Chapitre XIV

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*Celle qui aime et celle qu'il aimait*

Tony bricolait l'esprit léger dans son atelier. L'air lui semblait doux, il imaginait Ode dormir encore dans son lit. Mais il l'entendit frapper à la porte avant d'entrer.

Elle avait l'air prête. Habillée de la même manière que le premier jour, son jean, sa chemise à carreux, et surtout, son sac à dos. Elle avait le visage déçu, un peu en colère, et triste.

Tony lâcha ses instruments quand il vit son sac à dos. Il ne comprenait pas. Il avait imaginé le reste de sa vie avec elle. Mais elle avait son sac à dos et son visage, mon dieu son visage, était celui des adieux.

- Tu pars ? demanda t-il.

Elle ne répondit pas, elle ne le regardait pas. Il avait peur de comprendre. Pourquoi partirait-elle ? Elle l'aimait, du moins, elle était très attachée à lui, et lui aussi. Elle n'avait que lui, il n'avait qu'elle. Elle avait dit qu'elle resterait, que contrairement aux autres, elle n'allait pas disparaître en douce. Pourquoi avait-elle son sac à dos ? Pourquoi ne répondait-elle pas ?

Devant son silence, Tony se leva et s'approcha d'elle. Ses pas reveillèrent Ode qui le regarda finalement. Brusquement, elle dit :

- Tout le temps que j'étais dans ce lit d'hôpital, tu étais saoul, n'est-ce-pas ?

Tony s'arrêta, surpris. Il fit une petite moue, il ne pouvait pas lui mentir, elle savait déjà. Elle était sortie de ce lit il y a petit moment déjà, il ne comprit pas pourquoi elle posait cette question maintenant. Ou plutôt, comment elle l'avait compris. Il passa la main derrière son cou et répondit :

- Comment tu as su ?

- Comment ai-je pu ne pas savoir ? Je me suis forcée à oublier pendant des mois que tu étais un alcoolique, même pendant que j'étais en train de lutter contre la mort. Mais mon subconscient m'a crié que tu n'avais pas traversé cette épreuve sans être saoul. Alors je suis allée vérifier, la moitié de ta réserve personelle a disparu. 

Il entrouvrit la bouche, pris au dépourvu. Il n'avait pas à se cacher. Il sentait qu'il y avait quelque chose derrière ce constat de fait. Sans qu'il sache vraiment pourquoi, c'était la raison pour laquelle Ode avait son sac à dos. Elle avait l'air triste.

- C'était occasionnelle, se défendit-il.

- Ce n'est pas à propos de l'alcool, c'est à propos de ce que ça signifie.

Il sentait qu'il allait la perdre. Il ne voulait pas le perdre pour quelques verres, ce serait stupide.

-Je... j'avais peur de perdre la femme que... j'avais peur de te perdre.

-Non. Tu ne bois pas parce que tu as peur. Tu bois parce que tu veux éviter de souffrir. Tout ce que tu fais, l'alcool, le rejet, tu le fais pour éviter de souffrir.

Parce qu'il était touché par la vérité, il se mit sur la défensive. Mais il n'avait pas de défense. Les fois où il s'était soaulé en présence d'Ode, quand elle n'était pas vraiment là aussi, quand il l'avait rejeté, plusieurs fois, jusqu'à l'abandonner dans la rue. Elle avait raison, pourtant, il avait fait ça pour éviter de souffrir. Ce n'était pas ce qu'elle souhaitait pour lui, après tout ?

- Je ne vois pas où est le problème ? Tu parles de la souffrance comme si c'était un trésor enfoui.

- Tu ne peux pas aimer quelqu'un sans accepter de souffrir. Tu ne sembles pas le vouloir. Tu n'as pas pu l'accepter, tu es resté éloigné de moi pour pas que je te blesse, que ce que je traversais te blesse.

- Mais je, j'étais avec toi, j'étais là.

- Non, tu n'étais pas vraiment là.

- Je voulais être là.

 Ode Aux Ascenseurs Où les histoires vivent. Découvrez maintenant