« Toutes les grandeurs de ce monde ne valent pas un bon ami. »
— VoltaireUn sourire naquit sur mes lèvres lorsque j'ouvris la porte sur une Ela toute souriante. Avec son visage jovial, ses yeux pétillants et sa façon d'être, elle ne pouvait qu'attirer la sympathie. Elle était un vrai rayon de soleil, illuminant la vie de ceux qu'elle approchait. Elle était ma lumière dans mes moments les plus sombres. Ce petit bout de femme possédait un grand morceau de mon cœur, mais évidemment elle n'en savait rien. Mes amis savaient que je tenais à eux, mais je ne m'épanchais jamais trop sur mes sentiments, et pourtant ils méritaient que je leur dise plus souvent combien je les aimais.
Je fermai la porte derrière moi, et m'installais sur le côté passager de sa petite voiture.— En route mauvaise troupe ! s'exclama-t-elle.
— Ruben vient avec nous ?
— Non, il passait la journée avec son copain aux dernières nouvelles.
Il n'y avait que nous deux alors. Lucie devait être avec son copain également. Je grimaçai.
— Ils pourraient passer plus de temps avec nous parfois. On dirait que seuls leurs mecs existent. Surtout Lucie.
Ruben était souvent partant pour passer du temps avec Ela et moi, on ne pouvait pas lui reprocher de rester avec son copain parfois. Mais on ne voyait que très peu Lucie, et ça m'agaçait. Ça m'attristait surtout, il était bien loin le temps où l'on était toujours fourrées toutes les deux, partout où l'on allait. Elle était ma meilleure amie. Mais depuis quelques temps, j'avais l'impression d'être presque transparente à ses yeux. Et ça faisait mal, au fond. Mais ça non plus, je ne le disais pas.
Avec la fin du lycée, notre petit groupe d'amis s'était quelque peu éloigné. Ela et moi nous étions rapprochées malgré une certaine distance, Ela n'étant pas dans notre fac. Et moi, séchant la plupart de mes cours par désintérêt, je m'éloignais petit à petit de ceux que j'avais toujours considérés comme ma famille. Ça restait douloureux de me dire qu'on ne passerait plus de moments comme avant, mais je me disais que c'était la vie, que les rencontres allaient et venaient, et on ne pouvait rien y faire.
— T'es bien silencieuse, remarqua la conductrice.
— J'ai faim ! lui répondis-je en riant. J'espère qu'il n'y aura pas trop de monde.
— Toi et la bouffe alors...
Je fis mine d'être vexée, avant de rire avec elle. Le reste du trajet se déroula dans la bonne humeur, alors qu'on se racontait les dernières anecdotes à connaître.
Mon amie se gara à quelques dizaines de mètres de notre destination, ainsi nous fîmes le reste du chemin à pied. Il n'était pas facile de trouver une place de parking libre un samedi midi, c'était l'une des raisons pour laquelle je préférais me déplacer en métro généralement, mais Ela était plus à l'aise avec sa voiture, même si je savais qu'elle était toujours un peu effrayée à l'idée de conduire en milieu urbain.— Tu pars bientôt alors, non ? me demanda cette dernière.
Je soupirai doucement. J'étais plus qu'heureuse de partir d'ici et de retourner dans ma région d'enfance, mais malgré tout mes amis allaient atrocement me manquer et savoir que je ne les verrai plus aussi souvent m'attristait beaucoup.
— D'ici un bon mois, le temps de finir l'année et passer les partiels.
— Et les réussir évidemment !
— Tu portes beaucoup d'espoir en moi, riai-je. Je vais me contenter de faire acte de présence ce sera déjà pas mal !
