Presque indescriptible. Allongée, elle ressent tellement de choses. Tellement que son corps ne peut évacuer que par les larmes et les sanglots. C'est insupportable. "Comment font les gens?" Elle se le demande souvent. "Ou est-ce moi qui ai un problème?" Elle se pose beaucoup trop de questions, mais essayer de trouver des réponses serait une grande perte de temps, et le temps est précieux. Peut-être même n'y existe-t-il pas de réponses, alors à quoi bon. Il suffit de prendre les choses telles qu'elles arrivent, se dit-elle, mais dès que d'énormes liens invisibles la tirent vers le bas, même avec l'aide des personnes les plus bienveillantes de la terre, il est parfois impossible de remonter à la surface. Elle essaye de respirer, de détacher les liens acrochés à ses cheveilles, de battre des mains pour atteindre le rivage mais rien à faire. C'est presque à croire si son destin est sous les eaux sombres, seule, abandonnée. Elle ne l'est pourtant pas, elle a tant de gens à ses côtés. Mais quand la tristesse est trop grande, le torrent de larme emporte tout sur son passage, les sourires, les espoirs, les amours, les personnes qui l'aiment. Elle n'aime pas se confier, car elle ne veut pas les attirer au fond avec elle, mais aussi car, inconsciemment, elle à peur de vraiment se faire abandonner et de se retrouver seule pour de bon. La solitude, grande abîme vorace et impassible, la terrifie plus que tout. Pourquoi, dans son plus jeune âge, n'avait-elle pas toutes ces peurs... Toutes ces prises de consience glaciales l'ont rendue austère et la voilà, seule dans son lit, en train de s'assècher sans aucune raison, alors que tout le monde continue de vivre sans encombre. En même temps, elle culpabilise. Elle n'a absolument aucun problèmes, et elle se morfond. Sa vie est sensée être géniale n'est-ce pas? Est-ce que quelqu'un la comprends? Des pensées obscures de jeune adolescente selon tous. Elle aimerait bien voir ça de cette manière, mais elle est persuadée que c'est plus que ça, et que ce sentiment ne la quittera jamais, naïve probablement. Mais plus elle s'enfonce dans les abysses, moins elle parvient à s'abituer à la lourde obscurité perçant ces eaux funèbres. Lorsqu'un lien se désserre, qu'elle parvient à bravir cet océan et qu'elle apperçoit enfin une lueure lumineuse agréable, elle est heureuse, oublie tout, et se dit qu'elle va enfin pouvoir admirer la forte lumière hors de l'eau. Mais le soleil finit toujours par disparaître, et l'écho d'un rire chaleureux aussi. C'est lorsque ce doux son s'évapore qu'un nouveau lien lui attrape la cheville et la tire violemment dans ces cruelles eaux. La chute est encore plus douloureuse après avoir vu disparaître le soleil, et elle est encore plus brisée après cette charmante rencontre, comme quoi même le bonheur lui fait du mal.
Allongée, elle ressent tellement de choses. Elle pense à tout, et à rien en même temps. Toutes ces allégories découlant de nul part viennent renforcer son curieux sentiment. Qui, à cet instant précis, pense à elle? C'est étonnant. Un grand nombre de personnes doivent surement se dire la même chose au même moment, et pour qui est-elle là? Personne. Là, elle se sent égoïste et se déteste encore plus.
Après cinq notes, la première larme s'est formée au coins de son oeil, suivie d'une deuxième, et d'une troisième. Après dix notes, le sanglot qui semblait coincé dans sa gorge s'est échappé en un bruit étranglé. Après vingt notes, ses yeux étaient gonflés et la peau de ses joues était noire. Après trente notes, un torrent de larme s'est jeté au creux de son cou pour finir sa route sur le tissu des ses draps, humide. Après quarante notes, sa tête était douloureuse. Après cinquante notes, le goût du sel a commencé à l'écoeurer. Après septante notes, ses yeux, douloureux, se sont fermés. Après huitante notes, elle a tourné toute sa vie en boucle dans sa tête. Après nonante notes, sa tête était très lourde, les larmes ont cessé de couler, la brume noire qui gangrainait son esprit s'est dissipée, et la cruauté de ses souvenirs a fait place à une douce mélancolie. Après cent notes, elle a sombré dans un profond sommeil, et toutes ses pensées assassines se sont assoupies avec elle.
Le lendemain, tout allait pour le mieux.