Chapitre un

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La maison s'animait depuis un moment déjà, mais il préférait rester encore quelques minutes au fond de son lit. Il sentait que c'était encore une de ces journées. Une de celle qui lui laissait un goût amer sur le bout de la langue, une de celle qui ne lui plairait pas. C'était comme une boucle infinie qui ne cessait de se répéter chaque week-end.

Chaque samedi était le même gouffre dans lequel il se perdait, le même tiraillement silencieux qui le bouffait de l'intérieur. Nombreuses furent les fois où il avait tenté d'ignorer les choses, et malgré toute l'énergie mise dedans, cela ne fonctionnait jamais.

Il avait les nerfs en pelote, et l'irrépressible envie de se terrer dans son lit pour ne pas en sortir avant la fin du week-end. Isaac soupira et observa le plafond, le cœur battant la chamade et la gorge sèche. Il ferma les yeux et glissa une main dans ses cheveux couleur miel, tirant sur quelques mèches comme si elles pouvaient aider à se calmer. L'appréhension lui tiraillait le ventre et ce n'était qu'une question de minutes avant qu'il ne se sente nauséeux.

Il repoussa la couverture et se leva pour rejoindre la salle de bain. Un rapide coup d'œil au miroir lui offrit un tableau peu attrayant. Son teint était blafard. Il avait des cernes foncés sous les yeux qui lui donnait un air malade. Ses prunelles, habituellement d'un vert sapin pétillant, étaient tristement ternes. Ses lèvres fines tout juste rosées. Ses joues paraissaient creusées par la fatigue. On aurait pu croire qu'il n'avait pas dormi depuis des jours. Ce qui n'avait rien de surprenant. Son corps avait du mal à suivre et les nuits difficiles n'arrangeaient pas son état.

Sans y réfléchir davantage, il glissa sous la douche. La chaleur réconfortante de l'eau ne fut pas suffisante pour chasser les tensions s'accumulant dans son corps. Une boule de nerf se forma dans sa gorge : il n'essaya pas de la chasser, c'était inutile. Il ne traîna pas sous l'eau et sortit. Il s'habilla d'un jean qui retombait sur ses hanches fines et d'un large pull à capuche à l'effigie d'une licence de jeux vidéo. Sans conviction, il rejoignit la cuisine dans laquelle il entendait le bruit de couverts et les conversations sur la journée qui commençait.

L'espace d'un instant, il s'autorisa à imaginer retourner dans son lit ou user de sa discrétion pour disparaître de la maison, mais ils le traqueraient.

— Et bien ! J'ai cru que tu ne te lèverais jamais, fils, l'accueillit son père d'une frappe sur l'épaule.

Isaac ne répondit pas et se servit un énorme mug de café avant d'y jeter un sucre, son unique réconfort de la journée. La porte du placard grinça lorsqu'il attrapa un cookie. Il le grignota sans écouter les conversations autour de l'îlot central.

Ses frères et son père se ressemblaient comme un coup de fusil... C'en était effroyablement ironique de faire une telle comparaison. Ils étaient tous les quatre bruns aux yeux marrons, grands avec une carrure solide. Isaac n'était que le petit gringalet. Le petit dernier de la portée qui ne ressemblait ni à son père ni à sa mère. Celui qui ne faisait rien comme eux.

Il y avait Brandon qui venait de fêter ses vingt-trois ans. Calvin qui en avait vingt et Peter qui avait tout juste dix-neuf ans. Isaac ne se retrouvait jamais en eux, sauf peut-être quand il rageait devant un jeu.

— Allez, on y va, déclara Michael, son père.

Il ferma les yeux une seconde avant d'attraper ses clés de voiture. Au moins, il pouvait utiliser sa propre voiture sans avoir besoin de supporter ses frères et son père durant le trajet. C'était toujours une épreuve de les entendre parler de la même chose chaque putain de samedi depuis des années. Sa mère était absente ce matin et Isaac en fut soulagé. Il ne supportait pas son regard sombre et sévère sur lui quand il échouait. Elle le fixait comme s'il n'était pas digne de porter le nom des Woodeen et Isaac imaginait qu'elle avait raison.

Loup BleuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant