Chapitre 1 : La louve et la voyante

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Prison de Rome.

Quelques pas se répercutèrent sur les murs humides, annonçant une quelconque présence humaine. Rema leva la tête un bref moment, songeant qu'il s'agissait probablement, comme à l'habitude, d'un garde inconnu.

Une silhouette se dessina sous la lueur des bougies à moitié éteintes par les courants d'air nocturnes. Elle n'était guère identifiable, jusqu'à ce qu'elle s'approchât de la cellule...

Le visage de l'homme était familier. Plutôt familier, même... Rema tenta de fouiller dans sa mémoire pour trouver l'identité du nouvel arrivant, mais n'y arriva pas. Un éclat rougeoyant doré s'effaça soudain, découvrant une large bande pourpre sur la tunique de l'inconnu... Un sénateur.

Marc-Alexandre, prostré aux côtés de sa fille, releva la tête. Une expression de surprise s'esquissa sur son visage, ensuite de nostalgie puis de colère. Ce fut cette dernière qui l'emporta dans son regard, avec dans les yeux une étincelle semblable à celle des flammes des chandelles, qui n'éclairaient que trop peu la geôle.

— Qu'est-ce que tu fais ici, toi ? demanda-t-il dédaigneusement d'un ton furieux. Je croyais que tu m'avais abandonné ! Renié comme père et mère ! Va-t-en ! Je ne veux plus te voir... Disparais.

— Je comprends ta colère, Alexandre... murmura le sénateur, compatissant. Je peux comprendre. Mais oublie ta rancœur, je suis venu t'aider à sortir de ce trou !

« Cassius », se dit soudainement Rema. Oui, c'était bel et bien son nom...

— Crois-moi... Je ne veux que t'aider, toi et ta famille, poursuivit le dénommé Cassius. Je ne savais pas que tu avais une fille...

Il eut un léger geste de la tête vers Rema, qui était restée silencieuse jusqu'à là. Le sénateur continua en soupirant :

— Si tu ne veux pas quitter cette cage, eh bien... Je pars.

— Tu n'oserais pas, Cassius. Tu es à deux doigts de me supplier à genoux d'accepter ta proposition... Tu ne changeras pas. Jamais.

Le sénateur Cassius s'arrêta net à mi-chemin du couloir, ses poings se crispant légèrement, trahissant une touche de faiblesse. Il se retourna et lança un regard fugace vers la cellule d'où Marc-Alexandre avait parlé soudainement, un sentiment indescriptible sur le visage. De la tristesse ? De la nostalgie ? De la fureur ? Rema était incapable de déterminer l'émotion qui l'envahissait à cet instant...

— L'empereur a accepté de te libérer. À deux conditions : l'une, que vous ne posiez plus jamais le pied à Rome, et l'autre... Il veut votre aide pour décrypter le testament de Marc-Aurèle, qu'il a trouvé il y a peu.

Notre aide ? En quoi pourrais-je lui être utile ? s'exclama le père de Rema d'un ton ironique, amer.

— Il sait que tu étais très proche de lui avant sa mort... Il croit donc que tu pourrais éventuellement l'éclairer sur quelques points... obscurs.

La jeune fille - nouvellement prisonnière - vit alors son géniteur hésiter, se mordant la lèvre, le regard perdu dans le vide. « Cet emprisonnement l'a plus affecté qu'il ne veut le croire... » songea-t-elle amèrement en contemplant ses quelques cheveux gris et ses rides plus remarqués, sillonnant son front plissé sous la réflexion.

— Dis-lui que j'accepte.

Cassius inclina simplement la tête et quitta, les laissant dans le silence de la nuit. Rema, dès qu'il fût parti, demanda :

— Qui était-il ? Comment le connais-tu, père ?

— C'est mon frère, admit-il après une longue pause.

— J'ai un oncle ?! s'exclama-t-elle, incrédule. Vraiment ?

— Ainsi qu'une tante et une cousine... Oui.

Rema n'insista pas, assimilant avec difficulté cette information plus que surprenante... En y repensant, oui, il y avait bien un air de famille... Le même regard sombre et perçant...

Dans les ténèbres opaques de la prison, une bougie se ralluma soudainement ; leur seul espoir.

Près du Panthéon, Rome.

Il pleuvait à grosses gouttes, les habitants de la cité s'empressant de se réfugier sous quelque portique. L'averse avait commencé soudainement, prenant par surprise Sibylle, qui s'était alors dirigée vers sa demeure pour s'abriter, située juste derrière le Panthéon.

La voyante s'appuya un moment sur les colonnes du bâtiment dédié à tout les dieux, ailleurs. Son regard se perdit dans le vide, puis se posa sur une flaque d'eau proche de ses pieds. Sa vision se brouilla et quelques images s'installèrent devant ses yeux, très nettes...

Un loup tapi dans l'ombre.
Un aigle et ses serres puissantes, perché sur des rostres de verre,
Puis une louve, qui s'avançait pas à pas...
Jusqu'aux côtés du fier oiseau.

Tout s'arrêta. Sibylle recula, heurtant de son dos une colonne de marbre, le souffle court. La diseuse d'avenir contempla encore un long moment la surface paisible de l'eau trouble, un pressentiment à l'estomac, semblable à celui qu'elle avait éprouvé après cette fatidique vision de l'émeraude... Tout cela se réaliserait, elle en était convaincue.

Mais quel était le sens réel de ces images vues ? La voyante n'en savait presque rien... Excepté la haine palpable ressentie entre le loup et l'aigle, ce dernier symbole de l'Empire... Un quelconque ennemi du César de Rome ?

Et la louve... Elle était proche de l'oiseau d'une élégance auguste. Trop proche, même... Qu'est-ce que tout cela signifiait ?

Pour une fois, Sibylle n'avait presque rien compris du sens occulte de la vision. Et cela lui faisait peur... Très peur...

Elle se décida à entrer et découvrit sa chère demeure saccagée. Un signe des dieux.

Les soieries aux fenêtres étaient arrachées, désormais en lambeaux. Les huiles d'encens coulaient le long du sol en terre battue, répandant une odeur suffocante dans la pièce. La diseuse d'avenir s'avança vers le meuble bancal contenant toutes ses posessions, et découvrit son argent - en l'occurrence quelques piécettes - volé.

Sur la table au centre de la salle était posé un message à l'encre rouge. « Nous serons toujours là. Nous empêcherons la prophétie de se réaliser... »

La voyante se figea. Des menaces ? Comment quelqu'un pouvait-il savoir ce qu'elle avait vu ? Impossible. Elle seule avait vu...



*

Alors ? Vous trouvez comment ce premier chapitre du tome 2 ? Et que pensez-vous de la « prophétie »? Ainsi que de la proposition de l'empereur en échange de leur liberté ? Pour la longueur des chapitres, je promets d'en faire d'au moins 1000 mots ou plus...

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La Légende de Rome - Tome II [en pause]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant