Ce que voit la fenêtre

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La fenêtre avait vue sur le chemin vers la ville et vers l'école. Les matins, les enfants, grands et petits, passaient sous la fenêtre, toujours en groupes variants de deux à presque une dizaine. Les enfants riaient, pleuraient, rageaient ; les enfants vivaient dans leur monde d'innocence, sans connaissance des difficultés de la vie, des dangers, de la mort imminente. Les soirs, ils rentraient, parlaient de leur journée, de leurs devoirs et du lendemain. Durant les journées, il y avait des promeneurs, des personnes partant pour la ville, des personnes arrivant ou rentrant ; tout types de personnes passaient pendant que les enfants étaient sagement à l'école avec leurs amis.

Ainsi les saisons s'écoulaient, le temps passait et sans s'en rendre compte, les enfants que la fenêtre avait un temps vu partir à l'école, avaient grandis et étaient partis pendant que d'autres étaient arrivés et restés. De nouveaux enfants prenaient le chemin de l'école mais moins nombreux s'y rendaient à pieds, les transports proliféraient et bientôt plus aucuns enfant ne passait sous la fenêtre. Le monsieur qui, un temps promenait ses chiens, qui changeaient de temps à autre, avait bien vieillis et s'était, il y a longtemps, trouvé une place dans le cimetière du village.

La fenêtre aussi avait pris de l'âge. Auparavant grande, fière, neuve, étincelante et attirant l'envie des passants, était maintenant usée, rongée par la poussière et l'oubli, elle n'attirait désormais plus que quelques rôdeurs d'ici et là. La fenêtre avait été abandonnée depuis que le temps passait en un clin d'œil.

Il fut un temps où un jeune enfant restait caché derrière la fenêtre, assis dans son lit à regarder de l'autre côté. Il était seul et envieux de ceux qui passaient au dehors. L'enfant était fragile, il ne sortait jamais. Les saisons s'écoulaient et l'enfant ne sortait point. Printemps, été, automne, hiver. Rien ne l'affectait. Il avait pour seul compagnie la fenêtre qui l'avait pris en amitié et partageait ses plus belles vues à ses côtés. Mais un jour, l'enfant s'assoupit et ne se réveilla plus. Des adultes l'avaient recouverts d'un draps blancs, certains avaient pleurés et d'autres serrés les poings. Lorsque le corps inanimé de l'enfant fut sorti du lit et emmené au loin, la fenêtre le vit passé dehors. Depuis, la porte n'a plus été rouverte et la fenêtre attend un nouveau compagnon avec qui elle partagerait ses visions du monde.

C'est alors que dehors, une femme s'attarda en observant la fenêtre. Elle avait une lourde valise dans une main et un chapeau dans l'autre. Elle souriait et la fenêtre cru l'entendre murmurer : « Je t'ai trouvée ... ».

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