La nuit, une rue de Paris, toi, moi.

Tu marches, je marche, on marche.
Tu me parles, je révise les seules conjugaisons que je connais ; je, tu, on.
On se tient le bras. On s'embrasse. On s'enlace. On rit. On vit. Je t'aime, tu m'aimes, enfin je crois, je pense à ce moment-là, oui.

La chute.

Tu tombes, et tu m'entraînes avec toi. On atterrit dans une flaque, il avait plu.
J'esquisse l'ombre d'un sourire et tu ris aux éclats.
Nos vêtements désormais trempés, on s'amuse de notre connerie enfantine. On passe devant un tabac encore ouvert malgré l'heure tardive de cette soirée prolongée, et tu y rentres pour acheter tes foutues clopes. A peine dehors, déjà ton briquet illumine ton visage flamboyant, et je fonds devant toi. Je m'approche, tu relèves les yeux, tires une taffe, bascule ta tête en arrière pour expirer ce venin au-dessus de ton crâne et qui serpente dans l'air. Puis, je retire la sucette empoisonnée de tes lèvres toxiques pour poser ma bouche en manque de la tienne sur ces lèvres, qui me narguent depuis toujours, me mettant au défi d'oser les toucher, les capturer, de façon bestiale, presque vitale, existentielle.
Je t'aime et ça me rend dingue.

On rentre à notre hôtel terminer au lit une nuit qui n'a jamais commencée.

Le jour, un musée, toi, moi.


Paris et ses musées. Tout le monde en parle, tout le monde en rêve. Les gens se pressent dans ces files d'attente interminables, venus des quatre coins du globe. Et nous on attendait, comme des cons, couple français entre des japonais et une poussette espagnole. Je méprisais cette foule, ces touristes qui ne comprennent rien à l'art mais qui font semblant d'être eux-même des artistes, photographes de génies, essayant de capturer cette lumière insaisissable devant des tableaux figés pour l'éternité, mais qui pourtant semblaient prendre vie devant mes yeux. Ils me dégoûtent.
Une fois à l'intérieur, je prends ta main et on déambule dans les galeries. Je vois une masse, humaine, collés les uns contre les autres devant le tableau le plus célèbre du musée. Et c'est encore les uns sur les autres, que chacun essaye de prendre le meilleur selfie,  perche tendue comme un étendard, se marchant dessus et un champs de bataille se dessine sous mon regard. Ils se battent pour une photo, sans jamais prendre le temps d'observer le tableau, qui est pourtant un des plus beaux au monde, c'est vrai. Une femme me bouscule, traverse le groupe comme si elle nageait à contre courant et se pose devant le chef d'oeuvre, remet ses cheveux en place, dégaine son téléphone et tire sa plus belle grimace, qui étire ses lèvres botoxées en ce qui se veut être un sourire radieux.
Affreuse hypocrisie. Mensonge dégoûtant. C'est ce que je vois quand je regarde le monde d'aujourd'hui.
Fort heureusement pour moi, tu me tires le bras et m'emmène dans la salle voisine. Mais une fenêtre m'offre toujours ce spectacle déroutant, et j'aperçois alors dans la pénombre d'un mur, une peinture mystérieuse ; visage mélancolique sur un fond clair-obscur, regard teinté de tristesse mais également d'une douce joie et un visage des plus gracieux. En cette oeuvre d'art, je ne puis ne pas penser à toi. Sublime. Magnifique. Extraordinaire.

Et je te vois enfin m'apparaître ; vision enchanteresse, divine apparition.
Tu es cet art dont je ne peux détacher mon regard, ce phare qui me guide dans la nuit noire.

Je t'observe et ce tableau prend alors tout son sens.
Le chef d'oeuvre se tient à mon bras.

Le matin, la terrasse d'un café, toi, moi.

Face à face, on regarde les boissons que l'on a commandées. Je tripote nerveusement la tasse avec mes doigts, mes mains cherchent la forme de ton corps, la texture de ta peau.
Deux cafés. Bien noirs. Je crois qu'il nous fallait bien ça pour nous maintenir éveillé durant cette journée, au vu des nos heures de sommeil inexistantes ; soit on explorait la ville, soit on couchait ensemble. Je t'observe. Tes cheveux bruns, ton sourire d'ange, ton corps à tenter le diable et ta voix à damner les saints. Si tu savais à quel point ton emprise est si puissante sur moi, si tu savais à quel point je ne peux me passer de toi. Tu détournes  tes yeux de ta tasse et je plonge dans ces abysses sans fond. Je me sens tomber, tomber comme Alice dans le terrier, je me demande où je vais atterrir, à quel moment je vais me fracasser le crâne en rencontrant le sol. Je me demande si tu va me rattraper, ou si au contraire tu va creuser encore plus pour que je sois en enfer. Je regarde tes yeux et je touche le fond. Dans tes yeux je n'y vois que du feu. Et de l'amour. Je vois de l'amour dans ton regard.
Alors aujourd'hui je me pose cette question : m'aimais-tu vraiment ou faisais-tu semblant ?

on a squatté Paris à deuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant