23 - Borderline

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Point de vue de Lila

Deux semaines plus tard, 22h30, appartement d'Antoine

J'étais recroquevillée dans un coin du lit d'Antoine, adossée contre le mur, nue et tremblante. Antoine était sorti faire je ne sais quoi dans la cuisine. J'étais sur mon téléphone, je faisais défiler les photos de mes amis dans ma galerie, les larmes coulant silencieusement le long de mes joues. Je regardais avec attention et mélancolie les sourirs de Chaps, Axel et Anna, Jason, Sacha et Loéva. Théo. Je m'arrêtais plus longtemps sur quelques photos de Greg, il était beau sur toutes les photos, il souriait aux autres, il riait avec moi. Et puis j'arrivais à celles de Jérémie, plus intimes, plus chères à mes yeux, surtout maintenant. Je zoomais sur son visage en passant mon doigt sur l'écran, fébrile, comme si je pouvais l'atteindre comme ça.

J'ai ensuite ouvert YouTube. J'ai regardé le clip de Ahou en réglant le son au plus bas possible, je ne voulais pas qu'Antoine se rende compte de quelque chose. La voix de Lucas, que j'arrivais à entendre comme si il chantait au plus près de mon oreille, m'a fait ressentir une sorte de vague de chaleur mêlée à un profond regret. J'étais partie comme une voleuse après qu'il m'ait embrassée. J'avais eu peur, j'étais lâche. Peur parce que j'étais avec Antoine, mais surtout peur qu'il voit mon corps. Aujourd'hui, en voyant son visage sur la vidéo, je m'en mordais les doigts. Puis je me suis vue sur le clip et c'est vite devenu insupportable. Je me trouvais laide, avec mes cernes, mes mains abîmées, mon corps maigre et fragile. J'ai alors lancé le clip de Borderline.

Lucas était si beau sur celui là, magnifique même. Je sentais mes larmes redoubler en regardant le visage, les mains, les lèvres de cet homme que j'aimais tellement. J'écoutais discrètement les paroles, qui avaient été écrites sur moi, et qui me renvoyaient en plein coeur ma personnalité, ce que je voulais cacher, à quel point j'étais faible et vulnérable. Je mimais les paroles sans un bruit : "aurore boréale peur du noir, comme si ce monde n'était pas fait pour moi... en équilibre au bord du gouffre, gouffre, borderline, toute ma vie à bout de souffle, plus de bien plus de mal... je déteste ce que t'es mais je dois faire avec, je traîne les mêmes histoires depuis des années, j'ai arrêté de les compter... au moins ça forge d'avoir personne sur qui compter... on finira par se haïr de toute façon... j'ai tellement mal que je souris à m'en déchirer les lèvres... survivre j'en suis capable, mais toi non, je te lève mon verre..."

Je sursaute et éteins rapidement mon téléphone lorsque Antoine réapparait dans la chambre, en me fixant de ses yeux horribles et noirs, refermant la porte derrière lui. Je me rends compte à quel point j'ai été idiote, à quel point je regrette de ne pas avoir accepté toute l'aide que les garçons ont tant voulu m'offrir. Je regrettais tout amèrement en le voyant s'approcher de moi.

Point de vue de Lucas

1h du matin, appartement de Théo et Lucas

Théo n'était pas là ce soir, j'étais seul à l'appart. Je ressassais tous mes souvenirs sans cesse, horriblement stressé et angoissé. Je repensais à cette sensation si forte que j'avais ressenti en embrassant Lila, avant qu'elle ne me repousse et qu'elle disparaisse.

Oui, elle avait disparu. Depuis ce fameux soir, personne ne l'avait revue. Elle ne répondait à aucun message, à part pour dire à Théo ou Jérémie une fois tous les deux jours qu'elle allait bien et qu'elle rentrerait bientôt, tout juste de quoi nous dissuader de prévenir la police. Menteuse. Cela faisait maintenant deux semaines qu'elle était introuvable. Jérémie était passé au moins trois fois chez Antoine, mais personne n'était jamais venu lui ouvrir. On aurait peut être dû appeler la police, finalement. Mais personne n'osait faire quoique ce soit, tout le monde avait peur et ça nous paralysait complètement. Théo passait ses journées à bouger pour se vider la tête, se répétant plusieurs fois par jour que Lila était adulte et qu'il fallait la laisser faire sa vie, à tel point qu'il avait réussi à croire à son propre mensonge, c'était trop dur pour lui.

ᴄʜᴀᴛᴇᴀᴜ ᴅᴇ ꜱᴀʙʟᴇ | ʟᴜᴊɪᴘᴇᴋᴀOù les histoires vivent. Découvrez maintenant