Shamballa – Région de Briggs – Année 1910
Van Hohenheim gravissait la montagne. La pente n'était pas spécialement abrupte, mais l'épaisse poudreuse tapissant le sol corsait radicalement sa progression. À chacun de ses pas, le randonneur avait la désagréable impression de s'enfoncer dans des sables mouvants. Un peu comme s'il soulevait des semelles de plomb. Malgré ce handicap, Van avançait aussi vite que possible. Il regardait devant lui aveuglément, à peine conscient de l'air froid qui engourdissait son corps.
Tout autour de lui, un récif montagneux blanchi par la neige s'étendait à perte de vue. Certaines parois montaient si haut qu'elles disparaissaient par-delà le ciel. Happées dans une couche de brouillard opaque. Heureusement pour Van, celle qu'il remontait s'arrêtait bien plus bas. Le soleil commençait à descendre sur les crêtes, allongeant son ombre gigantesque, pareille à un démon affamé qui avale tout sur son passage.
C'est à cet instant qu'Hohenheim se sentit observé. Alors qu'il progressait le long d'une corniche, il vit la silhouette d'un mouflon noir déambulant juste au-dessus de lui. Van soupira de soulagement. Contrairement aux ours ou aux loups, cet animal ne représentait aucun danger. La bête à cornes arrondies ne releva même pas la venue du bipède et poursuivit sa route. Van l'imita aussitôt, dans la direction opposée.
Dès qu'il fut enfin rendu au sommet, il s'autorisa une courte pause. Adossé contre un large rocher, il but un peu d'eau à la gourde qu'il portait fixée à sa ceinture et essuya la buée qui s'agglutinait sur ses lunettes. Avant de repartir, il leva le regard sur son acolyte. Ce dernier avait les pattes pendantes dans le vide. Agilement suspendu à une branche de l'un des nombreux arbres éparpillés sur le flan de la sierra.
— Nepper, s'il te plait, ralentis. À cette cadence, je ne pourrai pas te suivre bien longtemps.
Comme pour lui certifier son accord, le concerné quitta son perchoir, fit un saut périlleux arrière et atterrit gracieusement sur ses deux pieds, juste en face de son camarade.
— Pas de soucis, mon pote, répondit Nepper en levant le pouce. Passe devant et je me calquerai sur ton rythme.
Hohenheim le remercia d'un sourire, puis il repartit en cinq sec. Physiquement parlant, les deux compères divergeaient en tous points. Du côté de Van, il n'y avait rien de particulièrement hors-normes à relever. Le solide excursionniste présentait toutes les caractéristiques d'un être humain moyen.
D'assez bonne carrure, il avait les yeux ambrés, et un collier de barbe recouvrait son menton. Nepper, quant à lui, n'avait absolument rien d'humain. Dos voûté, oreilles pointues et iris verts luisants. Il ressemblait de très près à un Gobelin. Ces petites créatures espiègles issues du folklore germanique. Mais dans son cas, le terme « Darkling » était plus approprié.
La peau de Nepper était grisâtre, jonchée çà et là de plaques écarlates. Ses dents semblaient rudement acérées, et de puissantes griffes ornaient le bout de ses longs doigts crochus. Une véritable machine de guerre, pour reprendre les dires d'Hohenheim. Par moments, Van enviait son comparse. Non pas qu'il souhaitait usurper son apparence peu ragoutante, mais ses capacités physiques forçaient l'admiration.
Pendant que lui pataugeait dans la mousse comme un nigaud, Nepper bondissait de branche en branche avec adresse et célérité. Mais le bipède ne s'apitoyait pas sur son sort, loin de là. Il avait lui aussi ses talents cachés, et l'alchimie en faisait partie. En parlant d'alchimie, Van sentait que sa destination approchait.
— Tu sais mon pote, je suis déjà passé plein de fois à l'endroit où t'as prévu d'aller. Crois-moi, il n'y a rien de bien intéressant à mater dans le coin, si ce n'est les quelques bestioles que j'y chasse.
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Le Draineur Fou
AdventureSur ordre du pape, une équipe d'enquêteurs se voit confiée une mission des plus improbable : mettre le grappin sur la légendaire Pierre Philosophale. Malheureusement, en acceptant ce travail insolite, l'escouade va aussitôt s'attirer les foudres de...