Prologue

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Sandra

Pour la énième fois, mes méninges s'emmêlent. Je ne comprends pas pourquoi je me sens si froide. Cela fait un bout de temps que j'en suis venue à me demander si ma réaction... plutôt, mon absence de réaction est normale ? Est-ce que je suis... normale ? Ou insensible? Je ne pensais vraiment pas m'inquiéter pour cela un jour. Je ne veux pas commencer maintenant. Il vaut mieux ignorer ce que je ne comprends pas moi-même et prendre ce qui m'arrive pour... une allergie.

Est-ce que d'abord ça existe, des allergies aux personnes ?

Aux petits amis.

Franchement, je n'en ai aucune idée. Et même pas sûre que Google qui en reçoit de toutes les couleurs me donnerait des résultats pour ce type de préoccupation. Mais alors, comment expliquer que tu apprécies quelqu'un, ton petit ami en l'occurrence. Jusque-là tout va bien. Sauf que cela ne te fait ni chaud ni froid quand il devient entreprenant. Lorsque Henri touche mon corps, caresse ma peau, embrasse mes lèvres.

Rien. Niet. Nada.

Même pas un demi-frisson ne me traverse le corps. Je ne capte aucune vibration. C'est à peine si je ne me repasse pas des trucs à faire, pendant nos rapprochements charnels. Ce qui me fait culpabiliser à chaque fois, car Henri est une personne attentionnée. Il aime me faire plaisir. Et c'est mon premier petit ami. Ne dit-on pas que les premiers émois et nouvelles expériences dans ce domaine sont inoubliables et très excitants ?

Alors, je ne comprends pas les réactions de mon corps qui ne s'arriment pas avec la reconnaissance de mon cerveau. On dirait justement qu'une fois cette phase intime entamée, il se désactive. Je n'arrive pas à l'illustrer autrement que par un court-circuitage. Moi qui n'ai jamais été bonne en Physique et Chimie, me voilà en plein dedans ! Pff. Quelle corvée! Surtout quelle frustration !

Mais il y a bien une explication, non ? Une théorie qui expliquerait pourquoi est-ce que je ne ressens rien quand je l'embrasse... Pourtant, j'essaie !

Dieu, que j'essaie!

Je lève les yeux, fixe le plafond blanc de ma chambre et soupire de défaite. J'agite les jambes, repoussant brusquement des pieds, les draps qui me protégeaient quelques minutes plus tôt de la fraîcheur matinale associée à la température de l'air conditionné. Mon téléphone qui reposait sur le haut de ma poitrine glisse sur le bord du lit, prêt à s'échouer sur le carrelage sombre de ma chambre. Je le saisis in extremis. La consultation sur Google est gratuite et surtout anonyme. Je suis curieuse de voir les résultats suite à ma préoccupation. Je commence par taper dans la barre de recherche :

" Suis-je sèche à l'intérieur ?"

Non, j'efface.

" Suis-je condamnée à ne rien ressentir dans ma chair ?"

Lol. Trop poétique.

D'ailleurs, sur ce moteur de recherche, on ne s'embarrasse pas de règles parce qu'il n'y en a pas. Ni la ponctuation ni la majuscule ne sont respectées. Pas de professeur virtuel qui vous tapera sur les doigts... virtuellement. Alors, sans réfléchir davantage à la forme, je tape :

" Allergie à son petit ami"

Je suis totalement convaincue que les réponses vont traiter d'un autre sujet, pensé-je en lançant la recherche. Au pire, lister toutes les allergies identifiées par la médecine moderne, continué-je, encore plus sceptique. Mais que non! Les yeux écarquillés, je me mets en position assise sur mon lit, très lentement. Le tout premier résultat de ma recherche affiche :

" Qu'est-ce que l'allergie au sperme ?"

Sérieux!?

J'ignorais qu'une telle combinaison de mots pouvait se faire. Si vraiment, c'est sérieux, je préfère ne pas ouvrir le lien. Je ne sais peut-être rien de ce qui m'arrive, mais cette allergie ne me concerne pas.

