4 - L'ange

1K 165 121
                                    

« Donc tu as recueilli une femme que tu ne connais ni de Lilith, ni de Satan, qui a tenté de se suicider et que tu as laissé dormir dans ton lit pendant dix heures ? C'est une blague ? »

Je me masse les tempes en touillant mon café alors que Miguel termine sa cigarette à la fenêtre du salon, me regardant d'un air amusé.

— Toi, Thérius ? L'enfant du mal absolu, le lion de la destruction, tu as sauvé quelqu'un ?

— Ouais bon ça va. Tu n'as pas des cours à réviser ?

— Ça me donne envie d'étudier ton cas. Est-ce que tu te sentais vraiment très seul à ce moment-là ?

— Ça n'a aucun rapport. C'est juste que...

Que passer une éternité à la Frontière, ça change un démon. Tu ne vois plus la vie et la mort de la même façon. Chaque chose est précieuse... Alors voir une femme m'ayant subjugué avec sa voix, tenter de se suicider, ça m'a choqué puis énervé sur le coup.

Je n'ai pas le loisir de donner ma réponse, sauvé par le gong, lorsque la porte de l'appartement s'ouvre sur Ruby déposant un petit sac de pharmacie sur le comptoir de la cuisine. Miguel penche la tête pour détailler sa tenue mêlant jean et cuir avant de se reprendre et de la saluer d'une main levée.

La démone ne dit rien et observe les achats qu'elle a fait pour moi, se demandant surement pourquoi je lui ai réclamé des médicaments. C'est l'espagnol qui pose tout haut la question qui démange ses lèvres :

— Prescription du médecin ?

— Médico-mage, rectifié-je. Il m'a prescrit des antidépresseurs que je vais devoir piler avec des herbes magiques et le tout devrait me donner un coup de fouet.

— À ce point-là ?

— Vous êtes en dépression ?

Je sursaute en entendant la question de Ruby s'étant approchée à pas de loup. Je pense que j'imagine des choses mais j'ai senti dans sa voix un peu d'inquiétude pour ma personne. Dans le désir de la tester, je me tourne vers elle et lui fais mon plus beau sourire avant de demander : « Pourquoi ? Tu aimerais t'occuper de moi ? »

Et comme je m'y attendais, la démone conserve une expression neutre avant de soupirer et d'aller me préparer un autre café. Miguel me dévisage sévèrement mais je me contente de hausser les épaules lorsque nous entendons la porte de ma chambre grincer.

Nous nous tournons tous vers la blonde dont les cheveux en pétard pourraient me faire exploser de rire si elle n'avait pas l'air aussi triste et perdue. Je me lève pour me diriger vers elle en attrapant au passage la nouvelle tasse de café.

— Est-ce que ça va mieux ? Tu te souviens de moi ?

— Tu es le boxer... Le Lion... Où est-ce que je suis ?

— Je t'ai ramené chez moi hier soir. Pas de panique, je n'ai pas abusé de toi.

— Tu sais mettre les gens en confiance, intervient Miguel en allant dans la cuisine. Vous avez fait une tentative de suicide et mon ami vous en a empêché et s'est occupé de vous.

— Pas un pour rattraper l'autre, soupire Ruby en roulant des yeux.

Je me retiens de rire en entendant le TOC de l'espagnol alors que Ruby dévisage sans gêne la femme encore la tête dans le brouillard. Comme si elle était en train de juger si elle ferait un bon repas dans le sens littéral du terme.

Ce que peu de gens et même de sorcier savent, c'est que les démons ne se nourrissent que de viande humaine lorsqu'ils désirent devenir plus puissants. Le goût de la chair est savoureux autant que le sang, ayant sur nos papilles un goût de bon vin rouge.

The Marvelous Lion [ÉDITÉ CHEZ HLAB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant