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Elle se trouve sous une partie de la rue abritée par un toit. Derrière elle, il a stoppé son accélération, mais avance toujours. Elle recule encore un peu, et une porte se dresse à sa droite. Il faut absolument qu'on lui ouvre. Ainsi, elle ne craindra plus rien.

Alors elle toque, sonne, crie à la porte, tout en n'osant pas regarder derrière elle pour voir où en est le camion dans sa progression. Elle sait que ce quartier est essentiellement touristique, et que peu de gens habitent encore dans ces maisons, mais il faut qu'on lui ouvre. Sinon elle va mourir. Inutile de se voiler la face plus longtemps. Ce que Pierre veut, c'est l'écraser vivante. Il veut voir ses os se briser sous les roues de son camion, il veut qu'elle meure en souffrant.

Marianne cogne de toutes ses forces contre la porte, jusqu'à ce que ses poings soient en sang. Elle poursuit le faible espoir qui si personne ne venait ouvrir, elle puisse au moins défoncer la porte.

Pour la première fois, Pierre klaxonne, et elle se retourne. Il n'est qu'à quelques mètres, les mains posé sur le volant, le sourire aux lèvres, et il a enlevé ses lunettes. Elle peut voir son regard fou, cruel, monstrueux. Il veut la regarder droit dans les yeux lorsqu'elle mourra. Mais Marianne continue à frapper contre la porte, et crie à s'en déchirer les cordes vocales. Il faut qu'on lui ouvre, c'est son dernier espoir, car elle sait qu'il n'y a pas d'autres portes après celle-là.

Il accélère et la percute. Elle se retrouve projetée au sol. Son front est en sang, et elle s'est cassée le poignet, mais elle ne ressent presque pas la douleur. Tout ce qu'elle voit, c'est que le camion est désormais devant la porte, bloquant l'accès à sa seule chance de survie. Des larmes de désespoir, de rage, d'effroi coule sur ses paupières. Pourquoi ? Pourquoi cela arrive-t-elle à elle ? Pendant des années il l'a fait souffrir, moralement et physiquement. A cause de lui, elle a essayé de se suicider. Et maintenant que sa vie s'améliore, qu'elle s'est débarrassée de son emprise, il revient pour la tuer. Mais pourquoi est-il aussi monstrueux ? Comment peut-il vouloir l'écraser vivante ? C'est donc comme ça qu'elle meure ? Avec une fin si affreuse ?

Marianne ressent aussi un profond sentiment d'injustice. Elle n'a jamais eut autant de haine pour quelqu'un. Bêtement, elle se retrouve prise au piège, forcée de voir ce salaud se délecter de sa souffrance. Elle n'arrive pas à croire que la dernière chose qu'elle verra, ce sera les roues du camion, et le sourire de Pierre.

Difficilement, elle se relève. Et elle recule, sans courir, à cause de sa blessure, et aussi, peut-être, parce qu'il lui reste juste assez d'espoir pour vouloir gagner du temps. Le camion avance à son rythme. Pierre, veut, lui aussi, prolonger le moment, mais pour une raison différente. Car lui, il adore ce moment.

Le mur n'est plus qu'à une quinzaine de mètres. Elle lève la tête et croise à nouveau son regard empli d'un plaisir insupportable, avant de fermer les yeux. Elle ne veut pas lui faire l'ultime joie de mourir en le regardant d'un regard terrifié et impuissant. Et elle ne va pas le supplier non plus, ça ne servirait à rien et c'est ce qu'il attend.

Soudain, elle sent le mur derrière elle. C'est fini, elle ne peut plus reculer.

- « Que faîtes-vous ici avec ce camion, monsieur ? Vous n'avez pas le droit d'être ici. Et qu'est-ce que ces cris ? » dit une voix.

Marianne ouvre les yeux. Ainsi, elle n'est plus seule face à son bourreau. Elle appelle au secours. Une bouffée d'espoir l'envahie. Qui s'évapore aussitôt lorsqu'elle s'aperçoit que la personne qui as dit ça se trouve derrière le camion et ne peut donc rien faire pour le stopper dans l'immédiat.

Brisant la promesse qu'elle s'était faite, elle regarde à nouveau Pierre, qui est à une douzaine de mètres. Il en profite alors pour accélérer de nouveau. Ce sera sa dernière accélération, elle le sait. Ses paupières se referment instinctivement et elle se prépare au choc. La dernière pensée cohérente qu'elle a et qu'elle espère que ce sera rapide.

Elle va mourir.

Le camionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant