A la recherche du carnet rouge

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Oriane et Gontran

- Il est chiant, mais chiant. Déjà qu'au début du séjour, il était pas très aimable... Mais là, mais là... Ça va clairement pas en s'arrangeant. T'aurais dû l'entendre au téléphone... Nananinanana Môsieur a mieux à faire que d'aider ses cousins, Môsieur ceci, Môsieur cela...

Oriane regarda son frère et arrêta sa tirade.

- Quoi ? Pourquoi tu me regardes comme ça Gontran ? Tu l'aimes pas non plus ce ptit con de Timothé alors arrête de me fixer comme si j'étais une connasse sans coeur.

- C'est juste que ... répondit-il en grimaçant de douleur. Tu compresses trop fort mon bras. Je le sens plus.

- Ah oui, pardon.

Elle se releva du petit coin de pelouse ombragé où son frère et elle s'étaient installés, à l'écart de l'ambiance fiévreuse de la brocante. Ils étaient dans le seul espace vert du village, le square de 20 mètres carrés qui jouxtait la place principale.

La brocante était pourtant à 500 mètres, mais les deux jeunes entendaient encore le vacarme que tous les vieux produisaient.

Gontran, qui entendait aussi le brouhaha, frissonna aux sons des articulations qui craquaient, des épaules qui se déboîtaient, des prothèses qui se désaxaient alors que les vieux se bousculaient pour choper le dernier 33 tour collector de Johnny sur l'étal de Jacques, le disquaire du coin.

- Jésus, ces vieux sont pires que tout. A côté d'eux, l'ouverture du Black Friday c'est du pipi de chat. s'exprima-t-il dans un murmure. On est pas préparés, on fait pas le poids.
On est la vachette d'Interville...

Oriane jeta un regard à son frère qui faisait peine à voir.

- On est la vachette d'Interville... répéta-t-elle. Et eux, ce sont des putains de taureaux de corrida.

Gontran essaya de bouger son bras, mais une violente douleur lui foudroya l'épaule.

- J'ai tout fait pour protéger ce carnet rouge, je te le promets... Et regarde où ça m'a mené...

- Je sais Gontran... Faut dire elle t'a pas ménagé Thérèse.
Tu te souviens quand on venait ici enfant ? Elle nous filait toujours des Quality Streets infâmes. Mais au moins elle était gentille à cette époque.

- Il y avait plus rien de gentil quand elle a vu le carnet tout à l'heure. Dans ses yeux, c'était vide d'émotions, comme si... Je sais pas.
En plus, je crois qu'elle m'a pété une côte la connasse.

Les larmes lui montèrent aux yeux et Oriane se rassit à côté de lui en lui caressant tendrement l'épaule.

- C'est fini, c'est fini.

- Non, ce n'est pas fini ! Comment tu peux expliquer rationnellement qu'une vielle de 85 ans, qui devrait selon les fucking lois de la nature ne même plus pouvoir tenir debout, s'est transformée en fucking Terminator en l'espace de deux fucking secondes ?!
Les activités pour vieux, normalement, c'est scrap-booking, tricot et parfois danse de salon... Mais là, Thérèse elle dansait pas pour m'arracher le livre de mains... Elle faisait des putains de prises de karaté !
On doit retrouver ce livre absolument. Il doit cacher sûrement cacher quelque chose de très très important. Assez important en tout cas pour pouvoir transformer une femme de l'âge de Catherine Laborde en Teddy Rinner...

- Je sais. C'est pour ça que j'ai appelé Tim, au moins s'il peut se rendre utile...

Timothé

- Elle était chiante, mais chiante. Déjà qu'au début du séjour elle et son frère étaient pas très aimables... Là, ça n'allait clairement pas en s'arrangeant. Et puis l'entendre au téléphone... Nananinanana Madame se fait voler un livre, Madame n'a rien de mieux à faire que de faire chier son cousin, Madame ceci, Madame cela... Va chier Oriane, va bien chier, pensa-t-il.
Je passe des superbes vacances de merde, dans un village de merde qui, par-dessus le marché, est mort 364 jours par ans sauf au moment de la brocante. Et je suis là, au lieu de m'enfiler des pintes de Guinness ou de prendre de la coke à Punta-Cana, à chercher un punaise de livre Arlequin que mes deux incapables de cousins ont pas été fichus de refuser à une mamie octogénaire.
Depuis quand un vieux est une menace ? Tu lui tousses dessus et hop ça part en salle de réanimation illico presto.

