Chapitre 2 : Un verre de trop

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Le temps passe si vite que je me demande si j'ai ouvert la valise que je mets sous mes pieds. La dame en face de moi lit son journal sans prêter attention. Derrière la vitre, Tom et papa agitent leurs mains tandis qu'ils rapetissent pendant quelques courtes secondes et finissent par disparaître, comme absorbé par l'espace. Je ferme les yeux un instant, rattrapé par la tristesse des aux revoirs. Les écouteurs dans les oreilles, je me remémore les huit derniers jours passés avec ma famille avant d'être enveloppée par le sommeil.

***

- Hey Ariane, j'avais oublié que tu revenais aujourd'hui, j'aurai pu venir te chercher.

Carla, les cheveux emballés dans une serviette, a l'air ravie de me revoir. Je ne l'imagine pas passer Noël seule dans ce grand appart alors que tout le monde est auprès de sa famille.

- Je ne voulais pas te déranger, j'ai pris un taxi.

- Tu as faim ? J'allais commander vietnamien.

- Je meurs de faim !, m'écris-je. Et j'ai aussi fortement besoin d'une douche !, j'ajoute en m'éloignant vers l'endroit en question.

- Ariane ?, m'appelle-t-elle. Y'a une soirée prévu chez Austin ce soir, t'es partante ?

- Biensûr !!, réponds-je du tac au tac.

- Pas trop fatiguée ?, lance-t-elle.

- J'ai dormir tout le long du trajet figure toi !, m'exclame-je assez fort pour qu'elle m'entende depuis le salon.

En mangeant, Carla me raconte comment elle a rencontré Austin dans un magasin il y a trois jours et qu'elle a accepté de le revoir ce soir à la soirée qu'il organise. C'est à 21h que l'on sort de l'appartement et que l'on prend la voiture de Carla. Le gps en marche, on arrive en quarante minutes après avoir tourné deux fois au mauvais endroit et avoir fait le tour complet du quartier. L'adresse indique une magnifique villa en bord de mer, je me demande si Austin y habite ou s'il loue l'endroit. La fête bat son plein, les basses sont audibles depuis le parking et les corps dansent à l'intérieur comme sur la terrasse et le balcon. Personne ne nous accueille, on entre et on se mêle à la foule. Je suis Carla dans ce bain de jeunes assoiffés de faire la fête. Une majorité d'entre eux sont éméchés, un sourire béat sur le visage. Sur la terrasse se trouve une énorme piscine illuminée, certains s'y baignent, certains s'embrassent, d'autres... Ouh, je tourne le regard rapidement. Je crois que je n'arriverai pas à effacer ce que je viens de voir à l'instant.

- Carla ! Tu t'es fait attendre ! J'ai cru que tu allais jamais venir !

Un grand blond, que je présume être Austin, prend Carla dans ses bras. Vu ses cheveux devant le visage, son t-shirt autour des épaules, une main autour de la taille de mon amie et l'autre avec un verre vide, je dirai que celui-ci a commencé à boire il y a quelques heures.

- T'as ramené de la compagnie en plus !, s'émerveille-t-il en me montrant du doigt.

Quelques regards masculins me scrutent au même moment. Je me demande ce que je fais ici.

- Venez, venez, on allait faire un jeu.

Autour d'une table basse, il nous demande de nous asseoir, certains de ses amis se joignent à nous. Je me retrouve à côté d'un jeune brun qui ne se gêne pas pour mettre un bras autour de moi alors qu'il sort de la piscine et est trempé.

- Le but est très simple, Andreas nous ramène un verre, chacun boit une gorgée ou plus, à vous de voir, et celui qui boit la dernière gorgée doit embrasser la personne à sa gauche.

Son regard se pose sur Carla, qu'il a volontairement placé à sa gauche. Je rigole intérieurement. Magnifique technique de drague. Le premier verre circule, je bois en laissant du liquide par précaution. Le cocktail a bon goût ce qui rend le jeu plus plaisant. De plus en plus plaisant. Au fil du temps, je ne vois plus les gens autour mais seulement le verre qui circule. Un verre, un autre verre, encore un verre... Je crois apercevoir du coin de l'œil Austin embrasser Carla puis les deux se lèvent et disparaissent. Un verre arrive à ma hauteur et je vide la dernière gorgée un peu trop précipitamment. En effet, la règle du jeu m'était sortie de la tête. Le garçon à ma gauche qui a mouillé ma jupe à cause de son maillot de bain trempé observe alors mes lèvres avec insistance. Il s'approche dangereusement de moi et je ne sais pas pourquoi je ne le repousse pas. Je ferme alors les yeux, emballée par la musique qui semble plus forte que ma conscience. Mais le baiser n'arrive jamais. Alors je les rouvre avec ennui. Le mec de ma gauche est désormais debout en train de se disputer avec...avec un garçon aux cheveux foncés...oula c'est pas en HD là...mais ça a pas l'air joyeux... Je me sens alors tirée violemment par le bras jusqu'à l'intérieur de la villa. Je bouscule des gens, on me renverse un verre de je ne sais quoi dessus et je suis sur le point de tribucher un grand nombre de fois mais une force incroyable me mène jusqu'à une magnifique salle de bain. L'emprise sur mon poignet s'en va soudainement. La lumière s'allume et je suis obligée de couvrir mes yeux.

