Mars 1943, New-York
Bien que le soleil se couchait derrières les grattes ciels qui dessinaient la ville, Brooklyn vibrait de vie. Les couples étaient de sortie pour profiter des soirées dansantes, des amis faisaient la tournée des bars pour oublier demain et enfin, des familles se réunissaient au cinéma. Abigail Lochlain aurait souhaité se mêler aux autres, retrouver Judie et Charles au Cercle des Plumes, un salon de Thé devenu leur point de rendez-vous depuis deux ans. Mais ce soir, la jeune femme devait rester à la maison avec son cadet, Liam. Leur gouvernante était malade et tous deux avaient décidé de s'acquitter de la majorité des tâches pour soulager la jeune Beth qui était clouée au lit. Abigail s'affairait donc en cuisine, épluchant courgettes et pommes de terres qu'elle mit à bouillir dans une grande casserole. Ce rajouta à la mixture, tout un tas d'herbes pour que les légumes puissent se parfumer durant leur cuisson. En fond, le tourne disque jouait un air de Jazz, qui donnait le rythme à ses coups de couteau : elle retira écailles et arêtes du saumon acheté plus tôt, qu'elle glissa dans le plat en terre cuite. Tout en balançant ses hanches, elle enfourna le tout dans le four, qu'elle referma de son pied.
Satisfaite, Abigail plaça ses mains contre ses hanches avant de se tourner vers l'évier encombré. Elle attrapa l'éponge et se mit au travail sans tarder, récurant la vaisselle qui traînait là. Dans le chambranle de la porte apparut son cadet attiré par l'odeur alléchante qui se propageait dans la maison. Le contraire aurait même été étonnant, connaissant le gouffre à nourriture qu'était Liam. Abigail rageait quand son tendre petit frère vidait les placards, mais à part le taquiner, elle ne lui en tenait aucunement rigueur. Elle même résistait difficilement à ce pêcher qu'était la gourmandise. À pas de loup et profitant d'être dans l'angle mort de son aînée, Liam s'aventura dans la cuisine dans sa quête de nourriture oubliée sur la table, histoire de calmer son estomac vivement réveillé. Son regard s'illumina en mettant la main sur le pot à madeleines et sans perdre plus de temps, il tourna les talons. Alors qu'il se voyait déjà affalé dans son lit à s'empiffrer, la voix grondante d'Abigail retentit dans son dos :
— Si tu ne veux pas manger cette éponge, tu reposes ça toute de suite !
— Mais j'ai faim ! Pleurnicha Liam.
— C'est prêt dans moins d'une heure, tu peux attendre voyons !
— Tu me laisserais mourir de faim !?
— Une heure Liam !
— C'est de la torture !
— Oh mon dieu, tu es épuisant...
— Ca veut dire que je peux prendre les madeleines ?
— Ca veut dire que tu les reposes maintenant !
Liam fit ses yeux de chaton mouillé et Abigail resta sur sa position, pointant la table d'un mouvement sec. Alors que son cadet s'avouait vaincu en revenant sur ses pas, on toqua à la porte. Les enfants Lochlain se regardèrent, interrogeant l'autre sur le potentiel intrus. Aucun d'eux n'attendait une visite particulière, surtout à cette heure, enfin quand vous êtes une personne bien éduquée. Il n'y avait que Ernest Smith, le meilleur ami de Liam, pour s'imposer ainsi. Difficilement, Abigail retint son envie d'attraper le couteau et de planter l'indésirable qu'elle ne portait pas dans son coeur pour deux choses : sa simple présence et le fait qu'il la courtisait depuis le début de l'année, malgré ses nombreux refus.
En quelques enjambées, Abigail atteignit l'entrée et attrapa la poignée qu'elle n'enclencha pas immédiatement. Elle prit le temps d'inspirer et de se préparer mentalement à faire face à Ernest, ne prêtant pas attention son frère qui regagnait sa chambre avec les madeleines. Abigail finit par ouvrir la porte, le visage ferme et la voix acerbe :
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II. [Sur]vivre : A bout de Souffle
Historical Fiction"Saint Michel, notre défenseur dans le combat, priez pour nous." En 1943, cinq hommes et femmes sont parachutés en Italie dans le cadre d'une mission des plus délicate. Minerva Lo Grasso, une éminente scientifique italienne, est sur la finalisation...