Kötarä Mo sala na be ti mo

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A partir de la chanson Noël Blanc, interprétée par Franck Michaelhttps://www.youtube.com/watch?v=hzOKwlVU5YQ 



Elle marche. Ses pas sont étouffés par le sol blanc et la nuit noire. Un silence sombre, le même qui s'est emparé de son cœur quelques mois auparavant.

Elle avance, comme un flocon noir dans une tempête de scintillement, au cœur de cette neige éclatante. Elle avance, dans cette valse de sourires radieux, parmi les effluves de vin chaud et de pain d'épice, guidée par le vent glacial qui, un peu bizarrement, réchauffe les cœurs.

Mais son cœur à elle, est bien plus froid que ce vent. Hors de ce monde blanc scintillant, il est étranger à l'hiver. Noël rayonne, il vit dans les mains qui s'entrelacent, dans celles qui se réchauffent autour d'un chocolat chaud, dans celles qui accrochent une étoile en haut d'un sapin. Il vit dans tous les battements de cœur, tandis qu'il se meurt dans le sien.

Et tandis que Noël s'y meurt, son cœur pleure.

Ce qu'elle aimerait sourire en pensant à la chaleur que seul le froid de décembre nous offre.Ce qu'elle aimerait attendre avec hâte le réveillon. Ce qu'elle aimerait contempler la neige.Elle se désole de ne voir dans le ciel noir que le vide de son cœur, de ne plus apercevoir le traîneau en descendre et venir rallumer une étincelle glacée en elle.

Alors, vêtue de noir à Noël, elle marche. Une triste marche, un cortège, laissant derrière elle une traînée. Une traînée de larmes d'encre qui se déversent en murmurant une oraison sur un ciel blanc immaculé tombé au sol.

Alors, au milieu des lumières qui dansent, un petit flocon s'abandonne à une mélopée solitaire. Si elle tendait l'oreille, elle entendrait son cœur d'enfant lui chanter ses plus tendres rêves, dissimulés dans ses plus profonds souvenirs. Elle entendrait battre une âme d'enfant, celle qui n'abandonne jamais. Celle qui survit aux étés oubliés, celle qui survit à l'éphémérité des bourgeons du printemps, celle qui souffle dans les couleurs chaleureuses de l'automne, celle qui s'épanouit dans l'éternité de l'hiver.

C'est un murmure intérieur qui est plus fort que la neige étouffante, que les vagues qui grondent, un murmure qui la guide à travers la réalité dont elle s'est retirée. Alors ce petit flocon noir se mêle à un tourbillon argenté, un tourbillon vrombissant, et lorsqu'enfin ses pas s'arrêtent, elle lève la tête.

Des éclats dorés et argentés se reflètent dans ses yeux. Sa mélopée s'échappe dans l'harmonie qui règne sur la place. Sa tristesse l'abandonne. Et la voilà, face à ce qu'elle fuyait. La voilà face à son Noël. Et tandis que dans un final triomphant, un dernier sons'envole et s'offre tel un bouquet au ciel, son dôme de glace se brise.



Des milliers de sons édifient à nouveau le monde, des milliers de sentiments me traversent,le blanc reprend son trône dans mes souvenirs, dans mon Noël.

Me voilà face à un orchestre, face à un concert de Noël. Après avoir été parmi les musiciens pendant des années, aujourd'hui, je les regarde et me rappelle.

Les heures de répétition dans la convivialité et la précipitation. La distribution de bonnet rouge que nous portions tous. La marche jusqu'au lieu du concert, l'installation des chaises et pupitres dans les rires et les boutades. Je m'y revois, les doigts bleuis par le froid, le souffle chaud dans le froid de l'hiver, le sourire aux lèvres séchées par la rigueur du temps.

Et alors que la baguette se lève, Noël retentit.

Un orchestre jouant une harmonie de milles instants, suspendus. Et parfois, l'un d'entre eux s'approprient un de ces précieux instants. Quelques notes emplissant un souffle partagé par des cœurs en harmonie. Ils se jouent du froid, ils se jouent des âges. Ils jouent accompagnés des anges des louanges immortelles. Ils parlent à tous, les musiciens.

Soudain, des voix s'élèvent, des paroles que je connais par cœur, que tous les arbres encore touffus entonnent, que tous les cœurs fredonnent, que toutes les guirlandes dessinent, que le vent siffle. Un Noël Blanc qui se chante dans les bouches des enfants,dans les souvenirs des adultes, dans les sourires des familles, dans le cœur de tous. Un esprit qui fleurit parmi le mois de décembre.

