Le temps était à l'orage. Depuis deux jours, les rumeurs se propageaient, se déformaient, s'auto-alimentaient et enflaient de manière exponentielle. Aucune des assertions qui se chuchotaient n'avait été confirmée. Ni démentie, d'ailleurs, songea Morgane. Et il était impossible pour un observateur averti de ne pas déceler les signes précurseurs d'une catastrophe. Alors okay, la néo-humaine était peut-être légèrement paranoïaque, elle le reconnaissait volontiers (qui ne l'aurait pas été après ce qu'elle avait traversé ?), mais la plupart des yachts de luxe avaient disparu de l'astroport et elle se refusait à croire qu'il s'agissait d'une coïncidence.
Shark était nerveux également.
— C'est trop tôt ! marmonnait-il tandis qu'il descendait de ses appartements à l'étage du Metal Bloody Saloon d'un pas pressé, encadré par deux sbires à l'air inquiet. Nous ne sommes pas prêts !
Morgane doutait que quiconque d'autre qu'elle l'ait entendu. Elle avait l'ouïe fine, davantage même que la majorité des autres néo-humains. Une des nombreuses « altérations incontrôlées » avec lesquelles les habitants des Colonies Radioactives avaient appris à composer, mais qui se révélait utile, pour une fois. Morgane se força à ne pas penser à ses autres « particularités ». La phosphorescence ne présentait aucun intérêt, par exemple. Elle grogna.
— Un problème ? lui demanda-t-on.
La néo-humaine leva les yeux. Par-dessus le comptoir du bar, elle plongea son regard dans celui de Bob, l'Octodian qui tenait ce tripot. Puis elle esquissa un mouvement de menton en direction de la sortie où Shark avait disparu. En réponse, Bob pinça les lèvres.
— J'ai vu, murmura-t-il. Merde.
Morgane était redevable de beaucoup de choses envers l'Octodian (de la vie, notamment). Elle savait qu'elle pouvait lui faire confiance. Elle savait aussi qu'il n'était pas « juste » un barman, et qu'il possédait des qualités que nombre de combattants lui envieraient. L'instinct, en premier lieu.
Elle le suivit donc sans hésiter lorsqu'il reposa les verres qu'il nettoyait et sortit dans la rue sans un mot.
— Un problème ? lui renvoya-t-elle.
Au loin, Shark et ses deux gorilles, à pied, disparaissaient au coin d'un building décrépi. Bob fronça les sourcils.
— Merde, répéta-t-il.
Il se tourna vers elle et ajouta un laconique :
— Le Phényx.
Morgane n'avait pas besoin de plus pour comprendre. Elle haussa les épaules.
— Hardner ne vendra jamais son vaisseau.
— S'agit pas de le vendre, rétorqua Bob. Il s'agit de monter dedans et de partir d'ici.Le barman secoua la tête.
— Shark a tenté par tous les moyens de persuader Mel de s'associer à lui... continua-t-il.
Bob laissa sa phrase en suspens. Y compris faire pression sur un Octodian plein de bras, compléta Morgane. Elle n'avait pas été témoin de la dernière « altercation » au Metal Bloody Saloon, mais ce qui s'en racontait lui suffisait : le barman était un adversaire à ne pas sous-estimer qui, tout comme Hardner, détestait qu'on lui force la main. Et si personne n'avait encore été abattu sommairement dans cette affaire, c'était parce que Shark possédait assez de bon sens pour ne pas essayer de régler leurs différends autrement qu'à coups de poings. Ils étaient tous plus ou moins dans le même camp, après tout.
La néo-humaine croisa les bras.
— Okay, et alors ? rétorqua-t-elle crânement. Si Shark veut se tirer, je suis sûre que ce ne sont pas les taxis qui manquent par ici !
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Harlock .0
Fanfiction... Il avait fait l'Académie Astronavale, tout du moins une bonne partie, deux très courtes affectations en tant qu'officier subalterne, et il avait profité de la confusion de la campagne d'Itandir pour s'octroyer sa propre escadrille de chasseurs...