Chapitre 4 : Le lyrisme à son apogée

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Palais impérial, Rome.

— Mais... Merde ! jura Romulus en jetant au sol le précieux papier, furieux.

Le parchemin flotta un très court instant puis tomba mollement sur le carrelage imaculé, nouvellement lavé et dépoussiéré. Romulus contempla un moment le testament, la cause de toutes ses peines, amer.

La pièce à la disposition du jeune homme - où il était présentement -, de sa sœur et de leur père frôlait l'extravagance, avec ses lourdes tentures, ses étoffes soyeuses en guise de draps et ses meubles de bois rare, gages de luxure. Le geste impérial pouvait passer pour philanthropique, mais en réalité, Commode voulait probablement garder un œil sur eux... Comme s'ils présentaient un danger important.

« Nous ? Une menace ? Vraiment ? » songea celui qui venait de jeter le papier au sol, d'une pensée ironique.

Rema arriva soudainement et lança un bref regard vers le testament, levant les yeux au ciel devant la fureur de son grand frère, décidément incapable de contrôler sa colère. Elle s'approcha et prit vivement le parchemin en soupirant, puis s'assit dans le fauteuil rembourré rouge carmin, à sa portée.

La jeune fille lut alors plusieurs fois la poésie lyrique qui se voulait un texte posthume, fronçant les sourcils sous la concentration, et déclara :

— Ce loup et sa progéniture... Un mâle et une femelle. Ce sont des symboles. L'aigle et l'aiglon aussi...

— Ça, je l'ai compris, répliqua d'un ton agacé Romulus. Cependant, que signifient-ils ?

— Réfléchissons... Un aigle. L'oiseau représentant l'Empire... Et l'aiglon, son petit ? suggéra-t-elle.

— L'aigle serait donc... Commode ?

— « L'oiseau fier courbé sous le poids des années passées »... murmura Rema. La vieillesse ! Oui... Ce n'est pas Commode, c'est Marc-Aurèle !

— Et l'aiglon, le petit de l'aigle, donc Commode, le fils de Marc-Aurèle ! dit d'un ton exalté son frère, suivant le raisonnement.

— Mais le loup et ses louveteaux, respectivement une femelle et un mâle... Qui seraient-ce ?

La difficulté était là. Qui se cachait derrière le canidé ? Et quel était le lien entre lui, l'aigle et l'aiglon ? La signification même ne pouvait être trouvée sans comprendre tous les symboles...

— « L'aiglon doit se laisser être secondé par le loup, le jeune oiseau fier ainsi aidé par ce dernier... » cita Rema. Donc, le loup est quelqu'un qui... apporte son aide à Commode ?

Romulus resta un moment songeur, se creusant sans relâche l'esprit. Oui, la tournure le laissait croire... Mais qu'est-ce qui disait que l'empereur avait toléré une guidance ? Le jeune homme était le mieux placé pour savoir que le César de Rome tenait à son indépendance... et à sa propre personne. Il ne se serait jamais abaissé au point d'accepter de l'aide !

— Non, déclara-t-il au terme de sa réflexion. Rien ne nous dit que Commode ait accepté l'aide offerte... Mais, cependant, il est sûr que le loup ait proposé sa guidance.

— Donc... À qui l'empereur aurait refusé pareille proposition ?

— À presque n'importe qui ! Il nous faut d'autres indices...

Ils continuèrent ainsi, à inlassablement lire et relire l'exemple même de la poésie lyrique. Le sens caché et ces tournures complexes, derrière cette signification générale secrète rendaient la tâche si difficile... Réussiraient-ils ?

Ils s'en étaient fait la promesse ; un jour, ils retrouveraient, tout les trois, leur liberté...

Amphithéâtre Flavien, Rome.

Les conversations. Les voix. Les coups métalliques donnés lors de l'entraînement quotidien... Et une jeune femme, qu'on pouvait attribuer au genre féminin « délicat », n'en déplaise à la concernée...

Hélène, craintive, lançait de brefs regards vers la nuée d'esclaves se précipitant d'une salle à une autre, dans le sol souterrain. La vestale, pour éviter que l'on ne le reconnaisse, avait retiré son voile léger ainsi que ses classiques fleurs pures aux couleurs claires, qui l'auraient presque immédiatement trahie. Elle venait en effet de quitter ce cachot humide, et ne voulait guère y retourner une nuit de plus...

La prêtresse s'avança d'un pas lent, convaincue d'avoir fugacement aperçu un visage vaguement familier ; un certain... Gaius.

— Gaius ! l'interpella-t-elle. Gaius !

L'apostrophé se retourna rapidement, une lueur dans le regard ; par chance, le gladiateur l'avait aussi reconnue...

— Que faites-vous ici ? Et... qu'est-il arrivé à Rema ? demanda-t-il rapidement en s'approchant, d'un ton préoccupé.

— Rema a été emprisonnée. C'est... de ma faute. En fait, on l'a jetée en prison pour complicité... avoua à mi-voix Hélène, ne préférant cependant pas raconter toute l'histoire, de peur d'être une nouvelle fois dénoncée.

— Et vous, vous êtes échappée ?

— Exact.

Gaius resta un moment plongé dans la réflexion, les sourcils fronçés, avant de déclarer :

— Vous venez quémander mon aide, n'est-ce pas ? Très bien. J'accepte.

La vestale se réjouit intérieurement et un sourire naquit sur ses lèvres. Elle avait trouvé son sauveur...

Elle sentit alors le papier serré sur son cœur, caché sous ses vêtements : c'était la seule feuille qu'elle avait réussi à garder du livre, recueil des fidèles... Un simple morceau de parchemin, qui signifiait presque tout pour elle... La Foi.

Gaius, lui, se triturait les méninges ; il savait la tâche périlleuse, mais son penchant naturel pour aider les autres reprenait le dessus sur la peur... Il pensait. Réfléchissait à une solution pour sortir Rema et Hélène de ce bourbier...

Si peu facile.



*

Pronostics ? Que feront Gaius et Hélène ? Et, selon vous, qui pourrait être le loup ?

*

La Légende de Rome - Tome II [en pause]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant