Chapitre VI - La fiancée du général

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La reine avait été enlevée. Le palais connaissait un branle-bas de combat sans précédent. Le cercle des assassins avait échoué à la protéger. Le chef des armées, le premier conseiller et les deux métamorphes partageaient avec eux leur échec. Il s'agissait désormais de se reprendre et d'organiser la riposte.

Une assemblée exceptionnelle se réunit dans la nuit. Les têtes pensantes et exécutives du royaume s'étaient retrouvées en salle du conseil, tandis que l'intendant général avait été chargé de renvoyer le reste des invités chez eux.

Les assassins s'installèrent en retrait de la table où siégeaient les conseillers. On remercia les deux métamorphes de patienter à l'extérieur de la salle. Ils connaissaient le général, expliquèrent-ils à Eckart. Leur savoir pourrait leur être utile. Celui-ci les éconduit avec tact. Il s'agissait des affaires internes du royaume, cependant, il n'hésiterait pas à les solliciter si le besoin s'en faisait sentir. Ils attendirent donc assis dans le hall, face aux portes fermées et à la nervosité des gardes, trop agités pour parvenir à penser à autre chose.

— Et s'il l'avait tuée ? s'inquiéta la plus âgée des conseillers.
— Voyons, je vous en prie, dit Eckart. Ne nous laissons pas aller à de tels défaitismes. Je vous l'ai expliqué : ils en ont besoin vivante...
— Eckart, l'interrompit un homme replet aux temps grisonnantes, nous savons tous les deux que Rhonert n'hésitera pas une seconde.
— Pas s'il veut récupérer le royaume.
— Ce ne sont que des suppositions. L'avenir d'Alshideis ne dépend pas d'un mensonge lancé lors d'une partie de carte. Il nous faut des certitudes !
— Eckart a raison. Pourquoi risquer un tel enlèvement si c'est pour la tuer ensuite ? Il aurait pu en finir immédiatement.
— Tu oublies que nous étions là, Carolyne, maugréa le Grand Assassin.
— La belle affaire, pour ce que ça a changé...
— Qu'est-ce que tu sous-entends ?
— Ah il est beau le cercle des assassins du royaume d'Alshideis ! Il a sa réputation ! Le monde entier va nous rire au nez après ça !
Syor bondit de son siège, prêt à lui faire goûter de sa réputation... L'un de ses aînés l'arrêta d'un bras.
— Les esprits sont échaudés, lui dit-il. Cela n'en vaut pas la peine...
— Que vont penser les états belliqueux lorsqu'ils auront eu vent de l'affaire ? Allons-y, envahissons le royaume d'Alshideis, ils n'ont plus personne pour les gouverner et leurs assassins ne valent rien...
— Tu oublies son armée, le coupa Armandine, la voix prise dans une incommensurable colère.
— Parlons en de cette armée ? Où est-elle à présent ?
— Sur le terrain... Contrairement à ce que tu pourrais croire, ce n'est pas parce que les gens ne se pavanent pas sous ton nez, Bader, qu'ils ne font rien... Bien au contraire...

Raide, les nerfs à vifs, Syor demeura debout, les bras croisés. Il enrageait. Le légendaire revivait la scène en boucle. Il la tenait dans ses bras avant de la lâcher comme le dernier des crétins pour se précipiter sur sa cousine. L'instant d'après, elle était emportée par une brume maléfique. Pourquoi l'avait-il lâchée. Il la tenait... Il avait besoin de se défouler. Cet incessant bavardage l'exaspérait. Ces politiciens passaient leurs vie à causer sans agir, leurs précieux arrière-train vissés à leurs siège depuis si longtemps qu'ils en avaient pris la forme. Et ils se permettaient de juger le cercle... Non, il n'en pouvait supporter davantage, il avait besoin de prendre l'air. Une virée en solitaire dans les jardins lui feraient le plus grand bien.

— Où comptes-tu aller, Syor, l'interpela Eckart, nous n'en avons pas fini...

— Vous vous débrouillerez très bien sans moi.

Et le temps qu'ils encaissent son insolence, il ouvrit les portes et sortit enfin de cet endroit.

Castian et Arthus se levèrent à son approche, quémandant un semblant de réponse à leurs nombreuses interrogations. Il passa sans un regard pour eux et d'un coup d'épaule, il percuta violemment le bras de la panthère. L'attaque n'était pas un accident. Il n'y avait pas de raison à ce geste, juste l'envie d'en découdre, le besoin de se défouler. Le métamorphe grogna. Syor tourna la tête.

La reine invisible [TW]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant