Je suis Neville Londubat

131 8 0
                                    

Presque dix ans s’étaient écoulés depuis ce jour où la vie des Londubat avait basculé et, aujourd’hui, l’existence du jeune Neville s’apprêtait à prendre un nouveau tournant. Ce jour-là, le soleil se leva sur Londres avec une douceur toute particulière pour le garçon de onze ans ; il allait enfin prendre le départ pour Poudlard. Il avait attendu ce jour toute sa vie.
Grand pour son âge, cheveux bruns et le visage rond, il dégageait une certaine forme de force brute derrière ce masque de détermination qu’il affichait toujours. Ses bras, très longs, maniaient sa baguette magique avec aisance, lui qui s’exerçait et s’appliquait à pratiquer depuis l’âge de huit ans. Il s’était entrainé, préparé pour que ce jour déterminant marque le début du reste de son existence. Il était prêt.

La veille, son oncle, ou plutôt son grand-oncle Algie, avait insisté pour que lui, Neville et Enid, sa femme, se rendent tous trois à l’hôpital Sainte-Mangouste, l’hôpital des sorciers, dans lequel sa grand-mère était résidente permanente depuis bientôt une décennie. Il avait flotté, dans l’esprit de Neville, un sentiment bien étrange lors de cette ultime visite avant son départ pour l’école. Bien qu’il soit désormais coutumier de ces journées à la salle Janus Thickey, réservée aux patients permanents, tout comme il l’est des questions incessantes de sa grand-mère concernant ses parents, cette visite en particulier lui parut effroyablement longue. Tout compréhensif qu’il soit, une chose et une seule accaparait ses pensées : aller à Poudlard, apprendre, et regagner l’honneur de sa famille. Par conséquent, expliquer une énième fois à sa grand-mère la raison pour laquelle son fils Franck, et sa magnifique épouse Alice, ne venaient jamais la voir, lui avait parut une corvée dont il se serait bien passé. De plus, les regards braqués sur lui en permanence depuis sa naissance l'avaient insupportés bien plus qu’à l’accoutumée. Il avait appris à vivre avec ; mais pas ce jour-là. Ce jour-là, tout lui sembla plus morne que d’habitude comparé à la perspective d’enfin intégrer la prestigieuse école de magie. Cela avait été un véritable soulagement quand, enfin, Algie avait proposé à Neville de rentrer.  Il avait embrassé une dernière fois sa grand-mère et, d’un coup, les regards qui pesaient sur lui s’étaient envolés, la pression qu’il avait ressenti toute la journée, disparue, et ses jambes l’avaient porté machinalement en dehors de l’hôpital ; son esprit pénétrant d’ores et déjà déjà le dortoir du septième étage de Poudlard, celui des Gryffondor.

  Aujourd’hui, c’était le grand jour. Son premier départ pour King's Cross, le début de sa toute première année à Poudlard et cette perspective excitait Neville bien plus que l’apprentissage de n’importe lequel des sorts banal qu’on lui avait appris jusque là. Enfin, son apprentissage allait avoir une saveur de concret et l’excitation le gagnait petit à petit. Restant malgré tout très mesuré, il se leva comme d’habitude, prit le même petit-déjeuner, à savoir quelques œufs brouillés sur un lit de bacon fumé, et se débarbouilla comme tous les matins. Quand lui, son grand-oncle et sa grand-tante prirent finalement le chemin de la gare, Neville ne parvenait plus à contenir sa joie et son excitation, à tel point qu’il afficha un sourire béat tout le trajet, chose très rare chez lui. Il n'aimait pas sourire. Le sourire était un accès direct à ses émotions et il le refusait, rien ne devait venir le distraire de son objectif et surtout pas des émotions. Toute à sa joie de partir pour Poudlard, son visage resta illuminé malgré tout et son masque de détermination avait bien dû céder. Comment contenir un tel bonheur quand on a que onze ans ?
  Arrivés à la fameuse gare de Londres, Neville avait néanmoins retrouvé tout son sérieux et il insista pour pousser lui-même l’énorme chariot sur lequel reposait sa grosse malle et le reste de ses affaires pour l’école. Pas une once d’hésitation dans le regard du jeune garçon qui poussait son chariot en direction des voies neuf et dix avec beaucoup d’assurance. Pas non plus trace de doute dans son attitude lorsqu’il se plaça face au mur magique entre les deux voies, portail vers la voie 9¾, accès direct au Poudlard Express. C’est avec beaucoup de courage et de détermination qu’il prit son élan et qu’il traversa sans problème le fameux portail. Passé de l’autre côté, son masque finit par tomber de nouveau. En apercevant les volutes de fumée blanche, et ce train d’un rouge vif, synonyme de voyage, d’aventure et de découverte, il en oublia toutes ses convictions et pour la deuxième fois de la journée, un sourire ingénu prit place sur son visage. Un sourire qui le rendait plus doux, plus accessible aux yeux des autres également. A ce sujet, beaucoup d’entre eux étaient braqués sur lui depuis maintenant plusieurs minutes qu’il était sur le quai de la voie 9¾, mais il ne les voyait pas, il parlait à Algie et Enid, souriait dans le vide et savourait ce moment. Mais s’il ne voyait pas les regards, il ne put ignorer longtemps les murmures qui s’intensifiaient au fur et à mesure de sa progression sur le quai. Quand il s’en rendit compte, il recommença à voir les regards et les murmures habituels lui parurent des cris de jugement, pas d’admiration. Il se sentait tel un pestiféré dont tout le monde parle mais que personne n’ose approcher. C’est alors que, sans préambule et sans prévenir personne, il stoppa son énorme charriot, escalada le monticule d’affaires engorgé dessus et grimpa à son sommet, puis, s’adressant directement à la foule, il cria :
- Qu’est-ce que vous avez tous ? Pourquoi vous me regardez comme ça ? Pourquoi toujours parler dans mon dos ? C’est grâce à moi et au sacrifice de mes parents que vous pouvez accompagner vos enfants en toute sécurité aujourd’hui ! Je suis Neville Londubat, fils de Frank et Alice Londubat et aujourd’hui, devant vous, je fais la promesse d’éradiquer tous les mangemorts qui oseront s’en prendre à moi ou à ma famille.
  Certains parurent gênés par une déclaration si pleine d’assurance venant d’un aussi jeune garçon, d’autres s’amusèrent de ce qu’ils considéraient comme de la naïveté, d’autres encore préférèrent tout simplement l'ignorer. Neville redescendit de son chariot, se tourna vers ses proches et d’un ton on ne peut plus assuré, leur dit au revoir puis tourna les talons et pénétra dans le premier wagon ouvert qu’il trouva. Il déambula rapidement entre les cabines toutes remplies jusqu’à arriver au fond du train où il trouva un espace vide. Il s’assit seul, et commença à penser. Un masque de détermination impénétrable avait plus que jamais pris place sur son visage si rayonnant il y a dix minutes de cela et pour tout le monde, il paraissait désormais inaccessible.

