Quelques jours plus tard, suite à un voyage scolaire organisé, nous nous sommes retrouvées (moi, ma tristesse et Violet sans ses étincelles) dans le Nord de la France, là où le vent est vif et la mer agitée. C'était insupportable et génial à la fois. Insupportable d'être entourée d'une centaine d'élèves sur-motivés dans un car empestant les tartines aux oeufs, mais dans un autre sens, génial d'être entourée. Je n'ai pas encore parlé d'Alice car Alice était frustrante à cette époque. Elle l'est toujours. Alice est ma meilleure amie, et vit un bonheur parfait avec un type qui passe sa vie en training comme si il était une star du PSG, sauf qu'il n'en est pas une. Les gens en couple semblent toujours insupportables à ceux qui vivent une défaite amoureuse. J'étais tellement cynique que je rêvais de la secouer et de lui dire que, tôt ou tard, il lui briserait le coeur. Je rêvais de les secouer tous. Je n'en ai jamais rien fait, évidemment. Maintenant, je fais partie des gens que j'aurais voulu secouer il y a quelques mois. C'est bon. J'avais passé les huit heures d'autobus à regarder les paysages défiler en écoutant The house of the rising sun, (qui n'est même pas une chanson de rupture, Dieu merci) alors que la vie en dehors de ma bulle de tristesse se déroulait sans moi.
Alice me lançait de temps en temps un regard de compassion, qui me sauvait et me brisait en mille morceaux à chaque fois. Tout était invivable. Le bruit. Le monde. Le froid. La seule chose qui m'ait réellement marqué, c'est à quel point tout paraissait intense, un peu comme après un deuil. Les petites choses de la vie étaient décuplées. Le chant des oiseaux me semblait assourdissant, le vent me piquait les pommettes.
Le plus impressionnant, ce fût la mer. Je me rappelle avoir été marché sur la plage une nuit, et le mélange de coquillages brisés et de sable froid sous mes pieds m'avait coupé la peau. Cette nuit là, alors que l'eau avançait vers mes pieds, puis se retirait, j'ai ressenti quelque chose d'incroyable m'envahir. Une force indescriptible qui a pris possession de tous mon corps. Alors j'ai couru le long de la mer, jusqu'à être à bout de souffle. J'ai respiré l'air salé à pleins poumons et ça a été le début. Le début d'un long chemin.
Moi, Constance Geller, la mer m'a sauvée.
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La Renaissance de Constance Geller
Teen FictionPremier amour. Première rupture. Constance va devoir faire face à sa nouvelle vie.