- Ah !! Éteins ça !

Je cherche à l'aveuglette l'interrupteur.

- Ariane, qu'est-ce que tu fous là ??

Je reconnais la voix... Je re-éteins enfin la lumière et ouvre les yeux. Waa ça tangue dans cette salle de bain. J'essaie de faire un pas vers la personne qui me fait face mais perds l'équilibre à la place. Des bras puissants me rattrapent, je me demande bien comment dans le noir. Je reconnais alors le parfum.

- Dylan ! Eyy, ça sonne bien mon prénom dans ta bouche.

- Putain mais qu'est-ce qu'ils t'ont fait boire ?

- Je sais pas mais en tous cas ils ont beaucoup d'argent pour avoir une si grande salle de bain !

Je m'agrippe à lui en me demandant comment on tient sur des jambes déjà ? Il me fait assoir sur le sol glacé, adossé au mur. Mes yeux s'habituent petit à petit à la pénombre, une grande baie vitrée permet de laisser passer la lumière des lampadaires extérieurs. Tout bouge, c'est agréablement étrange. Tout mon corps brûle, je ris sans savoir pourquoi.

- Mais tu fais quoi ?, me demande Dylan alors qu'il était en train de se laver les mains.

- Je me déshabille, ça se voit pas ? Déjà il fait super chaud, et tu vois pas que ma robe est trempée ? Y'a un con qui est venu s'asseoir à côté de moi alors qu'il était tout mouillé et y'en a un autre qui m'a renversé son verre dessus. Je l'aimais bien cette robe en plus., dis-je avec une moue boudeuse.

- Prends mon t-shirt, sinon tu vas attraper froid.

Il retire son haut et me le tend machinalement. Je le prends, renifle son odeur et l'enfile. Dylan remarque ce petit geste mais ne fait pas de remarque.

- Je croyais que t'étais pas du genre gentleman ?

Il rit et s'assoit en face de moi sans répondre. Une fois habituée à la pénombre, mes yeux parcourent son torse bien bâti et descendent le long de son bras droit. Il semble être la seule chose qui ne bouge pas dans la pièce. Je vais m'asseoir à côté de lui et saisit sa main droite. Les tatouages débutent sur le majeur et recouvrent l'entièreté de son bras. J'ai tellement de questions en tête : "Pourquoi seulement le bras droit ? Quels sont leurs significations ? ...". Mais au lieu de ça, je me tais et dessine des vagues du bout des doigts. Il se laisse faire, en silence. Je ne distingue plus les basses de la musique de mon battement de cœur qui devient de plus en plus fort. Ma main, toujours dans la sienne, je pose ma tête contre son épaule. Et nous restons là quelques instants.

***

Un léger rayon du soleil traverse les stores fermés. Je bats des paupières et un fort mal de crâne m'immobilise. Les maux de tête ne sont pas les seuls à m'empêcher de me relever, un bras entoure ma taille. Je suis dans un lit inconnu avec un inconnu. Pas de panique... Je me retourne et reconnaît Dylan qui dort paisiblement. Je me recule brusquement, mon pouls s'accélère. Il émerge de son sommeil, réveillé par mon geste. Il marmonne avant de me tourner le dos et de se rendormir :

- Y'a un verre d'eau sur la table basse.

Un grésillement constant vibre dans mes oreilles et mon cœur semble vouloir sortir de mon corps. Je vide le verre d'eau d'une traite et me lève. Je ferme les yeux le temps que ma vision se stabilise et sors de la chambre en m'appuyant au mur. Je me préoccuperai de sortir avec seulement un t-shirt si je ne me sentais pas autant secouée intérieurement. Le sol est jonché de gobelets vide, une apocalypse semble avoir fait disparaître toute la population. La salle de bain n'est plus vide comme hier, deux filles sont endormies dans la baignoire. Des flash back me reviennent, je me sens subitement honteuse de m'être déshabillée devant lui et d'avoir parlé sans réfléchir. Je reconnais Carla dans la cuisine, seule, un café à la main. Elle me voit, est sur le point de parler mais elle se tait. Son regard est dirigé légèrement vers ma gauche. Je me retourne et aperçoit Dylan derrière moi, torse nu, tandis que je ne porte qu'un t-shirt, son t-shirt. Le tableau se dessine.

- C'est pas ce que tu penses..., commence-je mal à l'aise.

- Tu n'as pas à t'expliquer Ariane, je ne suis pas Tristan.

Le chemin du retour est silencieux, Dylan est à l'arrière et mon regard est absorbé par le paysage défilant à la fenêtre. Ce matin, ce n'est pas le volume d'alcool que j'ai bu, le silence de Dylan sur ce qu'il s'est passé ou le regard indifférent de Carla qui m'inquiètent. Ce qui me rend nerveuse, ce sont les frissons que j'ai ressenti hier soir, dans la salle de bain, sa paume dans la mienne.



He is my waveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant