés et les réveils en sursauts. Ça m'arrivait trop souvent de voir des insectes dans ces derniers, et alors que je haïssais déjà particulièrement ces bêtes, ceux de mes songes étaient exagérément grands. Impossible de passer une nuit reposante, et au fil des jours les matins étaient de plus en plus difficiles. Et je n'avais aucun moyen de me débarrasser de ces mauvais rêves... Alors je me consolai en laissant l'eau s'écouler le long de ma peau, apaisant mon corps fatigué. C'était mon petit bonheur du matin.

Fais sourire ton cœurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant