Rose Immortelle

Chapitre 3"évolution"

Au cours de nos nombreux voyages, je découvris l'existence d'autres vampires, dont certains vivaient en clans. Cela donna l'envie à Anthony de créer sa propre famille. Mon créateur se mit en quête de rechercher ces fameux élus, comme il se plaisait à les appeler, prétextant que nous serions plus forts. Trente ans après ma transformation, il engendra Éloïse, une belle jeune femme de vingt-cinq ans, pour en faire son épouse. Elle avait de beaux cheveux bruns épais, des yeux de couleur verte et une taille sublime. Il jeta ensuite son dévolu sur un soldat, Arthur, un homme grand et blond qui me faisait penser à un dieu grec. Cet apollon dégageait une telle prestance qu'Anthony se mit en tête qu'il serait parfait pour attirer des jeunes filles.

Pendant plusieurs années, nous parcourûmes le monde entier. J'exerçais tous les métiers possibles : avocat, gérant de bistrot et également assistant d'un professeur en gériatrie. Cela s'avéra très pratique puisque je pouvais ainsi me ravitailler en sang aussi souvent que nécessaire. J'évitais le plus possible de tuer pour me nourrir, car j'estimais que la vie était précieuse. Anthony trouvait cela absurde. Il considérait que les humains n'existaient que pour subvenir à nos besoins. Il n'éprouvait aucun remords quant au fait de tuer et je le haïssais chaque jour davantage à cause de son absence de morale.

Lors de l'année 1930, je fis la connaissance d'un vampire prénommé Isaac. Il était bien plus vieux que moi. D'après lui, sa naissance datait aux alentours de 1630. L'immortel avait énormément de connaissances et nous avions beaucoup de points communs. Pour commencer, celui de ne plus vouloir s'alimenter en sang humain. C'est donc tout naturellement qu'il voulut m'enseigner comment trouver la force de résister à la tentation. 

J'appris que l'on pouvait très bien le remplacer par du sang animal, même si cela me paraissait impossible. Au début de ma transformation, j'avais déjà tenté l'expérience en buvant celui d'un chat. Sans succès, le goût était absolument horrible, le liquide ne voulait pas couler dans ma gorge. Mais à cette époque, je venais juste d'être engendré. Je n'étais pas maître de mes pensées. Aujourd'hui, avec plus de vécu, je devrais en être capable. Continuer de vivre ainsi m'était inconcevable. Si ma femme me voyait, elle me haïrait, et cette seule pensée me tuait. Je me devais d'essayer, il me fallait trouver la force en moi de lutter contre ces pulsions dévorantes.

— Ivan, tu as choisi une tout autre voie, celle de ne plus tuer pour te nourrir, me dit-il.

— Oui c'est mon souhait le plus cher, lui répondis-je.

Isaac scrutait les alentours, comme pour s'assurer qu'Anthony ne nous espionnait pas.

— Mon garçon, le sang tu vas devoir y résister ! T'en sens-tu capable ?

— Bien sûr ! répondis-je brusquement.

— Très bien, mais tu devras faire tout ce que je te demanderai ! Est-ce clair ?

Je hochais la tête, sous le poids de l'impatience qui m'enveloppait soudainement.

— Je ferai ce que vous voulez. Tout ce que vous voulez.

— Commençons alors...

Nous prîmes la route à bord d'une vieille Pontiac, en direction d'une forêt que je connaissais bien. Il s'agissait de la forêt « Lalande », située au nord de la ville de Cluj-Napoca, dans la région historique de Transylvanie en Roumanie. Elle était connue pour être un endroit reculé, loin de toute civilisation. Isaac l'avait choisie justement à cause de cette particularité. Le poids de la tentation ne devait pas me détourner de mon objectif. Mais à peine trente kilomètres parcourus et notre épopée se compliqua. Un phare de notre automobile ne fonctionnait plus et la route devenait difficile. Isaac dû décupler sa vision nocturne. Après deux heures de route, il tourna à une intersection et emprunta un chemin de terre avant de s'engouffrer à l'intérieur des bois. La voiture stoppa son avancée et nous continuâmes notre chemin à pied.