Pendant longtemps j'ai donc délaissé cette superbe bibliothèque qui semblait pourtant m'appeler. Tu le ressens sûrement cher lecteur, cette bibliothèque avait bien quelque chose de tout à fait spécial. A bientôt 16ans j'avais finalement atteint le mètre soixante-dix, je pouvais largement atteindre tous ces livres qui m'avaient tant fait rêver. C'est aussi à cette époque que je réalisais qu'une simple chaise m'aurait permis de les atteindre plus facilement, avec quelques années et quelques centimètres de moins. J'attrapais livres après livres avidement je tournais et retournais ces couvertures et feuilletais ces livres poussiéreux. L'un d'eux m'attira plus que les autres, il avait une couverture vert émeraude, il n'était pas revêtu de la même couche de poussière épaisse que les autres, il semblait tout droit sorti des plus belles librairies. Je l'attrapais sans prendre conscience du drame qui se jouerait à la suite de cette lecture. A l'intérieur du superbe ouvrage, j'avais trouvé une clef qui n'avait rien à voir avec celles que nous utilisions communément. Elle était très travaillée, pleine d'arabesques complexes. Je l'ai longtemps tournée et retournée dans mes mains avant de me décider à la ranger dans l'une des poches de ma robe. C'est alors que ma mère arriva, elle ne voyait pas d'un bon œil que je traîne toujours devant cette bibliothèque au lieu de m'intéresser aux auteurs de notre temps. Le passé étant passé, il ne fallait pas s'y émouvoir plus que de raison. La clef toujours dans la poche, j'avais arpenté la maison à la recherche d'une porte ou encore d'une boite que celle-ci pourrait ouvrir. C'est alors qu'une idée saugrenue m'était venue en tête, et si cette clef ouvrait le plus simplement du monde la bibliothèque ? Je m'étais alors précipitée vers celle-ci et la regardant en détail, je découvris un livre semblable à celui que j'avais pourtant gardé dans la main. Il avait sur sa tranche, le dessin d'une serrure. Amusée par cette coïncidence j'approchai la clef du dessin, cette dernière entra sans effort dans la serrure. Prenant une grande inspiration je tentais de tourner la clef. Sans difficulté, elle tourna et un cliquetis se fit entendre. La bibliothèque s'ouvrit non sans un bruit ou deux, offrant à ma vue une porte du même vert émeraude, entrouverte. Je traversai cette porte et c'est à ce moment-là, je peux le dire maintenant avec le recul que ma vie a bifurqué vers un chemin empli d'épines et de ronces. A toi, mon lecteur, je te fais grâce de toute ma stupeur, de mes craintes et de mes réflexions sur ma potentielle folie. J'avais rencontré derrière cette porte un homme « Charmant », un homme qui n'a plus d'âge. Non pas, qu'il semblait vieux bien au contraire mais on pouvait ressentir cette aura des personnes qui ont un vécu.
Il y a 500 ans que cet homme était là, vivant, derrière la porte de la bibliothèque. Il n'avait plus de nom ni d'âge. Les années les avaient effacés lentement. Il était perdu derrière cette bibliothèque depuis si longtemps que ma présence l'avait d'abord fait croire que la mort venait le chercher. Je ne pouvais pas lui en vouloir. Ce jour là, je portais une longue robe noire, qui était finalement plutôt d'augure au vu de la suite des événements. Il me disait s'être perdu ici, un jour de mai durant une terrible guerre, à la recherche de la meilleure cachette. Il avait fini enfermé ici, pris au piège. Il avait donc passé ces 500 dernières années là, à lire vraisemblablement, la montagne de livre cachée derrière la bibliothèque, pour avoir l'impression de s'évader. Nous avons longuement discuté de tout et de rien, sans jamais être dérangé. Le temps s'était comme arrêté. Il passait par moment sa main dans mes cheveux que j'avais détachés, surprise quelque peu, je ne lui en voulais pas. Il me voyait toujours comme un fantôme. Plus je le questionnais sur sa vie passée plus je réussissais à rassembler les pièces du puzzle. Cet homme était né il y a bien longtemps mais là n'était pas la question. Je me demandais seulement quelle était cette guerre qui l'avait poussé à se cacher et qu'était-il advenu de sa vie d'avant, quelqu'un de sa famille l'avait-il chercher.
Lorsque l'on proclama que la guerre était finie, ne le retrouvant pas sa famille avait dû le penser mort sans jamais le chercher. Selon lui, ça n'avait plus d'importance ce qu'était devenu sa famille. Il lui importait plutôt de me connaître et de découvrir le monde qui avait grandi sans lui. Le pauvre homme ne savait rien de notre monde, je passais des heures et ce qui me sembla soudainement des jours à tout lui décrire, l'évolution, nos rues, nos habitudes, à lui faire découvrir les expressions d'usage dorénavant. En échange il me parlait de ses souvenirs, de la guerre, de ses livres préférés, ceux qui l'avaient le plus transporté. Le temps et les jours passaient je revenais chaque jour pendant des heures le voir et l'écouter sans jamais penser à le faire sortir de cette bibliothèque, lui-même de me le demandait pas. Quand je n'étais pas avec lui je m'informais et interrogeais les gens sur cette fameuse guerre et les personnes qui vivaient ici bien avant nous. Mes parents avaient pensé à une nouvelle lubie et n'en disaient trop rien. Leur attention était toujours portée sur mon frère. Pourtant les années coulaient et la majorité me guettait. Elle était au pied de ma porte me semble-t-il ce jour là quand je découvris dans un nouvel ouvrage le visage de l'homme que j'avais pu scruter des heures durant. Son visage ne semblait pas avoir changé, son expression était peut-être devenue plus mélancolique à force des années passées là, seul. Je pouvais donc poursuivre mes recherches, toujours plus précise jusqu'à lui chercher une descendance, des liens de parenté quelconque avec des gens de mon époque.
A cette espérance démesurée je me raccrochais comme à une bouée de sauvetage, comme si c'était moi qui finalement avait été enfermée derrière cette bibliothèque depuis si longtemps. Je ne savais pas alors à quel point cette sensation s'avérerait prémonitoire de mon avenir. Je ramenais cette nouvelle pièce du puzzle à l'homme sans nom. Je n'avais jamais ressenti le besoin de lui donner un nom, comme s'il n'était pas tout à fait assez réel pour moi ou pour ce monde. Pourtant les registres sont formels, cet homme se nommait Ferdinand DANIEL et avait bel et bien disparu 500 ans plus tôt. Le fait de le voir écrit, lui avait donné une nouvelle dimension. Il n'était plus seulement l'homme de la bibliothèque pour moi, il était devenu Ferdinand, fils disparu d'une grande et riche famille, qui aujourd'hui encore existe et dont les descendants réside à seulement quelques kilomètres de notre lieu de vie. Je rapportais cette information avec l'espoir, que le plaisir et la joie se manifeste sur ce visage qui restait si mélancolique depuis que je le connaissais. Sa réaction, ne fut pourtant pas celle escomptée, il n'était nullement empli de joie. Il resta de marbre, un long moment avant de finalement me remercier et me demander ce que j'avais pu apprendre d'autre sur la vie de cette riche famille qu'il avait perdu depuis si longtemps.
MIZOMBIE
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La Bibliotheque
General Fiction"Je me suis finalement résignée à écrire ce que je connais le mieux. Cher lecteur que tu existes ou non, je vais te compter une vie. Que tu sois seul ou multiple, je te conjure de lire mon histoire comme ce qu'elle est. Un récit de vie banal et de n...