  Sa réserve solitaire fut pourtant de courte durée. Quelqu’un finit par ouvrir la porte du compartiment dans lequel il se trouvait. C’était un jeune garçon avec un visage mince , des genoux noueux, des cheveux noirs et des yeux d’un vert brillant. Il portait des petites lunettes rondes qui tombaient plutôt bien sur son visage frêle et souriant. Neville reconnut rapidement le jeune Harry Potter. Et pour cause, ses parents Lily et James étaient venus plusieurs fois à Sainte-Mangouste pour voir sa grand-mère. Étant tout comme elle d’anciens membres de l'Ordre du Phœnix, une organisation vouée à la lutte contre les forces du mal, son sort, jugé pire que la mort, les avait beaucoup touchés.
- Salut, dit négligemment Neville à l’intrus.
- Salut Neville ! Tu vas bien ?
- Tu as dû voir ce qu’il s’est passé sur le quai non ? Alors arrêtes de poser des questions idiotes tu veux…
- Ça me paraissait une façon comme une autre d’entamer la conversation, répondit gaiement le jeune Potter en s’asseyant sur la banquette face à Neville.
  Tout à sa bonne humeur, Harry ne semblait même pas remarquer le visage fermé et terne de Neville. Il déballa un chocogrenouille et en tendit un autre à Neville qui le prit machinalement. Il l'ouvrit à son tour, laissa la grenouille sortir de son emballage puis la ramena jusqu’à lui grâce à un sortilège d’attraction parfaitement exécuté.
- Wow ! S’extasia Harry en voyant Neville pratiquer ce sortilège. Un sortilège d’attraction ! On ne l’apprend pas avant la troisième ou même la quatrième année normalement ! Je vais essayer moi aussi !
  Il sortit sa baguette, sembla se concentrer pendant une trentaine de seconde avant de sortir un nouvel emballage de chocogrenouille. Lorsque l’animal en chocolat sauta de sa boîte, il prit une grande inspiration et :
- Accio chocogrenouille !
  La friandise ensorcelée eut un très léger mouvement de recul mais finit tout de même par sortir du compartiment et disparaître dans les allées. Neville eut un léger rictus amusé face au regard brièvement déçu de son compagnon. Celui-ci se reprit rapidement.
- Ce n’était pas si mal pour un premier essai !
- J’ai cru percevoir un léger mouvement dans ta direction, plaisanta alors Neville ce qui eut pour effet de faire réapparaître un grand sourire sur le visage de Harry.
  Neville l’aimait bien. Son insouciance et sa joie de vivre déteignaient sur lui visiblement. Ses problèmes et ses pensées s’étaient envolées et le reste du trajet se déroula dans le rire et la bonne humeur.

Neville Londubat : Le destin d'un élu Où les histoires vivent. Découvrez maintenant