L'Épidémie II

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Chaînes aux mains et aux pieds, trainée par deux garde, Thorn soupira avec lassitude, pendant que le gardien chef Lazlo éructait.

-Par les treize! Encore un convoi de prisonniers, vous vous rendez compte? On se croirait revenu au temps de la Purge des Sapmi!

-C'était plutôt sympa, comme période. Commenta Thorn avec un sourire mauvais.

-Tagueule, Sini. Tu n'arranges pas nos affaires!

-C'est bien la première fois qu'un meurtre en prison vous fait réagir. Fit-elle remarquer.

-Je t'ai dit de la fermer! Ragea le gardien. Ces nouveaux détenus sont pas des criminels! Il y a juste pas d'autre endroit pour le mettre et empêcher la contagion! C'est déjà assez pénible pour qu'en plus tu nous fasse mal voir par les officiels! Maintenant, fermes là ou je te jure que ta ration sera la plus basse qu'on ait vu durant ces cinquante dernières années - et tu seras bien placée pour faire la comparaison, vu que tu as bien passé les cinquante dernières années ici, à refuser de clamser.

-Déjà? Le temps passe si vite quand on s'amuse.

Les gardes accompagnant la Sinistrale tirèrent un peu plus fort sur les chaines au signe de leur chef, et ce dernier continua à ruminer. Il semblait avoir perdu du poids, et ses joues s'étaient creusées, remarqua Thorn. Cela semblait être également le cas des autres gardes, dont beaucoup semblaient nouveaux et peu expérimentés - il serait facile à la Chasseresse, dans ces conditions, de tenir tête seule à un petit groupe d'entre eux, raison pour laquelle, évidemment, elle était encore plus enchainée qu'à l'accoutumée. Thorn constata également avec surprise que ses instincts de prédatrice ne l'avaient pas quittée, puisqu'elle pensait déjà, malgré elle, à un moyen de s'enfuir ou se défendre. Il lui semblait être en passe de se réveiller d'un long rêve, dans lequel elle se serait trop enfermée, pendant bien longtemps, sans chercher ni plus ni moins qu'à survivre en paix. Le couloir du bâtiment administratif, le long duquel étaient allongés des corps recouverts de toiles, ne lui inspirait plus l'indifférence morne qu'elle avait ressenti pendant tout ce temps. Elle ressentait surtout une excitation morbide face à la réalité de la mort inéluctable, si courante dans les mines et pourtant tellement plus violente à la vue de l'ampleur de l'épidémie.

Thorn fut introduite dans la grande salle du bâtiment, qui servait généralement de lieu de stockage, et où travaillaient les prisonniers préférés des gardes - souvent les femmes qu'ils baisaient, d'ailleurs, ce qui assurait sécurité et plus grand confort à ces prisonnières qui devaient choisir entre l'infortune des gardiens ou des autres détenus. Mais en ce jour, la salle était vide, nettoyée, presque étincelante, et on pouvait prendre conscience ainsi de sa taille impressionnante - bien que les souvenirs de la Sinistrale concernant l'endroit remontaient à si loin que le reste du bâtiment n'avait pas encore été construit à l'époque. Une seule personne se tenait dans cette pièce, assise sur une chaise au milieu de la grande salle. D'un geste impérieux, il ordonna aux gardiens de se retirer, laissant Thorn debout face à lui, seule et enchaînée dans l'immense pièce vide, dont les longues arcades en pierre surplombaient le sol dallé. L'homme détailla longuement la Sinistrale, et cette dernière en fit autant.

Moyennement grand, de corpulence moyenne et de force visiblement également moyenne, elle détermina qu'en combat, il ne serait pas une menace. Elle avait bien du mal à déterminer l'âge des humains, mais supposait qu'il ne devait pas avoir moins d'une quarantaine d'années, car son visage commençait à laisser apparaître des rides. Son aura ne dégageait aucune pulsation particulière, signe qu'il n'avait probablement jamais été initié à une quelconque forme de maîtrise magique, mais il se dégageait de lui une noblesse certaine, ainsi qu'une orgueilleuse condescendance si propre aux nobles des baronnies, et aux humains étant conscient de leur pouvoir en général. Ses yeux bleu perçants contrastaient avec le teint légèrement mat de sa peau, et son regard fixait la Sinistrale avec une intensité qui finit par agacer la Chasseresse.

SINISTRALEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant