𝐦𝐨𝐧𝐭𝐦𝐚𝐫𝐭𝐫𝐞, 𝟏𝟗𝟒𝟓.
sous les fenêtres de 𝐦𝐨𝐧𝐭𝐦𝐚𝐫𝐭𝐫𝐞, les lilas éclaboussaient le gris des rues de leurs couleurs flamboyantes. en allant du blanc de l'innocence, jusqu'aux teintes azures du ciel en passant par le violet des cœurs perdus et le rose de la vie. elles inondaient les sols de pierres d'ombres colorées. le vert des arbres s'y noyaient à chaque fois que leurs feuilles décidaient de s'y plonger. c'était ça, 𝐦𝐨𝐧𝐭𝐦𝐚𝐫𝐭𝐫𝐞. c'était un bout de bonheur que cachait paris de nos pupilles. les artistes ne manquaient pas de venir, recherchant dans chaque coin de ruelle une quelconque inspiration qui inviterait leurs pinceaux à danser. ce qui était le cas de 𝐂𝐇𝐀𝐑𝐋𝐄𝐒, qui lui, passait ses journées à peindre. sauf que son inspiration, ce n'était pas le paysage mais le corps ondulant de 𝐋𝐀 𝐁𝐎𝐇𝐄̀𝐌𝐄.
𝐂𝐇𝐀𝐑𝐋𝐄𝐒
tes courbes me chantent des vers
qui me font tourner la tête
ta chair m'enivre
à peine j'ose
frôler la toile
à peine
te caresser du bout
de mes pinceaux
mes doigts émus tremblent à chaque contact de ton être
je me sens indigne
de toi𝐋𝐀 𝐁𝐎𝐇𝐄̀𝐌𝐄
tu es bien silencieux aujourd'hui𝐂𝐇𝐀𝐑𝐋𝐄𝐒
je crois que je suis amoureux𝐋𝐀 𝐁𝐎𝐇𝐄̀𝐌𝐄
amoureux ?𝐂𝐇𝐀𝐑𝐋𝐄𝐒
de l'art
de
ton corps
qui danse sur cette toile
les soleils qui s'embrasent
dans ta peau
l'animalité qui disparaît
la nature, pure et douce, qui renaît
l'art l'art l'arts'arrête brusquement et pose son front contre la toile, désespéré
je ne veux pas retourner dehors
pas dans le monde extérieur𝐋𝐀 𝐁𝐎𝐇𝐄̀𝐌𝐄
quand est-ce que
ton humanité s'est perdue ?𝐂𝐇𝐀𝐑𝐋𝐄𝐒
depuis que je les ai vus𝐋𝐀 𝐁𝐎𝐇𝐄̀𝐌𝐄
(silence)𝐂𝐇𝐀𝐑𝐋𝐄𝐒
les hommes
je les ai vus
des animaux affamés
ils dévoreraient ton corps s'il le voyait𝐋𝐀 𝐁𝐎𝐇𝐄̀𝐌𝐄, resserrant son peignoir en soie contre elle
et toi ? tu ne le dévores pas déjà du regard ?𝐂𝐇𝐀𝐑𝐋𝐄𝐒, sourit à l'entente de cette remarque.
je suis aveuglée par ta beauté, jamais je n'ai eu l'occasion de le voir, ton corps.𝐋𝐀 𝐁𝐎𝐇𝐄̀𝐌𝐄 resta silencieuse. il avait raison. elle relâcha ses doigts de son vêtement, le laissant glisser sur sa peau. il ne l'avait jamais vu. elle balaya des yeux la pièce, à chaque mur, à chaque espace vide, se tenait un tableau couleur chair. il n'y avait que des corps qui avaient l'habitude de la voir assise, là, sur ce canapé couleur olive. que des corps différents. des corps sans visages. des corps méconnaissables.
différents... pensa-t-elle.
différents... 𝐂𝐇𝐀𝐑𝐋𝐄𝐒 n'avait jamais eu d'autres modèles que 𝐋𝐀 𝐁𝐎𝐇𝐄̀𝐌𝐄. il voyait en elle ce que ses yeux lui cachaient.
le peintre, concentré, était toujours en guerre avec sa toile. des coups de pinceaux qui faisaient saigner sa vierge toile de milles couleurs. c'était un combat sans merci où il n'y avait aucun vainqueur, une bataille où la conscience tentait de prendre le dessus sur son instinct animal, une lutte entre la raison et le coeur qui a besoin de s'exprimer.
𝐂𝐇𝐀𝐑𝐋𝐄𝐒
pourrais-tu...
oui
comme ça
bouge
pas
relève la tête
voilà𝐋𝐀 𝐁𝐎𝐇𝐄̀𝐌𝐄, se lève pour voir le résultat et contemple son reflet
comment t'arrives à me reconnaître ?𝐂𝐇𝐀𝐑𝐋𝐄𝐒, surpris et presque offusqué de sa réponse
comment ça ?
tu n'y arrives pas ? je t'ai peut-être mal dessinée... qu'est-ce que tu n'aimes pas ? les épaules trop-𝐋𝐀 𝐁𝐎𝐇𝐄̀𝐌𝐄, rit. elle se trouvait ridicule. aussi longtemps qu'elle le connaissait, elle n'avait jamais essayé de le comprendre. elle le laissait faire ce qu'il voulait de son corps. alors pourquoi, maintenant, elle essayait de comprendre ?
𝐋𝐀 𝐁𝐎𝐇𝐄̀𝐌𝐄, se rhabillant.
je vais au bistrot, tu veux quelque chose ?le visage de 𝐂𝐇𝐀𝐑𝐋𝐄𝐒 se referma.
hmm...𝐋𝐀 𝐁𝐎𝐇𝐄̀𝐌𝐄
un café crème comme d'habitude ?𝐂𝐇𝐀𝐑𝐋𝐄𝐒, nettoyant ses pinceaux.
pourquoi t'obstines-tu
à me rappeler ce temps
qui n'existe plus ?𝐋𝐀 𝐁𝐎𝐇𝐄̀𝐌𝐄
car il n'a jamais été mort dans mon cœur
(puis en pointant les tableaux sur les murs)
ni dans le tiens d'ailleurssilence plane
𝐋𝐀 𝐁𝐎𝐇𝐄̀𝐌𝐄
alors un café crème𝐂𝐇𝐀𝐑𝐋𝐄𝐒, murmurant presque à lui-même.
fais attention...
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─ 𝐥𝐞𝐬 𝐛𝐞𝐚𝐮𝐱 𝐜𝐨𝐫𝐩𝐬 𝐝𝐞 𝐩𝐚𝐫𝐢𝐬.
Poetry❄︎ ▏ 𝐋𝐄𝐒 𝐁𝐄𝐀𝐔𝐗 𝐂𝐎𝐑𝐏𝐒 ❝ 𝐭𝐚 𝐩𝐞𝐚𝐮 𝐧𝐮𝐞 𝐜𝐨𝐧𝐭𝐫𝐞 𝐦𝐚 𝐩𝐥𝐮𝐦𝐞 𝐟𝐚𝐢𝐬𝐚𝐢𝐭 𝐯𝐢𝐛𝐫𝐞𝐫 𝐦𝐚 𝐭𝐨𝐢𝐥𝐞 ❞ ...