« La source de nos découragements est souvent dans notre impatience. »
— Ernest NavilleChad.
Un nom qui résonnait sans cesse dans ma tête, qui marquait en rythme chaque pulsation de mon cœur. Un son doux à mes oreilles, et un visage gravé sous mes paupières. Ses yeux bruns me hantaient, sa voix était un lointain écho qui ne me quittait pas.
Des centaines de souvenirs affluaient chaque fois que je fermais les yeux, et si je me concentrais je pouvais presque sentir encore son odeur.Chad c'était l'histoire d'un prince venu secourir la princesse du dragon. C'était l'histoire d'un cœur un peu brisé qui se voyait renaître à ses côtés.
Chad c'était une longue histoire, faite de mots doux, de phrases tremblantes et de ponctuations hésitantes. L'histoire d'un hasard, d'une seconde chance, d'un espoir, du renouveau. De plaies qui se pansent, de confiance et de confidences.
Chad c'était une amitié, un amour tendre, un amour passionné, un amour discret.
Mais Chad appartenait surtout au passé. Le prince avait secouru la princesse puis l'avait laissée tomber. Un conte de fées qui ne se terminait pas par « ils vécurent heureux ».Mais le passé s'acharnait longtemps, c'était pourquoi je me retrouvais roulée en boule sur mon lit inconfortable, la gorge serrée, le ventre nouée. Si Shadow ressentait ma peine et tentait de me réconforter de son mieux, il ne pouvait apaiser les tourments de mon cœur qui pleurait. Ce n'était plus qu'un immense vide au fond de moi, un trou béant, une plaie géante. Mais le vide ne devrait pas tant peser, non ?
De petits ruisseaux avaient pris place le long de mes joues, venaient s'échouer dans mon cou, humidifiaient le coussin. Et au milieu de ce désarroi, la tentation de le recontacter rongeait mon esprit, m'infligeant d'autres souffrances.Des sentiments, des mots, des cris et des sanglots se bousculaient en moi, tels un ouragan qui ravageait tout sur son passage, emportant la joie, la légèreté, la vie. Et je me sentais sombrer plus les secondes passaient, je tombais toujours un peu plus dans cet abyme. Comment se relever quand on avait perdu la seule personne capable de nous y aider ?
La tristesse débordait, tout ce manque de lui m'envahissait, et porté par la détresse était le cri étouffé que recueillit mon oreiller, tentant d'exprimer ce trop-plein d'émotions brutales.De longues minutes plus tard, mon corps vidé gisait presqu'inerte sur le matelas, mes yeux étaient secs, ternes. La crise était passée et j'avais l'impression que toutes mes forces s'étaient envolées, y compris celle de pleurer.
Quand Shadow vint frotter son petit museau contre ma joue, j'esquissai maladroitement un geste afin de le caresser.— Je suis là mon chat, ça va aller ne t'inquiète pas, murmurai-je à son oreille.
Mais qui essayais-je de rassurer ? Lui ou moi ? Je m'aveuglais d'illusions, ça n'irait pas et je le savais. J'étais seule, avec pour seuls compagnons un cœur endommagé et une âme dévastée.
Le souvenir de mon après-midi avec Ela me semblait bien lointain, alors que je me trouvais là, au milieu des draps spectateurs de mon chagrin.
Le visage souriant de mon amie s'invita devant mes yeux, et ce fut comme un électrochoc. Comment pouvais-je décemment me laisser aller ainsi ? Je n'étais pas seule, Ela était là, Ruben était là, Lucie l'était aussi. Et les autres aussi, et je pensais alors à Sarah et Anaëlle qui se trouvaient à l'autre bout de la France, mais qui étaient là elles aussi.Non, je n'étais pas seule, et tant que j'aurai mes amis près de moi, ce ne sera pas le cas. Alors j'allais me ressaisir, ne pas me laisser abattre. Parce que le mois prochain je prendrai un nouveau départ à presque trois cent kilomètres d'ici, un nouveau départ en abandonnant mon passé derrière moi. Et à ce moment-là, ça ira mieux.
Sur ces pensées déterminées je me relevai, et allai effacer les vestiges d'un amour blessé d'un coup d'eau fraîche sur le visage. Tout au fond de moi, une petite voix me soufflait que, malgré tous mes efforts, je savais que le même scénario se reproduirait bientôt. Mais je préférais l'ignorer, me bercer d'espoirs, puisque l'espoir me permettait de tenir encore debout.
Mon estomac grogna alors, me rappelant au moment présent. Il était bientôt minuit et il n'avait pas vu la couleur d'un aliment. Cependant, en fouillant mes placards je dû admettre que rien ne me tentait vraiment, et mon frigo exempt de vraie nourriture semblait me signaler que je ne tiendrai pas encore deux semaines comme ça. Il fallait que je rachète un minimum de provisions dès le lendemain.— T'en penses quoi toi ? interrogeai-je le petit félin qui, comme moi, constatait l'était du réfrigérateur.
— Miaouuu.
— Roh ça va, t'as encore assez à manger toi !
Ses yeux sombres se posèrent sur moi un instant, puis ne trouvant rien à redire il finit par retourner s'allonger dans un coin.
Si je m'efforçais de dépenser le moins possible pour moi, afin de gérer au mieux mon budget mensuel, je mettais un point d'honneur à répondre au mieux aux besoins de mon chat. Il se trouvait être ma responsabilité, je ne m'imaginais pas ne pas prendre soin de lui. C'était impensable.Sur ces pensées pleines de bon sens et le ventre vide, je retournai donc m'allonger dans le but de dormir. Seulement, le sommeil ne m'intéressait plus trop, ce fut donc sur les réseaux que je passais la majeure partie de ma nuit, jonglant entre les messages de mes amis et autres utilisations contre-productives de mon portable. Me reposer aurait été plus judicieux, mais ce ne fut que quelques heures plus tard que je tombai enfin dans les bras de Morphée, épuisée par tant d'émotions, de rires et de larmes mêlés au court de cette journée.
L'image de son sourire fut la dernière qui gagna mon esprit ce soir-là.
VOUS LISEZ
Fais sourire ton cœur
General FictionÀ dix-neuf ans, Léona est déjà fatiguée. Alors qu'elle recherche un semblant d'authenticité dans un monde qu'elle ne comprend pas, elle finit par tout quitter pour recommencer de zéro. D'étudiante pleine de rêves à caissière désillusionnée il n'y a...