Tim était énervé comme jamais. Cela faisait 10 minutes qu'il tournait en rond, dans les rues adjacentes au restaurant où il « travaillait » habituellement.

Il avait beau ratisser le secteur avec l'efficacité d'un chien de chasse, pas moyen de mettre la main sur cette retraitée qui semblait se mouvoir aussi vite qu'un guépard sous amphétamines.
Il commença à croire qu'Oriane s'était bien foutue de sa gueule, et l'idée de se faire de l'argent lui paraissait de moins en moins probable.

Pour la cinquième fois, il bifurqua dans la rue juste derrière le resto. Celle où, avec Philippe, ils entassaient les poubelles pendant des semaines avant d'aller les poser à la déchetterie, quand les voisins se plaignaient de l'odeur. Et en plein mois d'août avec une grève des éboueurs, l'odeur que vomissaient tous ces sacs-poubelles éventrés aurait pu exciter un nécrophile en manque de cadavres.

C'est alors qu'un petit garçon de cinq ans sortit de sa maison avant de se figer face à lui.

- Ma mamie Thérèse te demande de lâcher l'affaire. Tu ne sais pas dans quoi tu t'engages. Toi et tes cousins, vous feriez mieux d'oublier toute cette histoire.

- Pardon petit, tu t'en prends pour qui au juste ? Midi les zouzous c'est terminé et c'est pour ça que tu te permets de me parler n'importe comment ? Sois gentil, va te servir un verre de grenadine avant que je trouve un congèle pour te foutre dedans.

- Tu n'écoutes pas... Ne cherche plus le carnet rouge.

Les deux neurones disponibles dans le cerveau amorphe de Tim se connectèrent : illumination.

- Merde alors, Oriane n'avait pas menti. Le carnet existe, l'argent qu'on peut en tirer aussi. pensa-t-il.

Il se racla la gorge avant de continuer la conversation :

- Dit, mon brave, j'ai des bonbons dans ma poche. Je te les donne tous si tu me dis où est ta grand-mère.

- C'est que ... Je ne suis pas censé le dire...

- J'ai des dragibus, des crocodiles, du réglisse ...

- Oh oui du réglisse ! Ma grand-mère est à ton restaurant ! Je peux avoir mon bonbon maintenant ?

- Euh, oui, oui. Vas y viens !

Lorsqu'il fut assez proche, Tim poussa le jeune garçon dans le tas d'ordures à côté de lui.

- Une personne qui aime le réglisse ne mérite que de bouffer de la merde. Allez tchao et merci pour l'info. lança-t-il alors que le gosse pleurait à chaudes larmes.

Pas le temps de niaiser, il saisit son téléphone dans la minute. Il entendit trois sonneries et Oriane décrocha.

- On va le récupérer ce carnet. Votre mamie ninja est au restaurant « Le Rouge ». lui dit-il.

- Attends-nous ! Tu sais pas de quoi elle est capable. Elle a failli tuer Gontran à la brocante !

- J'ai pas le temps de vous attendre, c'est notre unique chance de régler cette histoire à l'abri des regards.

- Je t'en supplie, attends nous, on est là dans cinq minutes. Tu ne ...

Oriane et Gontran

- Putain de merde, il vient de raccrocher ! Gontran bouge ton cul.

Oriane avait le visage empourpré de colère et de peur à la fois.

- Il se passe quoi ? lui demanda son frère

- Il se passe que Tim a trouvé la mamie, mais il va la confronter en étant seul. Si on arrive pas à temps...

- ... Il va y passer, compléta Gontran qui prit conscience de l'urgence de la situation.

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