Chapitre 2: Les tristesses d'un lundi

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Je hais décidément cette journée. 
En général les lundis sont jamais de bonnes journées. C'est le début de la semaine, la fin de la tranquillité, le début des embrouilles.
Alex m'a pas lâché des yeux de tout le cours de sport. Je hais le sport, impossible de m'intégrer dans une équipe, impossible d'approcher la balle, mais avec quelqu'un qui me fixe, c'est encore plus dur.

On aurait dit qu'il avait mille questions en suspens. 
Victor et Thomas lui ont dit, c'est sur. 
Mais alors pourquoi est-ce qu'il continue ? Qui voudrait en savoir plus ? À moins qu'ils lui aient simplement dit de m'éviter. Mais même, pourquoi est-ce qu'il persiste ? Pourquoi est-ce qu'il est si têtu ?
Il faut vraiment que j'arrête de me prendre la tête à cause de lui. 

Il pleut, j'aime pas la pluie, c'est froid et ça s'immisce partout. Mais j'attends mon frère, le lundi et le jeudi il vient me chercher en moto. Normalement il devrait déjà être là, mais avec la pluie il a dû prendre plus de temps. Elle se fait d'ailleurs de plus en plus forte et j'ai ni capuche, ni parapluie. Je vais être malade c'est sûr.

« Hé Hanaé ? Qu'est-ce que t'attends toute seule sous la pluie ? »

Tout mais pas ça, cette journée était vraiment merdique mais là, Alex qui s'élance vers moi son parapluie à la main, c'est vraiment le pire. J'aime pas parler aux gens, j'aime plus. J'ai trop peur, trop d'angoisse.

« T'attends quoi sous la pluie ? »

Je me dis que si il a zéro réponse il va se décourager et rentrer chez lui.
Mais non.
Il s'assoit à côté de moi et met son parapluie au dessus de ma tête.
C'est lui qui va être malade maintenant.

« Tu trouves pas que la pluie ça rend heureux ? »

Ça commence mal.

« Non »

« Mais si, c'est juste que t'ouvres pas bien les yeux ! Regarde ! Toutes ces gouttes qui tombent, elles sont des milliards. C'est juste magnifique, imagine que ce sont les larmes des nuages, et que lorsque la pluie cesse, les nuages sont débarrassés de leur maux. »

Je suis assez bien placée pour savoir que certes, pleurer apaise, mais à aucun moment ça débarrasse des maux.

« Pleurer n'efface pas les maux. »

« Oui, c'est sur, mais ça apaise, c'est ça que je voulais dire... »

J'ai senti l'hésitation dans sa voix. Il doit donc être au courant. Mais si c'est le cas, si il sait, qu'est ce qu'il fait encore là alors ?

« Hanaé tu viens ? »

Mon frère ! Je suis si contente qu'il arrive enfin !
Je me lève. Je ne sais pas si je dois lui dire au revoir. Il a attendu avec moi et est trempé par ma faute.
Mais je ne veux pas lui parler plus que nécessaire.
Tant pis.
Je ramasse mon sac de sous le banc et me dirige vers mon frère.

Mais je suis soudain comme paralysée. Le contact de sa main sur mon bras m'a figé sur place.

« Hanaé ? »

Tiens il chuchote. Quand les gens chuchotent c'est souvent pour dire des choses importantes. Qu'est ce qu'il peut bien avoir d'important à me dire ?

« J'ai connu quelqu'un, quelqu'un comme Orphée... »

Ses mots m'ont glacé le sang. Cela fait si longtemps que personne n'a prononcé son nom. Mais c'était certainement pas à lui de le faire.
Qui est-il pour parler de lui ? Pour oser prononcer son nom ? 
C'est plus fort que moi, les larmes me montent. Je suis sans doute toute rouge. Je croise le regard étonné et incompris de mon frère. Et je me retourne d'un coup. Ma main part. Je croise le regard ahuri d'Alex.

« Bien sur que non tu connais personne comme Orphée ! Il était incroyable ! C'était la meilleure personne de cette Terre ! Personne n'est comme lui ! »

J'entends ma voix se briser sur ces derniers mots. Je ne contrôle plus rien. Je vois les larmes d'Alex couler. Je vois la trace de ma main sur sa joue. Je me sens tomber. J'ai la tête qui tourne, je sens l'angoisse qui monte, ma respiration qui s'accélère. Je sens mes genoux heurter violemment le sol. Puis j'aperçois mon frère courir vers moi. Je vois ses lèvres bouger mais je n'entend plus. Je devine qu'il crie mon nom. Mais l'angoisse m'emprisonne, je suis dans ma bulle et j'arrive pas à en sortir.


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