Et je me surprend à murmurer des paroles que je n'ai jamais oubliées, mais que le temps avait caché sous des cieux orageux. Alors, ces quelques notes lèvent le voile noir qui s'était abattu sur ces souvenirs et leur rendent leur éclat limpide, mon beau rêve blanc.

Ces belles journées d'hiver, dans la maison de toutes mes vacances, dans les bras de mes grands-parents.

Je me souviens, des chants de Noël par dizaines, joués et rejoués, acclamés encore et encore, par des âmes tendres qui ont placé leur rêve dans le bonheur de leurs petits enfants. Des sourires et des rires plus que des flocons en réalité, une douce chaleur émanant des cœurs et des embrassades.

Je me souviens, des départs à la messe, dans l'église froide où la main de mon grand-père offrait un peu de chaleur. Tout comme les chants qu'ils entonnaient tous touchaient les cœurs, et je l'espère, celui des cieux aussi. Nous essayions, mon frère, ma sœur et moi, de les imiter pour faire plaisir à notre grand-père. A celui qui nous accompagnait pour toute la vie, et que l'on accompagnait pour une nuit. Douce nuit, l'astre luit aujourd'hui aux côtés de ceux pour qui il a chanté toute sa vie.

Et au retour, toujours la même surprise, sur nos visages et devant nos yeux. Les sourires bienveillants de ceux qui étaient restés à la maison, mon père, ma mère et ma grand-mère,qui pendant notre absence accueillaient le père Noël. Pressé, il partait toujours, laissant derrière lui des cadeaux par dizaines, une magie dans l'air, ce qu'on appelle l'esprit de Noël.

Cet esprit se cultive et se transmet, de mains en mains, de cœurs en cœurs, d'années en années. Tu nous en as offert le fruit, nous le cueillerons dans nos souvenirs pour les déposer devant ce vase, afin que poussent nos sentiments jusqu'à toi, là haut.

Alors nous rirons tout de même, nous mangerons encore une fois beaucoup trop, je jouerai ces mêmes morceaux que tu écoutais en fermant les yeux, nous écouterons les anecdotes de mamie, tout en nous remémorant les tiennes, quelques phrases en latin, en sango, en grec, en allemand fuseront, pour nous rappeler dans toutes les langues d'écouter nos cœurs. Et nous nous quitterons, le cœur riche d'amour et de nouveaux souvenirs, riche de larmes de nostalgie et d'espoir, riche de te connaître.

Cette année, ce n'est pas sur le lit blanc d'un hôpital que tu reposeras, mais sur un lit de nuages que tu flotteras, bercé par l'écume des mémoires de ta vie, que nous lisons encore et encore pour qu'à jamais ton passage furtif sur terre éclaire le ciel, comme une étoile filante attrapée dans ce qu'elle a d'éternel.

Et si une étoile a quitté nos journées pour éclairer nos nuits, rejoignant le ciel qui à Noël cette année brillera plus que jamais, son éclat m'a appris à cueillir celles des nuits les plus noires pour éclairer mon chemin.

Alors, quand la soirée saupoudrée de blanc aura fondu, et que la nuit noire aura repris sa place dans nos cœurs esseulés, cette année, les ténèbres sursauteront une dernière fois face à une nouvelle chanson que connaît mon cœur, un nouvel endroit où il se réfugie. Un endroit chaud où vivre cette année riche en embûches, un endroit chaud pour embaumer les cœurs qui chantent tous ensemble au coin du feu, un chalet, une cabane au milieu de la forêt enneigée. Les mots que tu as prononcé pour m'encourager peuplent toujours mon esprit, parce qu'ils sont portés par d'autres sourires, d'autres voix qui m'accompagnent et dont tu serais fier.

Ce beau Noël blanc, que nous avons peint ensemble, reflète aujourd'hui des âmes colorées et flamboyantes. Elles ont éclipsées la noirceur qui avait dévoré la neige d'argent, elles ont brisé le silence qui s'était emparé du ciel, le laissant à nouveau sonner, elles ont décoré mon jardin d'hiver de scintillantes guirlandes. Du rouge ardent, en passant par du jaune brillant, des rose délicat, des dorés pétillants, des violets tendres, des dizaines de nuances si belles, jusqu'à un splendide bleu lagon, elles dansent dans le monde, elles dansent dans mon monde, elles m'écoutent jouer la partition de ma vie que je t'ai dédié durant de longues années, et que j'ai enfin appris à partager comme tu le voulais, à leurs côtés.

Alors, papy, je peindrais cette année encore, avec des notes de toutes les couleurs, notre Noël en blanc. Et j'espère que nos rires viendront bercer ton nouveau sommeil.

Petit recueil d'histoiresWhere stories live. Discover now