Le psychologue du Bazar

Chapitre 1: L'attente

                                   « La nuit n'est peut être que la paupière du jour »

                                                                                                          Omar Khayyam

Hier après-midi, j'ai fais un rêve. 

Je me trouvais dans un immense désert rouge, vide de tout être rampant. Seule, devant l'immensité de ce lieu aride, gorgé d'un soleil brûlant, je me voyais tout de blanc vêtu, pieds nus dans le sable chaud.

J'entendais au loin une musique enivrante, qui avait le pouvoir de guider mes pas, et à mon insu j'ondulais presque à chaque fois mon corps, au gré de cette musique lancinante. Voyez-vous Monsieur Ali, j'étais semblable au serpent charmé par le son de la flûte. Je ne saurais dire combien de temps passa avant que la musique ne s'arrête, mais  l'univers finit par se taire, et  le silence régnât en maître. La lune remplaça bientôt le soleil,  et j'entendis alors très distinctement le son de sa voix, la voix chaude de mon premier amour, celui qui ne m'a jamais quitté, celui dont la douceur m'a brisé.

Il me disait : « Ma tendre Shiraz ne pars pas. Ne me fuis plus. Ne rejettes pas l'amour dont je t'entoure, je vais te revenir bientôt, alors attends moi. »

Je me réveille alors dans la confusion la plus totale, car vous comprenez Monsieur Ali je suis une femme mariée et respectable. Seulement l'homme dont je vous parle n'est plus de ce monde, il est mort dans mes bras il y a de cela sept ans, alors que depuis trois mois il habite mes rêves. 

Dés lors, je suis hantée par son souvenir...La douceur de ses doigts, son rire, ses histoires. Il est comme tout près de mon cœur de nouveau vivant à mes côtés. 

Désespérée, j'ai donc décidé de vous consulter.  J'ai tout essayé vous savez... Les remèdes de grand-mère, les élixirs à la fleur d'oranger, les enchantements des sorciers, et puis les somnifères.

Mais rien n'y fait. Les rêves sont toujours là, bien présent. Depuis je n'en dors plus la nuit; je suis devenue une espèce d'insomniaque, un être qui vit la nuit et dort le jour, tourmentée je vis chaque jour durant comme une épreuve,  j'ai peur de m'endormir. 

Alors j'ai parlé à Dieu, et à ma voisine Binnaz, elle m'a dit que vous étiez le meilleur psychologue du bazar, qu'elle vous a consulté pour ses problèmes de claustrophobie. Depuis, tout le monde me vante vos mérites: la fille de mon amie Siham l'épicier du marché au tapis,  le grand bijoutier en bas du bazar.

 Je me suis dis qu'après tout attendre d'être fou pour consulter un psychologue n'avait pas de sens. Aussi, il en va de la santé de mon couple. Quand par malheur je m'endors la nuit je crie le nom de cette homme en me réveillant parfois et mon mari par Dieu ne supporte plus de l'entendre. Avant il me berçait doucement, maintenant il tire la couverture brutalement de son côté. Alors je suis là pour que vous me sauviez de moi-même.