Chapitre 5

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Avril 1943, camp Pendragon

Crowley aurait voulu être ailleurs.

Le lieutenant se tenait à l'écart des autres officiers et il s'amusait de tous les voir se presser autour du colonel. Ce dernier, à la moustache imposante, avait ordonné une réunion pour faire un point sur ce début du mois et donner les prochaines directives. Le Major Pavel aurait dû assister à cette séance, mais une mauvaise grippe le clouait actuellement au lit et, de ce fait, Crowley avait dû prendre le relais, malgré ses autres priorités : il devait préparer l'arrivée de nouveaux venus dans son stick qui devraient finir leur formation initiale dans les prochains jours. Crowley soupira, donnant un coup d'oeil discret à sa montre en priant pour que les choses bougent au plus vite. Ils étaient plantés là depuis une bonne demi-heure, attendant le capitaine McLockley qui commandait la compagnie C. Pour une raison encore inconnue, l'homme, d'habitude ponctuel, ne l'était guère ce jour-là. Personne ne s'en était inquiété et tous avaient décidé de prendre leur mal en patience.

Sauf Crowley.

Ce dernier soupira et porta son attention sur la salle de réunion. En plus de lui et du Colonel, étaient présents six autres officiers : il y avait le capitaine Hook, à la tête de la compagnie A et Crowley se demandait souvent comment il avait réussi son coup. L'homme était d'un naturel maladroit et un mauvais stratège ! Ses entrainements se soldaient par des pertes bien trop importantes, sans parler de ses résultats risible sur le terrain. À sa droite se tenait le capitaine Jefferson, qui avait sous sa direction la compagnie B. C'était quelqu'un de droit et d'autoritaire, mais bien qu'il veille à la santé de ses hommes, son ambition avait tendance à le rendre apathique. En face de lui se trouvait celui qui avait la compagnie E sous son commandement : le capitaine Murphy. L'aîné de ce dernier, le Major E. Murphy, commandait la compagnie F. Les deux frères étaient appréciés de tous, que cela soit le reste des officiers ou bien leurs subalternes. Le lieutenant Evans était à la tête de la compagnie G depuis peu, tout comme les capitaines Morton et Anderson, l'un commandant la compagnie H et l'autre la compagnie I. Les deux premiers étaient connus pour leur sang froid à toutes épreuves, au contraire du dernier, qui était un alcoolique notoire et un homme violent.

Pour ce qui était de Crowley, il secondait donc le Major Pavel dans le commandement de la compagnie D, plus précisément l'une de ses branches rattachée au SOE.

Des hommes aux visages multiples, Crowley en voyait chaque jours. Rarement les mêmes, souvent des nouveaux. Tous se pavanaient dans le camp, bien qu'une poignée d'entre eux semblait perdue. Ces derniers n'étaient que des gamins fraîchement majeurs et rêvant de gloire, de médaille et d'une page dans les manuels d'Histoire qui conteraient leurs exploits futurs. Pour un petit nombre, la désillusion était bien trop rude, si ce n'était destructrice. Combien de jeunes hommes dans ses effectifs avaient décrochés après leur baptêmes du feu ? Et combien étaient morts sans que personne ne puisse faire quelque chose ? Le milieu militaire n'était pas fait pour tout le monde et personne ne revenait intact d'une guerre. Personne. Sauf les bureaucrates et les états majors qui, pour la majorité, n'avaient jamais mit les pieds sur le terrain. La peur, le sang et l'adrénaline, ça, ils ne l'avaient jamais connu et ne le connaîtraient jamais.

Le retardataire arriva enfin, essoufflé. Il se mit au garde à vous en s'annonçant et s'excusa dans la foulée. Le colonel fit un vague mouvement de main, signifiant que ce n'était rien et enfin, cette maudite réunion put commencer.

*

Vous savez ce que représente une heure pour un hyperactif ? Un avant-goût de l'enfer.

Cette réunion avait été horriblement longue. Sans fin et épuisante dans ses dernières minutes. Crowley n'était pas fait pour rester assis sur une chaise à écouter sagement, surtout si c'était pour recevoir une nouvelle qui n'allait pas plaire à l'un de ses sergents : une mutation ordonnée pour une mission des plus capitales et commanditée par l'OSS. Depuis quand recevaient-ils des ordres des services du renseignement américain ? Crowley avait tenté de négocier, mais le colonel était resté sur sa position et malheureusement, c'était Breau et uniquement elle qui devait se charger de cette mission et ce n'était guère discutable.

II. [Sur]vivre : A bout de SouffleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant