ℂ𝕙𝕒𝕡𝕚𝕥𝕣𝕖 ℙ𝕣𝕖𝕞𝕚𝕖𝕣

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« Ils seront bientôt présents devant vous, les 10 meurtriers les plus célèbres du monde entier ! Dans quelques secondes vous les verrez franchir ces portes, déterminés à aller conquérir l'espace. »

La voix du commentateur me perce les tympans, bien trop forte à travers les haut-parleurs qui se trouvent juste derrière une mince cloison.

C'est comme dans un rêve. C'est exactement comme dans un songe. Tout est tellement incompréhensible, les mensonges s'accumulent tellement que ça en devient presque normal. Et mes oreilles bourdonnent. Et mon sang semble battre au rythme de mon cœur dans mes vaisseaux sanguins. Ou alors il bat au rythme de la musique qui accompagne les paroles du présentateur ? Je ne saurais le dire. À chacun des mots que j'entends, j'ai envie de fracasser mon poing conte le mur, de le fissurer, de le faire voler en éclats, de comprimer chaque débris entre mes doigts jusqu'à ce que ma peau se fissure à son tour. C'est contre tout ce que l'on nous a appris. C'est ignoble, horripilant ; et c'est un mensonge.

Un roulement de tambour. De plus en plus fort, jusqu'à ce que j'aie l'impression que mon cerveau explose, projetant tous mes neurones aux alentours, vers les responsables de ce carnage, qui se trouvent sans doute dans la foule à attendre leur gloire avec jubilation. Qu'ils les prennes, mes neurones, je n'en veux plus. Ils en ont sûrement plus besoin que moi pour tuer d'autres innocents. Pour les envoyer à la mort, par la ligne directe A666, la route vers l'Enfer. Les tambours, la montée en puissance des clameurs de la foule...

Puis plus rien.

Le silence.

Comme si la Terre elle-même retenait son souffle. Puis, dans une lenteur sinistre, la porte devant moi s'ouvre. Le soleil perce, la luminosité aveuglante augmente pendant le battant s'ouvre.

« Ça y est. » je pense. « On ne peut pas y échapper, on va être exposés devant des millions d'inconnus, comme du bétail à la vente. »

Pourtant je prends une brève inspiration. Je garde la tête haute. Et je fais un pas, puis deux, sur la plate-forme, à la vue de tous. Je ne veux pas avoir l'air d'une chose fragile ; je n'en suis pas une. Mon copain m'appelait « ma warrior » avant que ce lâche s'en aille. Je ricane intérieurement à ce souvenir.

Je comprends enfin la raison du silence. La foule retient effectivement son souffle. Tout ce qu'on entend c'est le bourdonnement du micro qui prouve que celui-ci c'est pas éteint et que la voix du présentateur ne va pas tarder à jaillir à nouveau des enceintes. Il attend juste le bon moment. Nous sommes là tous les 10, sur une plate-forme surélevée, aux yeux des spectateurs qui attendent notre arrivée depuis des semaines déjà. Et telle est leur réaction : le silence. Je tourne la tête à droite, je dévisage celle qui vient de sortir de la cellule voisine à la mienne. Emmy est la seule personne avec qui j'ai réussi à parler. Les autres sont trop aveuglés par l'excitation de partir dans l'espace. En d'autres circonstances je le serais aussi mais le fait est que ce voyage n'est pas optionnel, et que ce n'est qu'un aller simple. Emmy et moi somme manifestement les seules à comprendre qu'on nous envoie tout droit à la mort. Vaut-il mieux croupir en prison jusqu'à la fin de sa vie ou mourir jeune mais ne jamais avoir connu l'espace ? À bien y réfléchir, beaucoup auraient choisi la première option, y compris moi. Mais je ne peux qu'halluciner en voyant les réactions des autres, mes futurs coéquipiers. Ces abrutis semblent oublier qu'on nous envoie dans une base spatiale où le seul but sera de s'entre-tuer. Selon l'État ? C'est pour tester la capacité des humains à vivre sur un secteur artificiel en dehors de la Terre mais aussi pour punir des criminels. Selon moi ? C'est pour divertir les populations, les faire penser à autre chose que la Terre que nous détruisons petit à petit. Ce n'est qu'un mensonge universel, une pandémie d'imposteurs.

AccusésWhere stories live. Discover now