Je n'ai plus grand-chose à voir avec la sensible et mignonne fille qui, toute prude, avait honte de son corps et n'osait pas l'explorer. Voulait s'ouvrir au monde adulte, celui des sensations fortes, tout en calquant la vie sur les romans. Je pensais ressentir ma première fois. La graver dans ma mémoire tel un souvenir indétrônable puis la chérir longtemps. Très longtemps.

N'est-ce pas ainsi que se passent les premières fois ?

De l'excitation, de l'appréhension, beaucoup ou un peu de timidité selon le degré de motivation à aller jusqu'au bout de ce voyage dans une autre dimension. Et encore de l'excitation à l'idée de partir à la découverte de ces sensations qui vous changent à jamais.

Remarque, je lisais et je lis toujours d'ailleurs. Tellement de romans que j'avais imaginé, à l'aurore d'une nouvelle étape dans ma vie, que devenir femme avec son copain d'enfance serait la cerise sur le gâteau. Pourtant, cette expérience avec Henri m'a désillusionnée. Ensuite, plus rien n'a été pareil.

Ce n'est pas que Henri ait été mauvais hein ! Enfin... je n'en sais trop rien. Je n'ai pas d'élément de comparaison. Lui non plus. Je sais seulement qu'il s'est toujours montré prévenant et devait aussi appréhender ce moment. Sauf que de nous deux, eh ben ! C'est lui qui s'est ré-joui.

Haha!

Non, ce n'est pas drôle ! Même un peu.

Après cette première fois ratée, je n'ai plus ressenti le même élan pour lui. On peut croire que j'ai tout misé sur ses performances à lui, alors que nous étions tous les deux novices. Mais, c'est une question de point de vue. De son côté, il a dû se satisfaire parce qu'il en voulait encore. Dès lors, notre relation a commencé à décliner. Je ne savais pas comment lui dire que mon cœur l'aime et pas mon corps. Même pour moi, c'était incompréhensible. Surtout, je ne voulais pas lui faire de mal. Et le pire de tout, continuer de faire semblant.

Pendant que je devenais distante, lui, il en voulait plus. Son comportement à l'égard des autres filles devenait suspect, alors même qu'on n'était pas encore séparés. Il était plus attentif à la gent féminine et je le surprenais parfois à mater sans se cacher. Devais-je lui en vouloir ?

Non.

Mais, je lui en voulais quand même. Je n'avais pas envie qu'il s'éloigne et se détache de moi. Qu'on perde notre amitié qui était plus importante, à mes yeux. Finalement, ce sont les choix de nos parents qui ont provoqué le destin. Henri et moi n'irions pas dans la même université. J'étais soulagée de l'apprendre, car il m'était de plus en plus difficile de jouer à la petite amie éprise. Le dimanche qui a suivi cette nouvelle, je me souviens avoir chanté plus fort que tout le monde à l'église et d'avoir tapé des mains jusqu'à ressentir une légère brûlure. Mais devant lui, j'ai joué la carte de la tristesse. On ne s'est pas explicitement dits qu'on cessait d'être en couple. Cependant, nous avons tour à tour exprimé notre regret de poursuivre nos études loin l'un de l'autre, sans se faire de promesse ni aucun plan dans l'avenir. Durant les dernières semaines de vacances passées ensemble, je finis par croire qu'il n'était pas complètement dupe. Peut-être, il s'est senti lui aussi libéré de cette relation qui se désincarnait. D'ailleurs, une rumeur disait qu'il s'était rapproché de l'une de mes cousines. Il n'avait pas cherché bien loin, mais c'était déjà ça.

Eh bien! Tous mes vœux de bonheur!

C'est donc avec un cœur léger et vidé de toute culpabilité que j'ai accueilli ma rentrée à l'Université.

Sexfriend et c'est tout!Où les histoires vivent. Découvrez maintenant