A Miraculous Story - La fuite

Chapitre 1 : Moscou

Perchée sur le toit du célèbre Théâtre du Bolchoï, la silhouette féline d'une jeune femme se découpait dans la nuit moscovite. De ses grands yeux de Chat, elle observait attentivement les tours et les cheminées de Moscou, guettant le moindre bruit, le moindre mouvement, ses oreilles frémissant au moindre son.

Le froid glaçant et la neige de février, qui avaient chassés des rues les habitants de la capitale russe, ne semblaient pas la gêner. D'un geste assuré, elle étendit son bâton télescopique et telle une perchiste professionnelle, s'élança dans le vide, véritable funambule bondissant de toit en toit.

Avec une détermination sans faille et ignorant le verglas et le vent venu de Sibérie, elle n'arrêta sa course qu'une fois sur les hauteurs de la cathédrale Saint Basile le Bienheureux, au sud de la Place Rouge.

Elle n'accorda aucun regard, aucune attention à ce lieu chargé d'Histoire, ni aux bâtiments qui bordaient le site. Elle ignora l'architecture du Kremlin, ancienne résidence des tsars. Elle se moqua des couleurs éclatantes du bâtiment sur lequel elle avait atterri.

Elle n'était pas là pour faire du tourisme. Elle n'en avait pas le temps. Elle n'en avait plus le temps. Et désormais, chaque seconde comptait.

Elle avait déjà dépensé beaucoup trop de temps et d'énergie à chercher un remède désespéré à un problème insoluble. Et cette nuit, Moscou et le campanile de la cathédrale Saint Basile étaient sa dernière piste un tant soit peu crédible. Rio de Janeiro, Washington, Sydney, Tokyo, Athènes... Elle avait épuisé toutes les autres.

Mais malgré les fausses pistes et les déceptions, elle ne cessait d'espérer. Elle ne pouvait pas se résoudre à renoncer si facilement. Malgré les échecs à répétition, elle espérait pouvoir rentrer un jour chez elle, pouvoir retrouver les siens.

Avec l'agilité du félin dont elle portait le costume, la jeune femme parcourut les coupoles et les tours du célèbre monument historique, inspectant le moindre recoin, ne recherchant qu'un signe. Rien qu'un minuscule indice. Elle examina minutieusement chaque brique, chaque mur, chaque dôme. Elle passa de longues minutes à vérifier chacune des dix églises et chapelles, passant chaque détail au crible.

Malheureusement, peu à peu, la jeune femme dût faire face à une cruelle désillusion. Il n'y avait rien. Pas le moindre symbole, pas la moindre trappe. Absolument rien.

Et une fois encore, elle était dans une impasse.

Une de plus.

Prise dans un maelstrom de colère et de souffrance, elle essuya rageusement les larmes qui gelaient sur ses joues. La chance légendaire qui l'avait accompagnée durant toutes ces années l'avait définitivement abandonnée. Et à présent, elle était seule face à la destruction qu'elle avait semé, avec le remord pour seul compagnon.

Avec l'énergie du désespoir, elle se propulsa par-delà la Moskova et atterrit sur le quai Sainte Sophie. Elle s'effondra le long d'un mur et resta ainsi de longues minutes, prostrée dans la neige. Elle n'avait pas d'alternative, pas d'échappatoire. Elle n'avait plus le choix : elle allait devoir faire face à l'inévitable.

Puisant dans ses ultimes ressources, la jeune femme regagna les toits et repartit en courant, ses immenses yeux verts brouillés par les larmes qu'elle ne contrôlait plus. A plusieurs reprises, elle manqua de tomber du haut d'un immeuble, ne se rattrapant que de justesse, mais désormais, elle s'en moquait : elle n'avait plus rien à perdre.

Après plusieurs kilomètres de course effrénée dans la nuit moscovite, elle se faufila discrètement par la fenêtre d'une chambre d'hôtel. Elle la referma dans un claquement sec, laissant au dehors l'hiver glaçant de Russie.