6 - Empereur du sale

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Point de vue de Jérémie

10h46, chambre de Lila

Deux jours avaient passé depuis la soirée pour fêter l'arrivée de la gamine. Ce soir là, j'avais dormi dans la chambre de Lila puisque Greg avait pris le canapé et Théo avait fermé sa chambre à clés. J'avais pas tenté chez Lucas, il avait été froid avec moi toute la soirée, je sais pas trop pourquoi. Je m'étais endormi directement et en pleine nuit, j'avais été réveillé par Lila qui cherchait quelque chose sous son lit. J'ai fais semblant de continuer à dormir et elle avait sorti un carnet abîmé de sous son lit, avant de se poser dans le fauteuil de sa chambre et de commencer à écrire dans son carnet. Elle a fini par s'endormir sur son fauteuil, me laissant le lit. Je me sentais un peu coupable, mais je comprenais qu'elle ait pas envie de dormir avec moi. On se connaissait pas très bien, après tout. Mais hier soir, on a fumé un joint dans sa chambre, puis deux, puis trois. On écouté de la musique jusqu'à trois heures au moins. On riait tous les deux, elle dessinait sur mes mains, on s'est mis à se chercher des prénoms dans toutes les langues. C'était bizarre, ouais, mais marrant et puis on était défoncés. Elle m'a dit que le prénom qui m'irait le mieux ce serait Lorenzo, ça m'a bien fait rire, alors elle a écrit le prénom sur mon bras avec une écriture bien stylée. On s'est allongés dans le lit en fumant le dernier joint, Lila me faisait des tresses. Puis on a parlé de son frère, elle m'a fait une véritable déclaration d'amour pour lui, elle lui était vraiment reconnaissante de l'accueillir. Je me rappelais alors qu'elle avait une relation très fusionnelle avec son oncle étant petite, il passait souvent la voir et lui offrait toujours des cadeaux. J'ai évoqué ce sujet, et son visage s'est fermé. Elle avait la mâchoire serrée et les larmes aux yeux. Alors je l'ai prise dans mes bras et on s'est endormis. Elle a passé la nuit à bouger dans tous les sens, je l'ai attirée contre moi pour essayer de la calmer. Lila a posé sa tête contre mon torse et a serré fort son petit poing sur mon t-shirt, et elle est restée immobile tout le reste de la nuit.

Je venais de me réveiller, Lila n'avait pas bougé, j'avais le bras posé autour de sa taille. Ses cheveux sentaient bon, je mettais mon nez sur sa tête en inspirant, détendu. Je l'écoutais dormir pendant quelques minutes, avant qu'on vienne frapper doucement à la porte. Celle-ci s'ouvre et je vois apparaître Lucas.

- Eh, Lila, t'aurais pas... Il s'arrête en me voyant.

Lila fronce ses sourcils dans son sommeil. Lucas me dévisage, n'affichant aucune expression.

- Ah, excuse moi, je voulais demander quelque chose à Lila... Mais euh, toi et elle, vous avez... enfin... Bredouille Lucas en me regardant de travers, à voix basse.

- Non, mec. C'est une gosse, c'est la petite frangine de Théo, et je suis pas comme ça, tu le sais très bien. Je réponds en le regardant droit dans les yeux.

Lucas semble se détendre, il part en refermant la porte, tête baissée. Je soupire. J'en avais franchement marre qu'on me prenne pour un pauvre mec qui passe sa vie à draguer sans rien chercher de plus. Personne ne semble avoir capté que j'avais des sentiments, moi aussi. Personne à part Lila. Je l'embrasse sur le front et pose ma tête contre la sienne.

Point de vue de Lila

11H02, chambre de Lila

Je venais de me réveiller dans les bras de Jérémie, bien chaud contre lui, j'étais bien. Mais ma tête me faisait mal, les joints ça me réussit pas. J'avais passé une nuit atroce, j'avais fais des cauchemars. Contre Jérémie, je me sentais mieux, sa présence était rassurante, bienveillante. Il venait de partir dans la cuisine pour me préparer du café, un vrai gentleman.

Quand je me suis rendue compte que je portais un short en guise de pyjama, mon visage s'est décomposé. On voyait mes cuisses, Jérémie a alors sûrement remarqué ce que j'essayais désespérément de cacher. J'enfile un pantalon en coton blanc, les joues empourprées. Je ne voulais pas qu'il voit cette partie de moi, je voulais que personne ne le voit. J'attrape un t-shirt de Jérémie qui traînait là pour le mettre, le mien était sale. C'était un t-shirt noir avec une Pokeball dessus, pas étonnant de sa part. Il était trop grand pour moi et tombait légèrement sur mon épaule, laissant apercevoir mon tatouage "été triste" sur la clavicule. Je me rends pieds nus dans la cuisine et rejoins Jérémie qui me tend une tasse de café. Il me propose des céréales, mais je n'ai pas faim. Je n'ai jamais faim. En ce moment je mange beaucoup moins, j'espère que Théo ne va pas le remarquer, il va penser que je retombe dans ma phase anorexique. Je l'ai été pendant quelques années, au début de mon adolescence, et ça s'est arrêté à la mort de mon oncle. Beaucoup de choses se sont arrêtées à la mort de mon oncle, mais beaucoup de choses ont aussi débuté. J'ai commencé à écrire, à dessiner, à m'intéresser à la musique que je refusais d'écouter jusque là. Avant je me réfugiais dans les bouquins, j'ai dû en lire des centaines. J'ai aussi lu un certain nombre de mangas. J'ai arrêté de lire après avoir fini Rien ne s'oppose à la nuit, de Delphine de Vigan, que j'avais englouti en quelques heures. Ce roman m'avait glacé les sang et renvoyé trop de moi même en plein visage. Je n'avais pas ouvert un roman depuis deux ans.

ᴄʜᴀᴛᴇᴀᴜ ᴅᴇ ꜱᴀʙʟᴇ | ʟᴜᴊɪᴘᴇᴋᴀOù les histoires vivent. Découvrez maintenant