Elle eut une mine faussement sévère. Elle n'avait pas eu la chance de pouvoir suivre des études cette année, et tuait son temps entre sa famille et ses sorties avec moi et les autres. Elle avait passé ces trois dernières années à se battre contre la maladie, et je savais que tout ce qu'elle désirait après ça c'était de vivre pleinement, de vivre dans tous les sens du terme. Je ne pouvais pas imaginer ce qu'elle avait dû traverser durant cette épreuve, mais je pouvais comprendre qu'on ait besoin de profiter sans devoir envisager le pire.
C'était l'une des raisons pour lesquelles j'admirais profondément Ela. Elle avait tant de force en elle, encaissait tellement jour après jour sans ne jamais fléchir. Mais je savais qu'au fond elle puisait en grande partie sa force des autres, de ses proches, parce qu'elle était du genre à penser aux autres avant elle, mais cela rendait-il cette force illégitime ? Ce n'était pas mon avis. Pour continuer à avancer dans les pires moments de sa vie, il faut du courage et même si on le tire d'autrui, ça reste du courage. Tout le monde ne l'a pas, malheureusement. Mais j'aurais beau lui dire tout ça, ça ne la ferait pas changer d'avis. Parce qu'elle était comme ça Ela, elle était une boule d'énergie contenue dans moins d'un mètre soixante, elle était un concentré d'émotions pures qui débordaient parfois, elle était fragile et forte à la fois, elle était douce et ne se laissait pas faire, elle était toujours joyeuse mais un peu cassée à l'intérieur, elle était de nombreuses contradictions, mais surtout, surtout, elle était incroyablement bornée. Une vraie tête de mule quand elle le voulait, bien qu'elle passait son temps à me retourner le compliment. Elle était comme ça Ela. Et je l'adorais juste comme ça.
Après avoir patienté une bonne vingtaine de minutes pour passer commande, nous reussîmes à nous trouver une table libre à l'étage. Les bipeur étaient posés religieusement devant chacune de nous, et nous attendions impatiemment qu'ils sonnent tout en discutant de choses et d'autres. Ce fut celui de ma camarade qui se fit remarquer le premier.
— Aaaah vite, vite ! s'exclama-t-elle comme pour elle-même en se précipitant pour aller chercher sa commande.
Je l'observai disparaître dans les escaliers, le sourire aux lèvres. Quelques secondes plus tard la sonnerie de mon bipeur retentit également, ainsi après avoir récupéré nos deux plateaux, nous pûmes enfin commencer à manger.
— Tu vas faire quoi, du coup, l'année prochaine ? me demanda-t-elle soudain, relançant le sujet de mon départ.
Je m'octroyais une nouvelle bouchée avant de lui répondre.
— Eh bien... Déjà partir en vacances, riai-je, après je vais poser des CV ci et là en espérant trouver un job au moins pour quelques mois.
— Et si tu trouves rien ?
— Me porte pas malheur ! Dans le pire des cas je me déplacerai dans la ville d'à côté mais je croise les doigts quand même !
— Mmh... Ça fait chier que tu partes quand même, grommela-t-elle la moue boudeuse.
J'esquissai un sourire pour la forme, mais au fond je n'en menais pas large.
— C'est pour la bonne cause, j'ai vraiment besoin d'un nouveau départ, tu le sais bien. Et puis on se verra souvent, n'est-ce pas ?
— Bien sûr qu'on se verra ! Mais ça va me manquer un peu mine de rien nos petites sorties.
— Tu viendras chez moi ! Je te ferai découvrir mon coin ! m'exclamai-je, ravie à l'idée de pouvoir lui montrer l'endroit où j'avais grandi.
— On fera ça oui. Et Chad ? me demande-t-elle d'un air plus sérieux.
Je me renfrognai soudain.
— Chad c'est du passé.
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Fais sourire ton cœur
Fiction généraleÀ dix-neuf ans, Léona est déjà fatiguée. Alors qu'elle recherche un semblant d'authenticité dans un monde qu'elle ne comprend pas, elle finit par tout quitter pour recommencer de zéro. D'étudiante pleine de rêves à caissière désillusionnée il n'y a...