Partie 12| Grossesse

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Marie , 32 ans

- Au suivant ! Dit le docteur en faisant signe à la dame et son bébé devant moi.

Elle se lève et je profite pour avancer, c'est bientôt mon tour.

Ma fille est entrain de dormir sur moi, je décide de lire quelques magasines pour passer le temps.

- Excusez-moi madame, fait une voix me poussant à lever la tête.

Mes yeux tombent sur une jeune femme blonde.

- Je m'appelle Grace et je suis journaliste. Je sais que vous n'êtes pas en position de passer un interview, mais je prépare un projet concernant la grossesse et l'après-accouchement et j'aimerais avoir vos ressentis et votre témoignage concernant ces sujets. Serrez-vous d'accord de répondre à quelques questions?

Le docteur en a pour un bon bout de temps et il y a une autre personne avant moi, alors pourquoi pas, je n'ai rien à perde.

Je hoche la tête et elle s'assoit à côté de moi, elle sort un magnétophone et un bloc note.

- D'abord je tiens à vous remercier d'avoir accepté. Commence t-elle. Puis, j'aimerais connaitre votre âge et celui de votre enfant.

- J'ai trente deux ans et mon bébé vient d'avoir huit mois.

Elle écrit quelque chose sur son bloc note.

- Pour qu'elle raison avez-vous décidé d'avoir un enfant ?

- Bon, dis-je en jetant un regard au tresor se retrouvant sur mes jambes. Un de mes rêves avait toujours été d'avoir des enfants. Je voulais savoir ce que ça fait d'avoir un petit être qui est moitié moi et moitié la personne que j'aime, d'avoir une raison de plus de vivre et de continuer à travailler dure. Élever et bien eduquer des enfants c'est tout un challenge, tu les donnes un peu de toi et eux aussi ils t'en donnent un peu. C'est comme un héritage, tu mourras et tu laisseras tes enfants derrière toi. Je crois que c'est tout.

Ma réponse la fait sourire, puis elle hoche la tête.

- Comment avez vous vécu les neufs mois de grossesse ? Me demande t-elle en pointant le magnétophone vers ma bouche

- Assez bien je peux dire, j'avais tous les symptômes. Vomissements, douleur, immense fatigue, les hormones qui font du yoyo, l'impression d'être completement larguée, les émotions en mode montagne russe. Mais ce n'était pas si mal, puisque je savais qu'une fois après avoir accouché j'oublierai tout après avoir vu le visage de mon bébé. L'espoir et le resultat de la fin ont suffit pour me booster et m'aider à supporter. Mon mari et mes proches aussi en sont pour quelque chose.

Je redresse Gina avec précaution pour ne pas la reveiller, mets sa tête sur mon épaule gauche alors que mon bras se trouve sous ses fesses.

- L'accouchement, ça a été comment? Et après, vous vous êtes senti comment?

- Bah, c'était un peu douloureux mais j'ai vu mon enfant et plus rien n'avait d'importance. J'ai tout oublié. Dis-je en souriant rêveuse

La journaliste approche sa tête un peu plus de moi et murmure:

- Vous savez, vous n'êtes pas obligée de dire ça. C'est ce qu'elles disent toutes, et vous savez autant que moi que ce n'est pas toute la vérité. Le but de mon projet c'est de préparer les femmes à ce que c'est la grossesse en réalité, pas leur faire croire que c'est une partie de jeu dans lequel elles peuvent se jeter sans réfléchir.

Je pose mon regard sur elle et vois qu'elle me regarde très sérieusement, elle a l'air jeune mais je lui demande:

- Vous avez des enfants ?

Elle a l'air surprise par ma question, mais se reprend.

- Non, je n'en ai pas.

Je m'en doutais.

- Mais je dois vous avouer, poursuit-elle. que je voudrais en avoir mais je ne veux pas prendre cette décision à la légère, ni le regretter après. Ce projet est un peu personnel je peux dire, c'est comme si je voulais me préparer moi-même à ce que c'est la grossesse, je ne le fais pas seulement pour les autres.

Elle soupire et je lui fais un sourire réconfortant.

- D'accord, je vais parler. Dis-je

Ma réponse lui fait plaisir puisqu'elle se redresse et pointe son magnétophone sur mes lèvres avec détermination.

- C'était horrible.

Elle rit.

- Vraiment, je ne m'attendais pas du tout à ça. Je savais que ça allait être douloureux mais pas à ce point. Mon accouchement n'a pas été catastrophique, j'en garde des bon souvenirs... Je passe ma main dans les cheveux de Gina. mais, on ne nous dit pas tout. Il a duré très longtemps et je me suis retrouvée avec une déchirure douloureuse. Je regretais presque d'être tombée enceinte. C'est vrai que voir ma fille était magique, mais j'étais loin d'imaginer que j'allais devoir éponger mon sang et ne pas pouvoir m'asseoir sans pleurer. À la maternité je marchais un peu comme un canard, je n'ai pu m'asseoir sur mes fesses qu'après trois semaines. Et ce n'est pas tout, il y a le bébé et comment s'en occuper. Je ne peux pas dormir trois heures d'affilées la nuit, je me réveille toutes les cinq minutes parce qu'elle pleure et que je dois soit la bercer ou lui donner le sein. Oh et l'allaitement, ce n'est pas un moment de plaisir. Je me fais malmener, mordre, tiré le téton, j'en avais marre. J'avais l'air d'un zombie, je gagnais du poids et je perdais des cheveux. À un moment tout ce que je voulais c'est partir loin, me mettre dans un coin sans enfant, sans amis, sans obligation et me mettre à pleurer toutes les larmes de mon corps. Des vacances, c'est que je voulais et rêvais tous les soirs. Je pense qu'au lieu d'apprendre pendant huit ou dix heures aux femmes comment accoucher, on les apprenais ce que c'est vraiment l'arrivée d'un bébé. Les femmes ne sont pas beaucoup informées concernant l'après-accouchement, cela devrait changer, ça ne devrait plus être tabou. La société nous montre une image de femme sortant de la maternité pour aller bosser en galopant, ce n'est pas toujours le cas. Il faut parfois du temps pour un retour à la normale après le bébé. La maternité est une belle expérience, mais elle peut être aussi cruelle en laissant des marques indélébiles.

Grace me regarde surprise tout en hochant la tête.

- Voilà, c'est ce que je voulais. S'exclame t-elle

Elle entre son bloc note et magnétophone dans son sac.

- Merci pour tout, maintenant je sais à quoi m'attendre.

- De rien. Sinon, vous avez quel âge ? Lui demandé-je

- Vingt-quatre ans.

- Vous êtes jeune, vous avez le temps pour réfléchir et apprendre un peu plus. Lui dis-je en souriant

Elle me sourit en retour et le docteur vient m'informer que c'est mon tour. Je réveille Gina et dis un au-revoir à Grace avant d'entrer et de la laisser dans la salle d'attente.

***

"Nos expériences ne doivent pas être invisibilisées, elles sont uniques, importantes, nécessaires. Nous avons un devoir de transmission."

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Femme, je suis ! [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant