Chapitre unique

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Disclaimer : 

Attention, cette histoire parle de mort, même si elle n'est pas triste, une grande partie du concept tourne autour de ça ! Rien de violent par contre, c'est tout doux

Elle est inspirée d'un poème de Baudelaire "danse macabre", dont j'ai pris le nom comme titre, quand je l'ai lu j'ai vraiment eu envie d'écrire quelque chose comme ça

Prenez bien soin de vous

bonne lecture !


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Les badauds se pressaient au bord du Tibre. Quel évènement venait bousculer le calme religieux de Rome ? Quelles étaient ces couleurs agressives qui brûlaient la rétine ? Quelle diversion osait concurrencer le spectacle du soleil se reflétant dans l'eau sombre du fleuve ? Le bal au Vatican.

Passant au milieu d'une haie d'honneur, les invités caquetaient. Jeux d'éventails, drapés soyeux, rires distingués. Rien n'était laissé au hasard. Il s'agissait là des bons hommes choisis par le représentant de Dieu. On parlait ici des belles femmes à l'âme pure. Une étiquette difficile à obtenir, hors de question de s'en séparer. 

Parmi ces gens à la fierté mal dissimulée par leurs dentelles, un profil se détachait. 

Han Jisung n'était pas italien. Il n'était pas religieux. Il n'était ni riche ni fier. Pas choisi par le pape, pas plus que par les invités. Pas particulièrement adepte de danse et encore moins de discours. Il n'aimait même pas les fêtes.

Non, ce qui liait le jeune homme à ce lieu en cet instant, c'était sa passion pour la musique. "Prodige", c'était le nom qu'on lui donnait. "On dit qu'il peut jouer un morceau de tête après l'avoir entendu une fois", c'était ce qui se disait de lui. "Un talent exotique". "Une culture empruntée". "Un succès démérité". "Etranger". "Il paraît qu'il joue des airs vaudous". 

Foutaises. Ridicule. Jisung n'était pas né dans une famille riche. Il n'était pas particulièrement cultivé mais il avait au moins pour lui la simplicité de l'âme et l'amour de la musique. Depuis ses cinq ans, il jouait du violon. Quand ses parents ne pouvaient pas les nourrir, il avait joué pour eux. Lorsqu'il avait eu un petit frère, il avait joué pour sa naissance. Une fois assez entrainé, il avait joué dans la rue, pour les passants. Lorsque cet homme d'affaire à la moustache luisante lui avait offert une grosse somme d'argent, il avait joué pour lui. Lorsque ce même homme était revenu lui proposer un travail, il avait de nouveau joué pour dire au revoir à sa famille.

Et le voilà, à tirer sur le col de sa chemise trop blanche et trop serrée. Ses chaussures vernies grinçaient sur le parquet lustré. Il tapotait nerveusement le bois de son violon posé à ses côtés en regardant la large chapelle se remplir.

Personne ne le regardait, mais lui n'avait d'yeux que pour ces gens. Des gens si différents. Son public. Ce soir, le coeur était à la fête. Les invités voulaient être divertis. Ils voulaient danser. Ils voulaient boire du champagne, manger des huitres et s'abandonner à la musique. Tout reposait sur ses épaules.

Le maestro vint lui donner une tape sur l'épaule. Pas besoin de parler italien pour comprendre. Il souffla un bon coup, prit une gorgée d'eau et leva son archet. Les premières notes eurent du mal à se faire entendre au milieu du brouhaha des conversations mondaines. Après quelques efforts cependant, la mélodie enivrante eut raison des plus bavards. 

Comme il s'y attendait, toutes les têtes étaient maintenant tournées vers lui. Les regards se faisaient curieux, émerveillés. Comme à chaque fois, sourit-il intérieurement. L'ambiance mit du temps à être brisée, les gens n'osaient pas commencer à danser. Ils avaient peur de manquer quelques notes de la délicieuse mélodie.

Danse macabreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant