Chapitre 3

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La porte claque et avec elle son coeur sursaute. L'ambiance est de nouveau pesante et il fait beaucoup plus chaud, beaucoup trop chaud même. Ambre ne respire toujours pas, elle reste immobile, incapable de bouger le moindre cil. Il ne bouge pas non plus. Il se tient là, posé contre une grande table et il la dévisage. Ses yeux qu'elle semble voir partout tracent chacun de ses traits, traversent ses courbes, défilent sur sa robe et remontent pour se planter dans les siens et elle sent son estomac se soulever. Son regard est tellement intense qu'elle se sait plus où se mettre.

"Bonjour Ambre"

Sa voix grave et douce emplit la pièce et vient apaiser son coeur. Elle prend le temps de respirer de nouveau et elle a l'impression de ne jamais s'être autant sentie à sa place qu'à cet instant. Ca ne dure qu'un instant, mais ça lui fait du bien. Comme si maintenant, tout paraissait normal, logique même.

Elle laisse ses yeux parcourir l'homme en face d'elle. C'est son tour maintenant.

Ses jambes lui paraissent immenses, son torse aussi. En fait, elle se surprend à penser que tout ses membres ont l'air un peu trop grands, mais ça lui va bien. Il est assez imposant, et ses larges épaules donnent l'impression qu'elles pourraient supporter le poids du monde. Il a les bras croisés sur son ventre et sa chemise évasée laisse entrevoir son torse dessiné. Son visage est plus difficile à regarder, son expression est presque illisible. Sa mâchoire carrée lui donne l'air d'un homme très viril et ses lèvres pulpeuses lui renvoient une image féminine. Il lui est presque impossible de lui donner un genre distinct, il ne semble appartenir à rien et ça le rend vraiment mystérieux. Et beau. Ambre le trouve très beau. Quelques mèches brunes viennent épouser les contours de son visage angélique et ça lui donne envie de rire.

D'un coup, Ambre sent les prémices d'un fou rire dans son estomac et elle a beau essayer de s'en empêcher, elle ne parvient pas à stopper le rire qui naît dans sa gorge. La pièce est bientôt remplie des échos de ses gloussements et elle se souvient alors qu'elle n'a jamais aimé son rire.

L'homme en face d'elle hausse un sourcil interrogateur et esquisse un demi sourire. Il a l'air surpris, Ambre a l'impression d'être ivre. Ses abdos lui font mal tant elle rigole, et même elle sait que c'est complètement démesuré mais qu'est ce qu'il ne l'est pas depuis qu'elle s'est réveillée ?

"Je suis désolée..." bafouille-t-elle entre deux ricanements.

Elle a conscience que ce n'est pas vraiment le moment de rire à gorge déployée mais le sérieux de cet homme est comique. Il a l'air si doux, il n'a vraiment rien d'effrayant. Il n'a pas sa place dans un endroit qu'on appelle Les Enfers, c'est trop irréel. Il a l'air si jeune...

Son rire s'étrangle dans sa gorge et elle manque de s'étouffer quand un noir profond prend soudainement possession de ses yeux. Plus une trace du vert qu'elle trouve si beau, sa pupille semble avoir envahi ses orbes et l'image est effrayante. Ses traits se durcissent et l'homme se redresse, la surplombant de toute sa hauteur. Il est encore plus imposant qu'elle ne le pensait et elle aurait presque envie de s'enfoncer dans le sol. Les yeux d'Ambre dérivent sur le visage de cet homme, à la recherche de l'explication de ce changement intense, et ce n'est que maintenant qu'elle les aperçoit. Elles sont courtes, fines, presques invisibles mais elle sont bien là, à la base de son front, partiellement cachées par sa chevelure désinvolte, deux petites cornes aussi noires que ses yeux.

Ambre étouffe un petit cri de surprise derrière ses mains. Sa gorge est sèche et elle ne rigole plus.

"Je te fais rire ?"

" Plus maintenant" répond Ambre après avoir avalé sa salive.

Aussi rapidement qu'ils ont pris leur couleur noire, ses yeux s'éclaircissent et bientôt, le vert reprend ses droits. Son visage semble plus lumineux et un sourire amusé y stagne. Il a repris cet air un peu adolescent et Ambre ne sait plus quoi penser ni ou se mettre. Elle a encore plein de question à poser, la première étant "qui es tu batard ?" mais elle doute que ce soit la meilleure façon de la formuler. Elle ne sait même pas où elle est, ni comment elle est arrivée là et l'explication "j'ai traversé un nuage de couleurs pastels" ne semble pas satisfaire son cerveau. Elle a envie de s'assoir, qu'on lui offre un verre d'eau et que simplement on lui explique ce qu'il se passe.

Maudit-eOù les histoires vivent. Découvrez maintenant