Chapitre 3

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Allen Cunningham se fichait éperdument du reste de ses camarades. Ses amis lui suffisaient. Cependant, c'était un grand romantique. Il avait passé du temps à réfléchir à l'Amour. Qu'est-ce que c'était ? Pourquoi ? Ces questions, plutôt banales, bien qu'immenses, ne l'avaient intéressé que très succinctement. Ce qu'il voulait savoir, c'était comment. Comment est-ce que ça se passait. Il avait hâte. De toutes façons, dans une famille comme la sienne, il fallait bien qu'il se marie.

Au collège Saint-Charles, les filles étaient toutes brillantes. Aucune ne correspondait aux cinq garçons. Encore moins à Allen. Ils ne les regardaient pas, ils traversaient la foule d'élèves sans leur accorder un regard. Ils aimaient ça. 

Un jour, alors qu'Allen traversait seul la cour immense, il la vit. Elle le vit aussi. Elle était magnifique. Elle était originale. Elle ne portait pas de jupe. Elle ne portait pas de pantalon. Elle ne portait pas de chemise. Elle portait une robe. Une robe grise. Le même gris exactement que celui de ses costumes. Le même, donc, que celui qu'il portait ce jour-là. Il remarqua aussitôt que ses yeux étaient particuliers. Elle avait des yeux vairons. Mais pas simplement différents... non, ses yeux étaient multicolores. Lorsqu'il la vit, ce jour-là, le vert émeraude de ses iris ressortait particulièrement. Il se perdit dans ces yeux. Splendide. Elle tenait un livre à la main. En fait, c'était un carnet de cuir vierge. Elle était parfaite.

Elizabeth Burton était née à Londres. C'était une brillante élève. Ses professeurs l'admiraient. Elle surpassait tous les élèves du pays en quelque matière que ce fut, et c'était une pianiste extrêmement douée. Elle était arrivée cette année en France, et le collège Saint-Charles avait été ravi de l'accueillir. Elle était pâle, et portait toujours un canotier, avec un ruban bleu ciel, et des gants. Son sourire charmait les adultes. Elle maîtrisait à la perfection l'art de parler. Elle, elle n'aimait pas particulièrement ce monde, dans lequel elle vivait. Simplement, elle trouvait idiot de ne pas accepter cette réalité, et poursuivait son chemin sans encombres. Peut-être était-ce dû à cela, mais une immense mélancolie se détachait de sa silhouette toute entière. Elle était belle bien sûr, mais d'une beauté froide, distante, lunaire. Elle se détachait du flux constant de cartables et de paroles, et là, devant lui, elle s'était arrêtée. Elle avait tout de suite observé qu'Allen Cunningham était étrange. Il avait le même tailleur qu'elle, mais plus étonnant encore, son costume était du même gris exactement que celui de ses robes.

La sonnerie retentit dans le parc. Les élèves se rangèrent devant leurs salles de classes. Les enseignants, pressés, descendirent avec leur café, qu'ils buvaient pour éviter leurs collègues. 

Assurément, quelque chose allait se produire.

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⏰ Last updated: May 06, 2023 ⏰

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La Confrérie des LatinistesWhere stories live. Discover now