Évangéline

𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟐𝟒

ANGELINE / LUKE

Cinq jours interminables se sont écoulés. Je les ai vécus dans la peur. La peur que Luke soit parti sans nous dire au revoir, la peur qu'il ait cessé de croire en nous, en notre famille... Son portable étant resté éteint, il m'a été impossible de le joindre. J'ai demandé à l'hôtesse de m'avertir si elle le voyait rentrer, mais là non plus, je n'ai reçu aucune réponse.

Il est un peu plus de dix heures quand j'arrive au tribunal, le ventre noué, la gorge sèche. Ce matin, j'ai laissé mon fils devant le portail de l'école dans le même état. À vrai dire, ça fait plusieurs jours que je suis ainsi, mais je m'efforce de sourire devant Evan. Il n'a pas besoin de savoir ce qu'il se passe.

Assise sur l'une des dernières rangées, je regarde l'heure devant moi avant que mes yeux rencontrent ceux de Charles qui m'observe. Il a l'air terrorisé, tout comme moi...

— Veuillez vous lever.

Le juge fait son entrée et se dirige vers son fauteuil en cuir noir. Après un dialogue d'ouverture, l'avocat de la défense, maître Cohen, commence à choisir le jury.

Il se lève et s'approche du jury pour poser différentes questions plus ou moins pertinentes selon lui, puis il récuse trois personnes qui sont remplacées par de nouvelles. À son tour, Maître Darrow prend la parole mais ne récuse, lui, que deux personnes. Une fois le jury validé par tous, le débat commence ainsi que l'intervention des premiers témoins. Quand vient le tour de maître Darrow, et que je l'entends déclamer, des frissons me parcourent les bras. Je me redresse et me retourne quand la porte de la salle s'ouvre, laissant apparaître Luke. Il est enfin là, sous mes yeux, et pourtant ma peur ne disparaît pas, au contraire. J'avais raison. Il lui est bien arrivé quelque chose.

Alors qu'il passe près de moi, nos regards se croisent et je lis la tristesse dans ses yeux. Un homme inconnu pousse le fauteuil roulant dans lequel il est assis avant d'aller s'installer sur le siège des témoins.

— Votre honneur, je n'ai pas été mis au courant de ce témoin.

— Maître Darrow, est-il vraiment nécessaire pour l'affaire ?

— Absolument nécessaire.

— Bien.

Un officier de l'ordre s'approche de Luke, qui est sous assistance respiratoire. Et de le voir ainsi, ma colère s'envole, aussitôt remplacée par la peine. À ce moment-là, je n'ai qu'une hâte, c'est que l'audience se termine pour que j'aille le voir.

— Jurez-vous de dire la vérité, rien que la vérité ?

— Je le jure, dit-il, la main droite levée.

— Monsieur Wright, est-il vrai que ce soir-là vous étiez vous aussi à cette soirée ?

— Oui, c'est vrai.

— Êtes-vous resté toute la soirée en compagnie de monsieur Ross ?

— Non, je l'ai perdu quelques minutes, le temps de danser avec ma petite amie, lance Luke en me fixant droit dans les yeux.

— Savez-vous où il était ?

— Sûrement à l'étage en train de séduire une fille. Il était un vrai Don Juan à l'époque.

— Ce qui a pu entraîner la colère de Connor ?

— Tout à fait. Après le match, Charles m'a avoué avoir couché avec une fille pour qui Connor avait des sentiments.

— Que s'est-il passé le reste de la soirée ?

— J'ai un reçu un coup de téléphone de Charles. Il rentrait chez lui à pied et en chemin, il s'est rendu compte qu'il avait perdu ses clés. Vu que c'était moi qui avais les doubles, je l'ai rejoint en laissant Samuel, un ami, ramener ma copine chez moi. Je venais à peine de le rejoindre quand Connor a débarqué, furieux, en insultant Charles. J'ai essayé de le calmer, sans succès. Je sentais l'odeur de l'alcool qu'il avait ingurgité à trois mètres. Il avait dû venir à la fête et me suivre, je ne sais pas, mais en tout cas, il était là devant nous. Et à un moment, il a sorti un pistolet qu'il pointait sur mon meilleur ami. En tant que capitaine, j'avais des responsabilités. Il fallait que je le protège, que je nous protège. Connor avait perdu le contrôle, j'avais peur pour lui, pour moi, pour ma famille alors j'ai essayé de le désarmer tout simplement, mais il avait empoigné l'arme fermement et c'était presque impossible de lui enlever... jusqu'à ce qu'un coup de feu retentisse...