Les années s'étaient écoulées, lentement. Le temps était passé sur le visage d'Oikawa, le rendant plus mature, plus confiant, aussi. Il venait le marquer d'imperfections et alourdir ses traits qui n'étaient plus enfantins. Son regard, plus dur chaque jour, se posa enfin sur le paysan aux ailes ridiculement minuscules, agenouillé devant lui.
« Bonjour, mon cher. Il y a-t-il quelque chose que je puisse faire pour vous ? »
Le paysan, un homme aux cheveux grisonnants, se redressa un peu, le regard fuyant. Même après cinq ans à être sur le trône, son peuple n'osait pas le regarder. Pourtant, Oikawa avait tenté maintes choses ; il arpentait les rues de son pays comme n'importe quel autre Draconiens, donnait des conférences au milieu des villes, écoutait les voix des habitants pour une vie meilleure. Mais rien n'y faisait ; tous étaient apeurés par sa puissance.
« Eh bien, mon Roi... Il y a des pilleurs, dans nos champs. Tard dans la nuit, ils viennent saccager nos récoltes et nos nouvelles plantations, rendant impossible la vente des aliments que nous cultivons, mon Roi. »
Oikawa fronça les sourcils, avant de soupirer. Il fit venir un des soldats près de lui, pour lui indiquer de donner une troupe minime au paysan. En premier lieu, Oikawa voulait savoir la véracité des propos de cet homme — bien qu'il n'en doutait pas réellement — et si les soldats pouvaient mettre la main sur ces voleurs, il en serait plus que ravi. Il laissa le petit groupe s'en aller, son regard noisette les suivant jusqu'à qu'ils disparaissent derrière les grandes portes de la salle du Trône.
Bien heureusement pour lui, il n'avait aucune autre requête et Oikawa put se replier rapidement dans ses quartiers, situés de l'autre côté du château. Il salua plusieurs servants, gardes et autres personnes vivants dans le palais sur son passage, avant d'enfin pouvoir souffler. Il retira sa couronne qui pesait sur sa tête, les bijoux qui ornaient ses magnifiques ailes aussi blanches que neige ; aussi blanches que ses écailles de dragons qui parsemaient son corps. Un sourire léger se posa sur ses lèvres alors que ses doigts glissaient sur sa peau. Il s'admira un instant de plus dans le grand miroir sur pied, avant de détourner le regard. Si, au début, il pouvait énumérer toutes les perfections de son corps, il pouvait tout aussi rapidement remarquer chaque détail qui le dégoûtait de lui-même.
D'un mouvement las, il défit sa tresse pour laisser ses cheveux tomber en cascade sur son épaule. Il les coiffa, assit sur le bord de son lit encore parfaitement fait. Un soupir peigna ses lèvres, alors qu'il rangeait enfin sa brosse. L'idée futile de couper ses cheveux effleura son esprit, mais il éloigna cette pensée rapidement. Ça faisait des années qu'il les laissait pousser, il n'allait pas abandonner maintenant. Le jour où il sera enfin libre ou heureux, il les coupera probablement.
Alors qu'il accrochait à son poignet des bracelets dorés, ses doigts glissèrent sur une plaie, presque invisible par le temps. Il releva la main, avant de froncer les sourcils. Il dut chercher dans ses souvenirs pendant quelques longues minutes d'où venait cette cicatrice — il aurait aimé oublier définitivement. En un instant, il se retrouva plongé dans un souvenir qui aurait pu être agréable — mais ce n'était plus le cas. C'était comme si des poussières s'étaient glissées dans les engrenages du bonheur, pour le salir toujours un peu plus. Il haïssait cette promesse ; celle de ne jamais se séparer.
D'un mouvement empli de colère, de tristesse, de sentiments qui tourbillonnaient dans son esprit à une vitesse fulgurante, l'empêchant de les comprendre totalement, il lança son poing droit dans son miroir. Il n'avait pas remarqué qu'il était aussi près de l'objet ; sans s'en rendre compte, il avait dû marcher dans la pièce mécaniquement. Une grimace peignit son visage, au même rythme que ses pleurs et la mélodie de ses sanglots. Il s'effondra, ses genoux tapant le sol de pierre avec brutalité — mais la douleur physique ne fut pas plus forte que celle de son cœur. Sa main ensanglantée de cristaux de verre serra le tissu de sa robe, jusqu'à que les jointures blanchissent. Le sang coulait, progressivement, salissant vêtements et peau, glissant jusqu'au sol dans une rivière carmin.
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Solum Regem | IwaOi
Fiksi PenggemarPeut-être que ça sera un dragonnet sans puissance qui viendra à lui. Peut-être même qu'aucun dragon ne viendra à lui ; détruisant son destin. Le vent soufflant dans ses cheveux châtains, Oikawa regardait droit devant lui. PAvec un peu de chance, ça...