Chapitre I: Le Big Bang

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Point de vue de Zeynab

Comment est-ce possible de se sentir aussi seule quand on a autant de gens autour de soi ? Des gens à qui parler, des bras dans lesquels se réfugier pour pleurer...
C'est presque impossible à imaginer hein ?
Et je le conçois tout à fait car finalement on a toujours défini la solitude sur la base de l'isolement et moi aussi pendant longtemps.

Mais au fur et à mesure de mon existence, je me suis rendue compte que l'isolement n'est pas fatalement une cause de solitude mais plutôt l'une de ses conséquences.

À cette époque, j'avais environ dix ans, mon père et ma mère venaient de se séparer. Et comme presque toutes les petites filles, j'étais très attachée à mon père.

Pour moi, mon père était un héros, il travaillait la nuit, faisait des livraisons le jour, passait chez ses deux femmes pour voir ses enfants et parfois, même, prenait le temps de faire une balade avec moi.

Mon père a toujours été très investi dans ma prise en charge financière, scolaire et alimentaire. Cependant après mes dix ans le peu d'affection dont il faisait preuve à mon égard a disparu.

Comme je vous le disait, mes parents ont "divorcé" (mon père l'a toujours nié mais bon), après cet épisode, il ne venait plus nous voir. Alors il fallait que je l'appelle pour savoir quand est-ce qu'il comptait venir et ça a été le début de mon trauma.

Alors que je m'empêchais de dormir la nuit parce qu'il m'avait promis de passer me voir avant d'aller au travail, une petite voix résonnait dans ma tête pour me dire de ne pas m'endormir.

Elle me rassurait en me disant: "Il va arriver, ne t'inquiète pas",
"Ne t'endors pas, il va arriver",
"Il te la promis alors rassure toi".

Si au début ses mots étaient parfois doux et rassurant, au fil du temps, ils sont devenus de plus en plus violents: "Tu es conne ou quoi, tu vois bien qu'il ne viendra pas",
" Ne dors pas, tu vas le rater débile",
" Reveille toi! Réveille toi espèce de fainéante!".
Et plus on avançait dans le temps et plus je me réveillais en sursaut la nuit à l'entente du moindre petit bruit de portes ou de voitures.

À l'école ce manque, se ressentait dans l'attention énorme que je demandais. D'ailleurs récemment dans mon bulletin scolaire de CE1-CE2, j'ai constaté que tous les profs disaient que je n'arrêtais pas de me mettre en avant et que je devrais plus laisser les autres participer.
Mais un professeur s'est un peu plus intéressé à mon cas et même s'il n'a jamais su la raison pour laquelle j'avais besoin de notre relation en tant que père et fille, il a toujours été présent.

Un jour, je me suis rendue compte de la projection que je faisais sur lui. C'est lorsque nous étions tous partis au parc de la Villette pour une sortie scolaire.

Alors que nous avancions vers les célèbres tours rouges, il m'a pris la main et m'a regardé le regard plein de compassion. À ce moment là, je ne voyais le monde qu'à travers son regard et les sensations qu'il me procurait.

À partir ce moment, je me suis très fortement attachée aux personnes qui entraient ou sortaient de ma vie de peur de ne pas assez profiter de leur présence et qu'il finisse par s'en aller eux aussi.
Mais j'ai aussi développé une tendance malsaine: la générosité à outrance accompagnée de tests à répétition pour évaluer le niveau d'amour d'une personne à mon égard, à cela s'ajoutait le besoin de savoir si elle m'abandonnerait à la première occasion comme l'a fait mon père.

Quand j'étais une petite fille, j'étais toujours joyeuse et affective, et d'autant plus suite à cet événement car j'ai intégré petit à petit l'idée que si j'avais perdu mon père c'était parce que je n'avais pas été assez "bonne" pas assez calme, pas assez gentil, pas assez câline, tout simplement que le manquement venait de moi. Puis en grandissant la colère à beaucoup pris le dessus car mon poids commençait à vraiment devenir un problème et malgré mon changement pour devenir meilleur aucun pas venant de mon père était suffisant pour me combler car il n'y en a pas eu en réalité. Pire encore, à toutes les échelles on me trahissait.

À l'âge de 11 ans quand mes copines m'ont lâché pour discuter avec des personnes plus populaires, j'ai senti en moi l'explosion de la boule en cristal qu'était devenu mon coeur à force d'être fragilisé et depuis même encore aujourd'hui les morceaux de verres continuent de se balader en moi et parfois à me transpersez délicatement le coeur.

Je pense qu'il était important que vous sachiez cela sur moi avant que je commence à vous raconter mon histoire qui est souvent rythmée par des moments de dépression extrême, de crise de nerfs et de tristesse mais aussi d'amour, de tendresse et de douceur.

Un nouveau jour se lève toujours et on a l'occasion de tout reprendre à zéro de refaire mieux ou de refaire les mêmes erreurs alors quels seront mes choix ?

Au-delà de soiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant