Chapitre 18

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La salle était prête et elle accueillait ses premiers invités, des journalistes s'installaient ils tenaient tous des journaux du matin. Avec le démenti de l'Expression du web en première page et une lettre publique d'excuses que Samuel Fodjoueu avait fait publier par ses compares.
Un silence mortuaire monta comme un grondement du tonnerre, tous les regards convergeaient vers un même objectif. Tous ces yeux fascinés sur elle, lui donnèrent une envie soudaine de marquer son territoire comme un chien errant.
Elle était belle à damner un saint ! Il était habitué à la voir arborer des tenues décontractées, mais là dans ce tailleur elle lui faisait plus d'effet que jamais. Elle n'avait plus la même allure, on aurait dit une dame de la noblesse.
Et ses grands yeux noirs mis en exergue par sa coiffure, on pouvait voir se dessiner son cou aussi gracile que celui d'un cygne. Tous les bijoux qu'elle portait étaient discrets mais conféraient à sa beauté sauvage, une certaine luminosité céleste.
Elle se laissa guider par Julia qui lui indiqua où s'asseoir, en passant près de lui, elle lui prit la main comme pour se rassurer qu'il la soutenait toujours, une fraction de seconde il tint sa paume froide et humide dans la sienne avec autant de force que possible.
Ils s'installèrent tandis que l'assemblée faisait de même.
« Bonjour à tous ! », commença Julia en ouvrant la fiche qu'elle tenait dans ses mains.
Victoire semblait un peu perplexe cela pouvait se lire sur son visage, elle n'était pas rassurée par cette situation. Tout ce qu'il pouvait espérer c'est qu'il était le seul à s'en apercevoir, le cas contraire ce n'était pas gagné ! Ces vautours n'avaient qu'une idée en tête lui pourrir la vie.
« Je suis Me Bekono, je représente Mlle Esso'o en tant que conseillère juridique. Nous organisons cette rencontre pas pour revenir sur ce vilain scandale mais pour parler du travail de Mlle Esso'o et de son rôle d'égérie pour la marque de vêtement La Crête ! »
Un murmure s'éleva dans la salle, apparemment ils voulaient avoir des détails croustillants sur cette affaire de prostitution.
Stéphane intervint.
« Nous allons commencer par le travail de Mlle Esso'o ensuite vous pourrez poser des questions. »
C'est ce qu'il fit, parler de la marque, même si normalement c'était à Angèle de faire cela puisque c'est son projet, il exposa l'apport de Victoire et de l'association qu'elle parraine. Il laissa à un moment le micro à Victoire qui s'exprima avec calme et détachement.
Vint enfin le moment des questions.
La chasse est ouverte, pensa Stéphane en posant les coudes sur la table. Qui d'entre ces hommes et femmes est venu pour taper fort ?
« Oui Linda ! », dit Victoire en interpellant une journaliste qu'elle semblait connaitre.
« Bonjour Victoire... »
« Bonjour... »
Sa voix était claire, détendue et ne trahissait pas le tumulte que Stéphane avait décelé une minute plus tôt. Une bonne maitrise d'elle-même. Définitivement cette femme est fascinante, on ne la croit pas assez forte et pourtant elle l'est.
« Comment allez-vous ? »
« Pas trop mal, j'essais de garder la tête haute face à tout ceci. »
« Je peux comprendre ! J'ai une question nous sommes au courant vous n'avez pas reçu d'argent contre du sexe mais pourquoi avoir même accepté d'être une escorte ? Puisque nous savons tous comment ce genre d'entente s'achève... Etait-ce de la naïveté ? », demanda la journaliste à brule pourpoint.
Sa brusquerie sera le cœur de Stéphane.
« Non, ce n'était pas de la naïveté ! J'étais désespérée... »
De la force voilà ce qu'elle avait dans la voix. Mieux elle leur sourit.
« Mais alors, vous auriez couché avec lui ? » s'enquit un autre journaliste qui portait des lunettes et qui prenait des notes.
« Vous lui faites un procès d'intention ? Ça suffit ! », intervint Julia qui veillait au grain.
Un murmure s'éleva dans la salle, en même temps que des doigts s'élevaient dans les airs.
« Parce que nous avons un témoignage selon lequel ce monsieur et vous avez été amant... pouvez-vous nous dire ce qu'il en est ? »
« Pouvez-vous, nous dire de qui vous tenez ce témoignage ? » demanda Julia sur le qui-vive. « Vous avez écris la dessus ? »
« Nous ne l'avons pas publié... »
« Alors Mlle Esso ne répondra pas à cette question étant donné que vous-même, vous n'y croyiez pas. Vous pouvez lui poser d'autres questions ! »
Stéphane était impressionné par la force de ces deux femmes, elles arrivaient à maitriser les ardeurs de ces loups enragés.
« Alors, pourquoi n'avez-vous pas passé la nuit avec cet homme ? Puisque vus aviez besoin d'argent... », reprit Linda en fixant un regard inquisiteur sur la concernée.
« Je crois que vous connaissez déjà l'histoire de ma mère... j'avais besoin d'argent, alors une ami m'a connecté avec cet homme... »
Elle ne répondait pas comme si elle donnait une explication qui donnerait un nouveau sens à sa vie, soit en le brisant ou en la canonisant, elle racontait son histoire au monde tout simplement.
« Son nom est Jacques Mbassa, je l'ai retrouvé dans un hôtel, de là nous sommes allez à l'hôtel Fébé où avait lieu une réception. Nous avons effectivement passé la soirée ensemble, comme je ne supporte pas l'alcool, je n'y ai rien bu, effrayée aussi par la situation qui n'était pas commune pour moi, être ainsi avec un homme était très nouveau pour moi... »
Des rires, légers mais quand même des rires, le cœur de Stéphane se desserra légèrement.
« Ensuite il a prétexté qu'il se faisait tard pour rentrer alors il a pris une chambre où... du moins je le pensais... j'allais être payée, mais ce n'est pas ce que mon hôte avait dans la tête. Pour être franche je me suis dite à un moment que si je couchais avec lui, c'était pour le bien de ma pauvre mère et celle de ma sœur qui devait reprendre ses études... »
Elle ferma un instant les yeux et secoua la tête comme pour chasser de mauvais souvenirs.
« Mais je ne pouvais pas... même pour elles je ne pouvais pas... et ma mère se serait laissée mourir si jamais elle apprenait que j'avais vendu mon corps pour lui sauver la vie, alors non ! »
Elle ouvrit brusquement les yeux et le monde sut ce que cette conférence lui coutait.
« Comment vous en êtes vous sorti ? », la coupa un autre journaliste que Stéphane ne reconnaissait pas.
La question fatidique, le fin mot viendrait de cette réponse que Victoire refusait de donner pour protéger une personne, mais qui pouvait-il bien être à ses yeux ?
« Un homme est venu à mon secours en m'entendant crier... », murmura-t-elle sentant le piège se refermer sur elle.
« Qui ? »
Ce mot fusa dans la pièce comme une flèche qu'on lançait, elle lui jeta un regard perdu, mais il ne pouvait rien faire d'autre que de resté assis là.
« Je ... ne peux malheureusement pas citer son nom... »
« Alors pourquoi nous raconter toute cette histoire si vous ne pouvez pas nous donner des preuves ? »
Stéphane pécha en intervenant :
« Des preuves ? N'est-ce pas vous qui êtes censé apporter de preuves de sa culpabilité ? Evitez les photos truquées cette fois ! »
Julia lui lança un regard désapprobateur.
« Et vous Mr Medou, pourquoi ce soutien total alors que vous ne connaissez pas l'identité de l'homme qui peut prouver les dires de Mlle Esso'o... »
« Si vous tenez tant à le voir, me voici ! », lança une personne derrière Stéphane.

Un Nouveau SouffleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant