« Ambre Lewis »
Je sursaute et reviens au présent. À mon tour de balayer les spectateurs du regard. Peuple américain, trop naïf pour voir la réalité en face. Au dessus de ma tête, s'affiche une sorte de carte d'identité. Sur le photo je suis vêtue d'un vêtement de prisonnier orange que je ne me souviens pas avoir porté un jour. D'un pas assuré je me dirige vers ma mort la navette, les yeux calmement posés sur Reyes. Il soutient mon regard jusqu'à que j'arrive à sa hauteur, à l'entrée de la navette. Il me fixe comme s'il n'était pas en train d'envoyer 10 adolescents mourir dans l'espace. Ça y est, je crois que j'ai deviné. Son système emphatique doit être déréglé. Ce malade a des problèmes mentaux.
C'est étrange de marcher jusqu'à sa mort. Physiquement. J'ai l'impression de manquer de temps, tout s'est précipité et je n'ai pas d'autres choix que d'entrer dans cette navette.
Alors je passe la porte. Je laisse les mensonges derrière moi, je remballe l'injustice qui me saisis, je ne me laisse pas avoir par les remords. Je garde avec moi seulement ma fierté et ma détermination. Je ne mourrai pas. Je l'ai décidé, ce n'est pas moi qui mourrai dans cette base spatiale. S'il faut que je tue neuf personnes pour survivre je le ferai.
Mais je ne le ferai pas sans détourner les yeux.
Mon combat commence aujourd'hui.
Le leur s'arrête demain.
Certes on a tous commencé en même temps, on est tous accusés de crimes qu'on n'a pas commis. Il n'y en a pas un qui mérite plus de vivre que les autres. Mais le courage, ce n'est pas de se lamenter sur notre sort pendant des jours. Il doit y avoir un seul survivant, s'il faut se battre je n'hésiterai pas.
La navette n'est pas en forme de cylindre, c'est plutôt des faces qui forment quelque chose qui ressemble à un décagone. Sur chaque façade composée de je-ne-sais-combien d'épaisseur de blindage il y a un siège à l'assise dépliante. Leur forme semble pouvoir s'adapter à la forme de nos corps et sûrement nous permettre de ne pas imploser sous la pression de l'atmosphère lors du décollage. Mais ce qui me surprend le plus ce sont les murs, le sol et le plafond, qui sont de la même matière que les tapis dans les gymnases. On se croirait dans une cellule d'un asile. Peut-être que c'est ça en fait...
Mis à part cela, le plafond est bas et la « pièce » est très confinée, à tel point que je me sens oppressée. Je reste sur le pas de la porte, pour une fois incertaines, hésitante. Mais ce sentiment ne dure qu'une fraction de seconde, avant que revienne à la réalité et pose mon regard que j'espère inexpressif sur un fauteuil au hasard, pour aller m'y installer.
« Cache ce que tu ressens, Ambre, je pense avec force, la plus puissante des guerrière ne se fait pas arrêter par des sentiments humains. »
Je relève les yeux. Emmy est elle-même assise et ceinturée en face de moi, de l'autre côté de la navette. Je comprends immédiatement qu'elle cherchait mon regard. Je détourne le mien aussi vite, puis fais abstraction de ce qui m'entoure et patiente, fixant successivement mes pieds et le plafond. Une observation des plus passionnantes, qui m'occupe jusqu'à que le dernier soit entré dans l'habitacle. J'essaie de ne pas penser mais sans cesse j'ai cette désagréable voix : tu n'as pas plus de cœur que Reyes, tu es prête à tuer tous tes camarades, tout ça pour survivre, toi, survivre, laisser les autres mourir, toi, Ambre, survivre, mourir... Je deviens folle !
Le président fait son apparition à l'intérieur. Je me sens plus en danger que jamais, sanglée à mon siège ainsi. Il a toujours la main sur son flingue rangé dans sa ceinture, et c'est un détail qui attire trop mon regard pour que je m'intéresse à ce qu'il dit ou fait. Cet homme est incroyablement dangereux. Mais ce n'est que quand je le vois bouger et me tourner le dos que je comprends que la menace ne vient pas de sa main droite posée sur l'arme à sa ceinture, mais plutôt de celle de gauche qui vient de se saisir d'un silencieux caché sous la veste. En un temps record il le pointe sur le front d'Emmy. Je ravale un cri.
Pas d'imprudence Ambre. Survivre.
« Sachez, dit-il sans nous regarder, que je ne laisserai aucune place à la trahison. Tous ceux qui révéleront ne serait-ce qu'un mot de la vérité se verront abattre, ou mis hors d'état de nuire. »
Sa voix calme est tout sauf adaptée à la situation. Je redoute le pire. À raison. Emmy a les yeux grands ouvertes, et cette fois-ci je ne peux pas ignorer son regard.
« Que ceci vous serve de leçon. »
Et Emmy, au même moment, son regard de pure terreur bloqué sur moi :
« Sauve-les! »
Il lui tire une balle dans le crâne. Silencieuse mais dont l'efficacité me terrifie. La tête d'Emmy retombe lourdement en avant, tous ses muscles se détendent en même temps. Le repos. La seule personne saine d'esprit de ce voyage vient de se faire abattre sous mes yeux.
Elle a montré des signes de faiblesse : elle a été tuée. Telle est la leçon. Je me retrouve seule, sauf que cette fois-ci les autres ont eu la vérité en face des yeux. Ce ne sont pas des vacances en dehors de nos cellules de prison, qu'on nous a offert, c'est un allé simple vers nos tombes.
Un cadavre attaché à un siège. C'est le cadeau que nous laisse notre charmant président. Il sort, suivi par un silence lourd, significatif.
Et je suis à nouveau que terreur et remords.
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Accusés
Science FictionArrivée dans 00:00:48s BZZZZZZ - Connexion Radio en cours. "*Mes chers criminels et colonisateurs de l'espace, vous voilà sur le point de mettre un pied sur Artemis Station, la base spatiale où vous passerez le restant de votre vie ! Quels sont vos...