Chapitre 6 : Entre amour amer et haine

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Palais impérial, Rome.

— Vous devriez y songer à deux fois avant de refuser catégoriquement, César...

J'y ai déjà suffisamment pensé, Pertinax. Partez.

Le gouverneur n'insista pas et se retourna vers la porte du bureau impérial, intérieurement furieux du refus de l'empereur ; ce dernier soupira de lassitude : pourquoi devaient-ils tous l'accaparer avec de pareilles questions, dans de pareilles circonstances ?

De plus, ce genre de questions, cela ne regardait que lui ! Personne n'avait à fourrer son nez dans ses affaires personnelles... À ce moment-là, la poignée de bronze ocilla, bougeant de quelques centimètres... Le panneau de bois s'ouvrit sur une expression purement féminine, un visage qu'il n'haïssait pas en lui-même ni n'appréciait : il prenait pour compte qu'elle était aussi peu agréable que son frère, aussi traîtresse que son père, et ce jugement hâtif lui convenait très bien...

— Nous avons trouvé.

— Trouvé quoi ? demanda Commode du ton le plus désagréable qu'il trouvât.

Rema leva fugacement les yeux au ciel et serra le poing ; si l'empereur était fatigué que le sujet du mariage - le sien, rappelons-le - revienne sans cesse sur le tapis, elle, elle était lasse de cette attitude extrêmement déplaisante à son égard...

— La signification de l'aigle et de l'aiglon... Le premier désignerait votre père et le deuxième... ce serait vous.

L'expression du César de Rome changea radicalement : son air surpris devenant rapidement de la colère, et il murmura :

— Comment a-t-il osé ?! Il...

Son interlocutrice fronça les sourcils, ne comprenant guère cette réaction contrariée. L'empereur la congédia soudainement d'un geste de la main, hors de lui, et la porte du bureau impérial se referma une deuxième fois.

— Il ose me le rappeler même après la mort... Je n'ai pas besoin d'aide ! Je n'ai pas à être secondé !

Furieux, Commode se leva brusquement de sa chaise, qui heurta le sol dans un bruit sourd. Celui-ci leva un regard mêlant haine et amertume vers un buste de marbre, à l'opposé de la pièce ; il représentait le défunt Marc-Aurèle... « L'amour et la haine sont sœurs... » C'était si vrai.

Un deuxième coup mortel... Pourquoi devait-il toujours être là, avec ses conseils à la noix ? Il n'avait pas à avoir de guidance ! De la part de n'importe qui... Le dirigeant de la Ville Éternelle quitta alors son bureau, ayant grandement besoin de se changer les idées...

Il passa le reste de la journée à expier ses ressentiments contradictoires en frappant le fer, le cercle de soldats l'entourant, arme à la main, désormais inexistant. Un seul garde restait, un air craintif dans le regard. L'empereur n'avait guère le temps à la pitié ; il abattit son glaive sur le légionnaire, qui s'effondra.

Le soleil rouge sang étendait ses quelques rayons chétifs sur le carrelage blanc, criblé de corps gémisants pour certains, assommés pour d'autres.

— J'espère qu'ils se remettront vite sur pied...

Commode se retourna vivement ; Honorius approchait, rasant du regard la cour intérieure du palais. L'ironie dans sa remarque n'atteignit pas son but ; son demi-frère resta silencieux, ne répliquant pas à la pique.

— Qu'est-il arrivé ?

— Rien de bien grave... Un évènement m'a simplement rappelé des souvenirs que j'aurais préféré oublier...

— Des souvenirs douloureux ? demanda le général d'un ton compatissant.

L'empereur opina de la tête ; un silence de plomb s'abattit sur eux, rapidement brisé :

— Tu comptes rester ici toute la nuit, planté comme un piquet ?

— Bien sûr que non !

— On s'interrogerait alors sérieusement sur ta santé mentale, ricana Honorius.

Le César de Rome soupira une énième fois et quitta la cour sans prévenir, plongé dans ses pensées. Une vive protestation le ramena alors à la réalité :

— Merci de m'abandonner comme ça ! Où vas-tu aller comme ça ?

— Visiter une connaissance.

— Une connaissance ?

*

Désolée de ce chapitre extrêmement court ! Alors, pourquoi Commode a-t-il cette réaction si particulière ? Et quelle est cette « connaissance », à votre avis ?

*

La Légende de Rome - Tome II [en pause]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant